C’est
un jour important et un moment important de votre vie de jeunes chrétiens qui
nous rassemblent aujourd’hui, en cette chapelle du collège Saint André. Dans un
instant, vous allez faire profession de foi devant vos familles rassemblées. Vous
allez redire, comme nous l’avons tous fait au cours de la nuit pascale, votre
attachement à Dieu, Père, Fils et Esprit Saint et votre désir de rejeter hors
de votre vie tout ce qui est mal, tout ce qui conduit au Mal. Une dernière
fois, je voudrais réfléchir avec vous et pour vous le sens de cette célébration
bien française.
Pourquoi
faire profession de foi ? Vous avez, pour la plupart, été baptisés lorsque
vous étiez tout-petits. Vous n’avez donc pas eu votre mot à dire. Vos parents,
parce qu’ils ont toujours voulu vous donner le meilleur et parce qu’ils
souhaitent le meilleur pour vous, ont fait le choix de demander pour vous le
baptême. Ils vous introduisaient ainsi dans l’Eglise, la grande famille des
chrétiens. Vous y avez grandi dès lors, sans forcément y faire très attention. Vous
avez peu à peu découvert qui était Dieu pour nous, qui était Jésus et ce qu’il
a fait pour nous ; peut-être même vous a-t-on déjà parlé de l’Esprit Saint
que vous recevrez en plénitude au moment de votre confirmation. Il est
important ainsi d’approfondir la connaissance de notre foi, de mieux comprendre
Dieu et ce qu’il attend de chacun de nous. Mais il est important aussi de ne
pas en rester à une dimension intellectuelle de la foi. Ce que vous avez
découvert, ce que vous avez appris de Dieu, de Jésus, de l’Esprit Saint, il
faut le faire vôtre. Cela ne peut rester extérieur à vous-mêmes si vous prenez
votre foi au sérieux. En clair, si vous pensez que Dieu a quelque chose à vous
apporter, il faut le dire, il faut le célébrer. Il en va de Dieu comme de nos
relations humaines : il est bon de savoir que l’on a des amis ; il
est bon aussi quelquefois de leur montrer et de leur témoigner concrètement des
signes de cette amitié, par des gestes, par des mots. Sinon, nous n’aurions de
nos amitiés qu’une vue intellectuelle, lointaine. Nous prenons donc un temps,
dans notre vie de chrétiens, pour dire personnellement et publiquement, que
nous voulons bien suivre Jésus et vivre de sa Parole. En faisant ainsi, vous
lui témoignerez votre amitié, votre proximité et votre reconnaissance pour tout
ce qu’il a déjà fait pour vous.
Comment
faire profession de foi ? En disant de manière claire que vous croyez en Dieu
tel que l’Eglise catholique, apostolique, romaine le présente. Je vous
interrogerai donc tout à l’heure collectivement, en vous demandant si vous
renoncez tous au Mal et si vous croyez tous en Dieu le Père qui a envoyé son
Fils pour nous sauver et qui nous fait vivre par son Esprit Saint. Mais vous
répondrez chacun personnellement : Je
renonce, et je crois, parce que
la réponse ne peut être que personnelle même au sein de la communauté. Personne
ne peut croire à ma place, et je ne peux croire à la place de personne d’autre.
Bien que nous soyons en communauté, chacun répond pour lui-même. C’est toute la
grandeur et la beauté de l’Eglise qui me prend dans sa famille sans nier mon
individualité, ni ma liberté. Il est nécessaire que chaque croyant fasse un
jour cette expérience que, pris dans une famille croyante, il a la possibilité
de croire ou de ne pas croire à son tour ; et s’il fait le choix de
croire, il doit le dire pour lui-même,
devant les autres. Il affirme ainsi qu’il est prêt à être un membre à part
entière de cette famille ; et cette famille, en l’écoutant, reconnaît bien
son individualité. Pour trouver notre place dans la famille croyante, il est
important de pouvoir dire un jour : je crois, non plus parce que vous
croyez, mais parce que j’ai découvert, j’ai mesuré l’importance de cet acte et
je le dis.
