Il n’y a aucun doute à avoir en ce dimanche des Rameaux. Alors que nous accompagnons la foule qui acclame Jésus, nous pouvons nous ranger à son avis : Jésus est bien le Messie de Dieu. Devant qui d’autre irions-nous poser nos manteaux ? Qui d’autres acclamerions-nous ainsi, palmes à la main, alors qu’il s’avance, monté sur un âne, pour entrer dans Jérusalem, la ville qui tue les prophètes ? Oui, vraiment, à voir la ferveur et la joie de la foule, à entendre la clameur qui monte et les paroles proclamées, nul doute : celui qui s’avance ne peut être que le Messie de Dieu : Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le règne qui vient, celui de notre Père David. Hosanna au plus haut des cieux !
Il n’y a aucun doute à avoir, et pourtant, il s’agirait de ne pas se tromper de Messie. Il s’agirait de ne pas se tromper sur Jésus. N’est-ce pas pour cela que la liturgie de ce jour est si particulière, voire complexe. Oui, nous avons commencé par acclamer Jésus, avec toute la foule qui se pressait à Jérusalem. Mais nous avons poursuivi avec la Passion selon Marc, après avoir entendu un passage du chant du Serviteur dans le livre du prophète Isaïe et l’hymne aux Philippiens. Il est moins glorieux, le Messie, quand on lit le prophète Isaïe ; il est moins glorieux, le Messie, quand on lit l’abaissement de Jésus jusqu’à la mort ; il est moins glorieux, le Messie, quand on le voit mourir en croix, abandonné de tous, raillé par beaucoup.
Et pourtant, là, devant la croix, il n’y a pas de doute à avoir : c’est bien le Messie qui est là, crucifié, mort pour nous. Et il l’est plus que jamais, parce qu’il n’est pas allé à la croix pour lui, il n’y est pas allé par plaisir ; il y est allé pour nous, il y est allé par amour. Jésus, celui que tu as acclamé comme Messie, est allé mourir en croix parce qu’il t’aime comme jamais tu ne l’aimeras. Il est allé à la croix parce qu’il veut que tu vives comme jamais tu n’aurais pu vivre sans lui. Il est allé à la croix pour que tu aimes comme jamais tu n’aurais été capable d’aimer s’il ne t’avait montré le chemin de l’amour absolu, celui qui va jusqu’au bout, jusqu’à la croix, jusqu’à la mort.
Il ne s’est pas révolté, il ne s’est pas dérobé, il n’a pas protégé son visage des outrages et des crachats, parce qu’en se laissant faire, c’est toi qu’il protégeait, toi qui te serais sans doute révolté, sans doute dérobé ou défaussé sur quelqu’un d’autre. Il a tout pris sur lui afin que rien ne retombes sur toi, et surtout que toi tu ne tombes sur un plus faible pour lui faire payer le prix de ta trahison, le prix de ta lâcheté, le prix de ta faiblesse.
Etrange Messie, penses-tu ? Peut-être. Magnifique Messie, sans aucun doute possible. Il prend tout sur lui sans rien demander en échange si ce n’est un regard vers lui, élevé de terre. C’est en reconnaissant, là sur la croix, qui il est, que tu auras ta part au bonheur qu’il inaugure ainsi, au Royaume qu’il ouvre pour tous. Regarde-le et avec le centurion, confesse-le : il était plus qu’un homme ; il était celui que Dieu t’a envoyé.
Oui, lève les yeux vers la croix ; regarde celui que tu as transpercé et crois que Dieu est avec lui, pour toi, jusqu’au bout. Et tu verras, par-delà sa mort, jaillir la vie qui ne finit pas. L’histoire de l’homme Jésus s’arrête peut-être en cet instant ; mais celle du Messie de Dieu, celle du Fils de Dieu, ne saurait finir derrière une pierre soigneusement roulée à l’entrée d’un tombeau quelconque. Ce dimanche n’est qu’un avant goût de la puissance de l’amour de Dieu. Une semaine nous est donnée pour méditer tout cela, pour revivre tout cela. Une semaine à vivre au rythme de celui que tu as acclamé. L’accompagneras-tu jusqu’au bout pour mieux le confesser Fils de Dieu, ou te sauveras-tu, nu de tes certitudes ?
(Image de Jean-François KIEFFER, in Mille images d’évangile, p. 146)
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