La jeune communauté croyante d'après Pâques a bien du mal à se faire accepter. La difficulté, qu'elle a elle-même eu, pendant un temps, à reconnaître la résurrection de Jésus, s'étend au peuple dont elle est issue et se tranforme en hostilité de la part de ceux qui ont fait condamner Jésus. Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi : supprimer donc quelqu'un de votre vie, et il y a fort à parier que vous ne voudriez pas non plus que, sans cesse, on vous reparle de lui.N'est-ce pas, le problème est réglé, on tourne la page, on passe à autre chose. C'est dans ce contexte que nous retrouvons Paul et Barnabé au cours de leur mission. De là, va naître une véritable stratégie missionnaire en deux temps.
Dans ce peuple, il y a des gens qui écoutent et qui accueillent favorablement l'annonce de Paul. Il y en a qui se convertissent : les Actes des Apôtres en témoignent. La Parole de Dieu touche les coeurs ; la Parole de Dieu convertit. Ce n'est pas une parole vaine. Mais cette même Parole de Dieu rencontre aussi toujours des obstacles, sans qu'on sache vraiment pourquoi. Pourquoi une parole qui n'est qu'amour et paix est-elle ainsi rejetée ? Pourquoi une parole qui dit le salut des hommes devient-elle, pour certains, inaudible ? Sans doute touchons-nous là du doigt le mystère de la relation à Dieu. Devant celui qui ne veut pas se laisser approcher de Dieu, devant celui qui refuse de l'écouter, Dieu se retire ; il ne s'impose jamais. Paul en fera donc autant. C'est à vous, nécessairement, qu'il fallait d'abord annoncer la Parole de Dieu. Puisque vous la rejetez et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons vers les nations païennes.
Voici le deuxième temps de sa stratégie : aller vers celles et ceux qui, sans être nécessairement du peuple de la Première Alliance, ont envie d'entendre Dieu et de le suivre. Rien ne doit arrêter la Parole de Dieu. Et si ceux à qui elle était destinée n'en veulent pas, il y en a d'autres qui pourraient être intéressés. La Parole de Dieu ne s'arrête pas à des considérations d'origine ou de religion. Le psalmiste le reconnaissait-il pas déjà lorsqu'il chante dans le psaume 99 : Acclamez le Seigneur, terre entière, servez le Seigneur dans l'allégresse, allez à lui avec des chants de joie !
Cette Parole que Paul a entendu sur le chemin de Damas, cette Parole qui semble le brûler de l'intérieur, il ne peut la retenir, il ne peut l'étouffer. Il sera donc l'Apôtre des Nations, l'Apôtre de celles et ceux qui attendent cette Parole, l'Apôtre de celles et ceux qui ont besoin et envie d'être sauvés. Il en est convaincu : Jésus, sur la croix, s'est offert pour tous. Jésus, sur la croix, offre à tous le pardon de Dieu et la vie éternelle. Il faut donc laisser résonner cette promesse de telle sorte que tous puissent l'entendre.
Cette décision n'a pas dû être simple pour Paul ; mais elle s'est imposée à lui. Elle ne simplifiera pas les choses pour autant. Lui-même égrènera un jour tout ce qu'il a souffert à cause de cette Parole ; mais jamais il ne regrettera sa décision ; jamais il ne se soumettra à la facilité. Il sera obligé de fuir devant ses adversaires qui veulent faire taire cette Parole libre de Dieu.
Nous célébrons, en ce quatrième dimanche de Pâques, la journée de prière pour les vocations. Notre première vocation, celle de notre baptême, est de faire résonner cette Parole de Dieu dans notre vie d'abord en nous conformant à elle ; mais nous avons aussi à la faire résonner dans le monde, c'est-à-dire autour de nous, pour que d'autres puissent ainsi découvrir qu'ils sont aimés de Dieu, attendus par Dieu et sauvés par lui. Notre témoignage peut être source de vocation pour d'autres. Si nous éteignons cette Parole en nous, si nous refusons de la faire retentir pour les autres, qui marchera encore sur les pas du Christ ? Qui aura le courage de la faire entendre ? Qui aura la folie d'affronter l'épreuve au nom du salut de tous ?