Nous
pouvons donc faire profession de foi parce que nous avons découvert et mesuré,
au moins en partie, l’importance de Dieu, de Jésus, de son Esprit Saint dans
notre vie. Nous pouvons faire profession de foi parce que nous avons rencontré
le Christ. Nous avons fait l’expérience de sa présence dans notre vie, de son
soutien dans les moments difficiles et surtout de la joie qu’il y a à être son
ami. Parce qu’il a quelque chose à m’apporter. Il me fait grandir, il me fait
entrer dans une plus grande intimité avec Dieu son Père ; il fait de
chacun un frère, une sœur, nous invitant tous à une vie plus belle, plus riche,
parce que partagée. Il n’y a pas de profession de foi possible sans cette
rencontre du Ressuscité. Cette rencontre se fait aujourd’hui par des témoins,
et en premier lieu par l’Eglise elle-même, qui a mission de porter le Christ au
monde. Il me faut donc trouver ma place dans cette Eglise pour grandir encore
dans la foi et pour prendre aussi ma part dans l’annonce des merveilles que Dieu
fait pour nous. En faisant profession de foi, vous rendez un peu à l’Eglise ce
qu’elle vous a donné, et vous attestez qu’elle ne prêche pas en vain, que son
message peut encore toucher le cœur des hommes de notre temps puisqu’il a su
toucher le vôtre. Si vous-mêmes êtes enrichis de la foi de l’Eglise, l’Eglise
se trouve enrichie de votre propre foi, qui peu à peu arrive à maturité. C’est
toujours, pour moi, prêtre, un grand moment de joie et d’espérance, quand j’entends
des jeunes répondre favorablement aux questions rituelles : renoncez-vous
au Mal ? Croyez-vous en Dieu ? C’est, pour moi, un moment fort de ma
vie de prêtre, et mon sacerdoce s’en
trouve renforcé, et je vous remercie déjà du témoignage de foi que vous nous
donnerez dans un instant.
Vous
allez donc faire profession de foi ; et c’est bien ! Mais n’oubliez
pas qu’il y a une vie après. Faire profession de foi, ce n’est pas seulement
dire des mots, c’est aussi s’engager dans un art de vivre, l’art de vivre en
chrétien. La première lecture nous montre les premiers croyants fidèles à écouter l’enseignement des
Apôtres, à vivre en communion fraternelle, à rompre le pain et à participer aux
prières… Ils vivaient ensemble, et ils mettaient tout en commun. C’est sans
doute un tableau idyllique, mais il est possible de vivre une telle fraternité,
une attention à l’autre, un vrai partage et une vie religieuse à la hauteur de
l’amour que Dieu nous porte. Les premiers croyants n’opposent pas la vie
religieuse et la vie en société. Leur participation à la prière de l’Eglise et
à la fraction du pain (comprenons bien qu’il s’agit de l’eucharistie), les
renvoie à cette vie fraternelle qui peut nous faire envie aujourd’hui. Leurs prières
et leurs célébrations nourrissent leur désir de vivre en frère, et leur
fraternité vécue nourrit leur prière. L’un n’exclut pas l’autre ; au
contraire, l’un appelle l’autre, et vice versa. Je ne peux donc que vous
encourager à développer cette même fidélité au rassemblement dominical et à la
vie fraternelle : ce sont les deux composantes de l’art de vivre selon l’esprit
du Christ lui-même, lui qui était autant attentif aux hommes et aux femmes qu’il
rencontrait et pour lesquels il a donné sa vie, qu’il était présent à Dieu qu’il
appelait Père et dont il a fait en toute chose la volonté.
Quant
à nous, chrétiens de plus longue date, accueillons la profession de foi de ces
jeunes comme le signe d’une foi toujours vivante et comme un appel à renouveler
notre propre témoignage. L’Eglise a besoin de chacun de nous pour porter au
monde l’Evangile du Christ ; et le monde a besoin, plus que jamais, de
croyants convaincus et convaincants, capable de rendre le cœur des hommes
meilleurs par la puissance du nom de Jésus. Laissons-nous tous rencontrer par
le Christ pour être ses témoins authentiques ; nous aiderons ainsi notre
monde à aimer celui qu’il n’a pas vu, et
à croire en celui qu’il ne voit pas encore. Amen.
(Dessin de Coolus, Blog du Lapin bleu)