Il
y a un monde entre les Apôtres que nous croisons au soir de Pâques et même
encore huit jours après, et les Apôtres que nous croisons dans le livre des
Actes, et pourtant, ce sont bien les mêmes. De la peur, ils sont passés à
l’annonce ; de l’incrédulité, ils sont passés à la foi. Avec eux, nous
pouvons faire un bout de chemin pour nous ouvrir à la foi.
Une
question vient alors à mon esprit : qui, des dix Apôtres qui ont vu Jésus
au soir de Pâques et de Thomas qui était absent à ce moment-là, montre le plus
de foi lorsqu’ils se retrouvent tous ensemble ? Trop longtemps, les
prédicateurs ont présenté Thomas comme celui qui a du mal à croire, celui qui a
besoin de signes. J’entends bien, et l’évangile que je viens de proclamer leur
donne raison. Jésus ressuscité lui-même leur donne raison : cesse d’être incrédule, sois croyant !
Mais permettez-moi quand même d’objecter et de prendre la défense de Thomas.
Car enfin, que demande-t-il, Thomas, lorsqu’il exprime ses réticences ?
Rien d’autre que de faire la même expérience que les autres : voir Jésus
ressuscité et recevoir son Esprit Saint ! C’est facile de charger le pauvre
Thomas, absent le premier soir , alors que les autres ont vu celui qui était
mort et qui maintenant est vivant pour les siècles. Vous me direz : il
aurait pu faire confiance à ses amis ! Certes, mais sont-ils eux-mêmes
tellement convaincu de ce qu’ils ont vu qu’ils en deviennent
convaincants ? Je n’en suis pas certain du tout ; car enfin, lorsque
nous les retrouvons, huit jours après, avec Thomas cette fois, ils sont à
nouveau enfermés, les portes sont toujours verrouillées ! S’ils étaient
vraiment convaincus, n’auraient-ils pas déjà dû abandonner leur crainte ?
La rencontre avec le Ressuscité ne les a pas changés tant que cela ; leur
foi est encore bien timide ; leur crainte semble encore bien réelle. A
quoi leur a servi le don de l’Esprit Saint ? Et on va me dire que c’est
Thomas qui doute ? Si j’admets qu’il doute, admettez que les autres aussi,
encore, au moins un peu ! Les portes verrouillées en sont, pour moi, le
signe évident. Thomas me semble même être celui qui progresse le plus, le plus
vite. Il voit et il croit, et il exprime sa foi en des mots sans appel : Mon Seigneur
et mon Dieu ! Il est bien le seul à formuler ainsi ce qu’il
porte en son cœur.
Lorsque
nous retrouvons ces mêmes Apôtres dans le Livre des Actes, nous les voyons à
l’œuvre. Leur crainte n’est plus qu’un lointain souvenir ; leur
enfermement, un passé lointain. Désormais, ils se mêlent à la foule, sortent au
grand jour, posent des signes, opèrent des miracles. On ne les montre plus du
doigt pour les condamner comme c’était le cas pour Pierre au moment de la
passion de Jésus : certainement, toi
aussi tu es de ses disciples ! Aujourd’hui, tout le
peuple faisait leur éloge, et des hommes et des femmes, de plus en plus
nombreux, adhéraient au Seigneur par la foi. Le rêve de tout curé ou de tout ADP. Que les personnes à qui il s’adresse
et qui le voient vivre, deviennent des disciples authentiques du Christ !
La juxtaposition
de ces deux textes nous montre alors deux éléments incontournables dans le
domaine de la foi : d’abord que la foi naît de la rencontre avec le
Ressuscité et ensuite que la communauté a un rôle à jouer dans l’éveil et la
transmission de la foi. Que ce soit pour les dix rassemblés au soir de Pâques
ou pour Thomas, c’est la rencontre avec le Ressuscité qui déclenche l’acte de
croire. Si nos catéchèses ne tendent pas à permettre cette rencontre, la foi
devient difficile, voire impossible. Il n’y a que peu d’Obélix de la foi, des
gens qui sont tombés dedans quand ils étaient petits. Même l’enfant élevé en
famille très catho, devra un jour ou l’autre, pour faire grandir réellement sa
foi, faire cette expérience personnelle, presque intime, du Christ présent dans
sa vie concrète. Et c’est là qu’intervient le deuxième terme : la
communauté. Elle est et reste le lieu où la foi devient possible ou impossible.
Une communauté qui ne vit rien, une communauté qui se déchire, une communauté
qui ne vit pas concrètement de l’Esprit Saint, ne peut éveiller à la foi. Nous
sommes donc tous responsables de la foi des autres. Par ma manière de vivre ma
foi ou de ne pas la vivre, je peux faciliter ou rendre difficile, voire
impossible, la rencontre avec le Ressuscité. Il faut nous rappeler alors la
parole du Christ au soir de sa mort : c’est
à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que le monde saura que vous
êtes mes disciples. Et nous pouvons alors la traduire ainsi : c’est à
l’amour que vous aurez les uns pour les autres que vous serez signes de ma
présence au monde ; c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres
que vous pourrez toucher le cœur des hommes et les ouvrir à ma présence ;
c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que vous éveillerez la
foi en vous et autour de vous. La communauté, c’est la famille d’abord, premier
lieu de la catéchèse et de l’éveil à la foi ; mais la communauté, ce sont
aussi nos lieux de vie, nos écoles, nos paroisses. Partout, si nous sommes
disciples du Christ, nous avons à vivre cet amour qui n’est jamais exclusif.
Partout, nous pouvons manifester la tendresse d’un Dieu amour qui vient à la
rencontre des hommes pour les sauver et les faire vivre. En méditant les Actes
des Apôtres, nous comprenons bien que leur art de vivre suscite autant de
disciples que leur discours.
Aujourd’hui,
le temps des témoins immédiat du Christ est révolu : Thomas et les autres
sont nos ancêtres dans la foi ; mais leur exemple reste vivant et parlant.
Nous pouvons nous appuyer sur leur vie et leur témoignage pour grandir dans la
foi ; nous pouvons, comme eux, par notre art de vivre et notre annonce
claire du Ressuscité, ouvrir à la foi ceux qui ne le connaissent pas encore. En
toute humilité et dans la confiance que le Seigneur travaille avec nous, pour
sa gloire et le salut du monde. Amen.
(Dessin de Coolus, Blog du Lapin Bleu)
(Dessin de Coolus, Blog du Lapin Bleu)
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