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vendredi 9 mars 2012

03ème dimanche de Carême B - 11 mars 2012

Jésus, Temple nouveau










Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai ! Ah ça, ils ont dû causer dans les chaumières de Jérusalem après avoir entendu cela ! C’est tout bon pour ceux qui s’opposent à lui : maintenant, ils ont un motif pour le faire mourir. Pensez donc ! Il veut qu’on détruise le Temple, il veut supprimer le lieu de la présence de Dieu au milieu de son peuple. Je vous le dis : cette fois il est allé trop loin ! Sans compter qu’il a tout renversé sur son passage, chassé les vendeurs et dispersé leurs animaux destinés aux sacrifices. Il nous change la religion. Il est temps qu’on nous en débarrasse ! Mais que font nos chefs ?

Frères et sœurs, n’imaginons pas que nous réagirions autrement que ces braves habitants de Jérusalem. Imaginez qu’on vienne vous dire qu’on va détruire cette église que vos Anciens ont construite, puis reconstruite après guerre ! Même si on vous dit qu’on la reconstruirait en trois jours, vous ririez au nez de celui qui oserait pareille affirmation. Cela ferait causer dans les chaumières de Drusenheim, non ?

Et pourtant, nous savons que Jésus n’a pas tort lorsqu’il pose pareille affirmation. Et nous savons aussi qu’il est le vrai Temple, c’est-à-dire le vrai lieu de la rencontre entre l’humanité et Dieu. Il unit les deux en son propre corps, lui que nous reconnaissons comme vrai Dieu et vrai homme ! Mais il dérangeait, comme il dérangerait encore, en demandant de ne pas nous attacher à des signes matériels ; il dérangeait, comme il dérangerait encore, en nous demandant d’entrer dans l’esprit de la foi, d’entrer dans une relation vraie avec Dieu.

N’est-ce pas : tant qu’on s’attache au Temple, ou à l’église, on ne s’attache qu’à un lieu. C’est l’église où j’ai été baptisé, c’est l’église où nous nous sommes mariés, c’est là que grand-mère a été enterrée : nous ne pouvons aller que là ! Et on oublie que Dieu est présent aussi dans l’église du village d’à côté ; et si pour une fois la messe n’est pas célébrée chez nous, on peut aussi faire l’effort d’aller à la rencontre de Dieu à côté. Mais combien font l’effort ? Et nous trouverons toutes les bonnes excuses pour ne pas nous déplacer tel dimanche pour honorer le jour du Seigneur !

Le même réflexe joue une fois que je suis dans l’église : En vingt ans de métier, je ne compte plus les églises où j’ai célébré et où les gens restaient fermement attachés à leur banc ou à leur siège. Il pouvait y avoir cinquante bancs libres devant eux, ils ne bougeaient pas : c’est là et pas ailleurs ! Même chose lorsqu’on réfléchit à la place de la chorale : tribune ou chœur, chacun, pour les mêmes bonnes raisons, reste attaché à son lieu sans se demander ce que cela produit en terme de célébration, en terme de relation. Demander de bouger, c’est demander de détruire leur Temple, leur église : on leur change leur religion. Et si par hasard on osait insister, ils ne viendraient plus : il pourrait au moins être heureux qu’on soit là. Depuis des siècles, l’histoire est la même.

Et pourtant, lorsqu’on lit l’Ancien Testament, au livre de l’Exode comme ce matin, le lieu de la présence de Dieu n’est pas défini par un Temple, ni par une place dans ce Temple. Le lieu de la présence de Dieu, c’est la vie des hommes. Le don de la Loi ne comporte pas de chapitre sur le Temple ou l’église ; la Loi concerne un art de vivre avec Dieu et avec les autres : Tu n’auras pas d’autres dieux que moi… Tu n’invoqueras pas le nom de Dieu pour le mal…Le septième jour est jour de repos, sabbat en l’honneur du Seigneur ton Dieu…Honore ton père et ta mère. Tu ne commettras pas de meurtre, ni d’adultère, ni de vol. Tu ne porteras pas de faux témoignage. Tu ne convoiteras rien de ce qui appartient à ton prochain. C’est en respectant cette Loi que le croyant montrera son attachement à Dieu ; c’est en vivant cette Loi qu’il rencontrera Dieu en vérité parce qu’il s’inscrira dans cette Alliance que Dieu a conclue avec Moïse.

Et nous, chrétiens, nous reconnaissons qu’en Jésus, une nouvelle Alliance a été établie entre Dieu et les hommes. Cette nouvelle Alliance ne renvoie pas davantage à un lieu, mais à un homme, Jésus, et Jésus crucifié, comme le rappelle Paul dans la seconde lecture entendue. Et ce crucifié, au soir de sa mort, a bien invité ses disciples à aimer Dieu et aimer le prochain. C’est bien encore dans une relation que s’inscrit cette nouvelle Alliance, établie dans le sang du Christ.

Ce qui compte, avec Jésus, c’est la relation que j’ai avec lui, et à travers lui avec Dieu et les frères. A ce titre, il est le Temple nouveau, le lieu de la rencontre avec Dieu en vérité. Et par le baptême, ayant été incorporés au Christ, nous sommes tous les pierres vivantes de ce Temple nouveau et unique. A ceux qui cherchent où est Dieu, il faut montrer la figure du Christ, vivant dans son Eglise, entendue non comme le lieu fait de pierres où nous nous réunissons, mais comme son peuple en marche, en pèlerinage vers le Royaume où Dieu nous attend.

Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai ! Que ce Carême soit l’occasion de détruire tous ces Temples où nous ne cessons de nous réfugier. Que nous apprenions à nous remettre en route, à la suite du Christ, crucifié et ressuscité. Et nous construirons le seul Temple où Dieu aime à demeurer : le peuple des hommes et des femmes qui aiment comme Dieu aime, le peuple des hommes et des femmes réunis en Jésus Christ. Amen.




(Photo Saint Pierre de Rome)

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