Alors, il te plaît, ton cadeau ? Combien d’enfants, voire d’adultes, ont entendu cette phrase après le grand déballage de cette nuit ? N’est-ce pas, lorsque nous offrons un cadeau, nous attendons au moins cette lueur dans le regard qui, à défaut de mots, sonne comme un assentiment et un remerciement : tu as bien choisi, c’est bien ce que je voulais. La même question vaut pour nous tous, ce matin. Sommes-nous heureux du cadeau que Dieu nous a fait en cette nuit ? Sommes-nous heureux d’accueillir cet enfant ou sommes-nous déçus devant la taille du cadeau ? Après tout, nous attendions un Sauveur et tout ce que nous avons, c’est un bébé, c’est-à-dire moins d’un mètre de chair, qui braille comme tous les nouveau-nés, et qui n’a même pas eu la bonne idée de naître dans une famille bien comme il faut. Pensez donc : père célibataire, mère enceinte d’un autre. Pas très catho tout ça ! Alors, il vous plaît, le cadeau ?
La messe du jour de Noël a ceci de particulier qu’elle nous fait voir plus loin, plus haut. Autrement dit, elle ne nous fait pas seulement nous intéresser au cadeau, mais à ce que ce cadeau est réellement et à ce que ce cadeau va devenir. Le merveilleux de la nuit (un enfant qui naît à l’écart de tous, avec comme chorale la cohorte des anges et comme visiteurs les bergers du coin), ce merveilleux donc cède la place à la réflexion spirituelle et philosophique. Que voulez-vous ? Il y a un temps pour s’extasier et un temps pour méditer. Et qu’apprenons-nous alors ce matin que nous ne savions déjà cette nuit ? Des choses surprenantes, en fait !
D’abord, nous apprenons sa fonction : il est le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu ! Cet enfant que nous avons admiré en cette nuit, il nous faudra un jour l’écouter. Nous ne pouvons donc pas nous contenter d’une visite à la crèche et nous en retourner chez nous. Si nous venons voir cet enfant, c’est pour nous intéresser à lui, maintenant, mais aussi à l’avenir. Comme tous les enfants, il va grandir ; et c’est à ce moment-là qu’il deviendra intéressant pour nous. Il est depuis toute éternité et pour toute éternité la Parole de Dieu, désormais incarnée. Il aura donc des choses à nous dire.
Nous apprenons aussi qu’il n’est pas si nouveau que cela, ce nouveau-né, puisqu’il était au commencement avec Dieu, et qu’il était Dieu. Ce qui est nouveau, par contre, c’est qu’il vient en notre monde. Un des mots importants de la liturgie de Noël, c’est justement aujourd’hui. Aujourd’hui vous est né un Sauveur. C’est bien maintenant que cela se passe, même si l’histoire des relations entre Dieu et les hommes est une vieille histoire ; cette naissance nous renvoie aujourd’hui au commencement. En fait, aujourd’hui devient un commencement. Avec cet enfant, avec cette Parole livrée aux hommes, c’est un nouveau départ dans notre relation à Dieu. L’auteur de la lettre aux Hébreux le souligne bien : Souvent, dans le passé, Dieu a parlé à nos pères… mais dans les jours où nous sommes (autre manière de dire aujourd’hui) il nous a parlé par un Fils qu’il a établi héritier de toutes choses. Il est peut-être né dans une étable, à l’écart de tous, il n’en n’est pas moins le premier de tous, puisqu’il est l’héritier ! Il va compter plus qu’on ne le devine devant cette mangeoire.
Nous apprenons encore que ce nouveau-né est la lumière, la vraie lumière, précise Jean. Pas seulement celle qui nous permet de marcher dans la nuit, mais la lumière qui révèle, la lumière qui fait advenir les choses qui seraient restées dans le noir, inconnues de nous. Il aura des choses à nous dire et des choses à nous montrer, ce petit d’homme. Par lui, lumière venue éclairer les hommes, nous verrons l’amour de Dieu à l’œuvre et nous comprendrons mieux à quel point nous sommes aimés de Dieu ; et nous comprendrons mieux comment nous devons aimer à notre tour.
Et puis nous apprenons surtout que ce petit d’homme nous permet à tous de devenir fils de Dieu ! A ceux qui l’ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu. S’il est venu chez nous et si nous sommes venus à lui, c’est pour que s’opère ce magnifique échange : Dieu se fait homme et nous pouvons devenir Dieu. Et c’est encore par cet enfant que cet échange s’effectue. Nous ne le voyons peut-être pas encore là, sur la paille et le bois de la crèche, mais nous le mesurerons pleinement lorsqu’il sera élevé de terre, sur le bois de la croix. Ce petit d’homme donne Dieu à voir, à entendre et à suivre.
Alors, il vous plaît, votre cadeau ? Si vous en êtes encore au merveilleux de cette nuit, acceptez désormais de faire un pas de plus. Si vous trouvez le cadeau trop petit, attendez qu’il grandisse et reprenez-le, suivez-le, écoutez-le. Il ne vous décevra jamais ; il ne vous ennuiera jamais. Il ne se démodera pas. Il ne s’abimera que sur la croix pour mieux vous recréer et vous mener à Dieu en son Royaume. Alors, si vous trouviez la joie de cette nuit un peu courte, vous la retrouverez à nouveau, pour toute éternité. Car c’est pour partager cette joie qu’il est venu ; c’est pour que vous connaissiez cette joie toujours qu’il s’est fait le cadeau de Dieu pour vous. Amen.
(Photo crèche privée)
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