Plus
nous approchons de Pâques, plus se précise ce qui se vit, ce que nous vivons,
lorsque nous célébrons le baptême. Et c’est normal, puisque le temps du Carême
est aussi le temps favorable de la préparation du baptême, le temps de la
conversion, le temps où nous choisissons Dieu en toute connaissance de cause.
Ce dernier dimanche avant la grande semaine vient nous redire que le baptême
nous ouvre à la vie même de Dieu.
Le
choix de l’Evangile du retour à la vie de Lazare met l’accent sur la figure de
Jésus. Et je dois dire qu’il est pour le moins curieux. Comme s’il avait laissé
faire les choses, laissé faire le temps jusqu’à la mort de Lazare. Alors qu’on
l’informe à temps de la maladie grave de son ami, Jésus fait visite
buissonnière : il s’attarde en chemin. Et même, il ne se rend au chevet du
malade que lorsqu’il est trop tard ! Mais bien vite, nous comprenons que
c’était pour la bonne cause : Lazare
notre ami s’est endormi ; mais je m’en vais le tirer de ce sommeil.
Comme d’habitude, les disciples ne comprennent pas grand-chose, mais ce n’est
pas grave ; cela ne donne que plus de relief à l’intervention de Jésus.
Jésus
arrive donc là où il avait été appelé ; de la rencontre des deux sœurs,
retenons cette parole de Jésus : Moi,
je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt,
vivra ; et tout homme qui vit et
qui croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? Jésus, avant même
de passer personnellement par la mort, s’affirme déjà comme vainqueur de la
mort. Il sait vers quoi il marche ; il sait ce qui l’attend à Jérusalem.
Et ce qui va se passer sous nos yeux, là à Béthanie, doit déjà donner force et
courage à ceux qui le suivront à Jérusalem. Ce qui compte, pour les hommes et
les femmes qui suivent Jésus, c’est la foi qu’ils ont en lui. Là où est Jésus,
il n’y a que la vie ; là où est Jésus, la mort n’a plus rien à dire. Oh,
certes, à l’époque de Jésus déjà, certains avaient foi en une résurrection des
morts, à la fin des temps : Marthe s’en fait l’écho dans sa réponse à
Jésus : Je sais qu’il ressuscitera
au dernier jour, à la résurrection. Mais Jésus l’emmène plus loin ; il
nous emmène plus loin. Il nous conduit à affirmer que la résurrection, c’est en
lui qu’elle se trouve, c’est par lui qu’elle s’obtient. Enlever Jésus du
paysage, et il n’y a plus de résurrection possible ! Enlever Jésus du paysage,
et la mort triomphera toujours ! Le signe du retour à la vie de Lazare
vient nous démontrer que c’est Jésus qui est la vie, que c’est Jésus qui a le
dernier mot dans cette lutte entre la Vie et la Mort, le Bien et le Mal. Et
cette vie qui est Lui est à nous, si nous croyons en lui.
Lorsque
l’Eglise célèbre le baptême, lorsqu’elle accueille quelqu’un en son sein par ce
sacrement, elle l’ouvre ainsi à la vie de Dieu. Et le rite du baptême par
plongée complète dans l’eau venait le dire symboliquement. Le baptisé
descendait dans l’eau, il était interrogé une première fois : crois-tu en
Dieu Père ?, puis plongé sous l’eau d’où il ressortait prendre l’air,
prendre vie en proclamant : Je crois. Une deuxième fois, il était
interrogé : crois-tu en Jésus Christ ?, plongé sous l’eau d’où il
ressortait prendre l’air, prendre vie, en proclamant : Je crois. Une
troisième fois enfin, il était interrogé : Crois-tu en l’Esprit
Saint ? A nouveau, il était plongé dans l’eau, d’où il ressortait prendre
l’air, prendre vie en proclamant : Je crois. Peut-on mieux que cela dire
et surtout mieux expérimenter dans sa chair que notre vie se trouve en Dieu, et
qu’en lui seul nous sommes vraiment vivant ? Si nous ajoutons à cela que,
pour l’homme de la Bible, l’eau (la mer) est le lieu où habitent les forces du
Mal, on comprend mieux le sens de cette plongée dans l’eau : plongée dans
les eaux de la mort et du Mal, nous en sortons vivants à la suite du
Ressuscité, Premier-né d’entre les morts. C’est lui qui nous appelle à le
suivre, c’est lui qui nous mène par-delà la mort à la vie véritable, la vie en
plénitude. Oui, c’est lui qui nous appelle au baptême, lui qui nous invite à le
suivre, comme il a appelé Lazare hors de sa tombe. En faisant de nous des fils
du Très Haut, il nous délie de ce qui nous enchaîne à ce monde et nous rend
libres et vivants pour le Royaume. N’est-ce pas là ce que Paul essaie
d’expliquer aux chrétiens de Rome ?
Il
y a une vie après le baptême, et beaucoup de baptisés l’oublient ; oh non
pas qu’ils oublient de vivre, mais ils oublient de vivre pour qui ils sont
fait ; ils oublient de vivre avec celui qui les a fait, avec celui qui les
a appelés. On peut certes s’interroger sur le pourquoi du comment ils en sont
arrivés là ; nous trouverions sans doute de nombreuses réponses, les
marquant du doigt et stigmatisant leur manque de reconnaissance. Mais nous
pouvons aussi nous interroger sur ce que nous faisons pour leur permettre de
vivre mieux cette alliance avec le Dieu vivant et vrai. Lorsque j’étais encore
curé de paroisses, je ne m’étonnais plus de l’absence des baptisés à la vie de
la communauté quand je constatais l’absence de la communauté au moment des
baptêmes célébrés. Nous avons laissé le baptême se privatiser, être confisqué
par les familles. Les raisons ont pu être nobles : c’est quelque chose
d’intime, il faut respecter la famille, quand on ne vous dit pas
carrément : de toute manière, on ne les verra plus : pourquoi nous
déranger ? Eh bien, parce que la vie baptismale est à tous : parce
que nous portons un titre, une grâce, qui ne vient pas de nous, mais qui nous
est offerte, non pour nous, mais pour tous. Parce que nous sommes responsables
les uns des autres, y compris dans la foi ou l’absence de foi. Puisque notre
Dieu a voulu s’incarner en Jésus son Fils pour nous attirer vers lui, comment
pouvons-nous croire que ce que nous vivons ne regarde pas les autres, ne fait
pas signes pour les autres ?
Le
baptême que nous avons reçu nous oblige au partage de notre foi ; le
baptême que nous avons reçu nous fait tous membres d’une même famille :
celle que Dieu choisit, celle que Dieu appelle pour partager sa vie,
aujourd’hui et toujours. Si tous les baptisés en étaient convaincu, si nous en
étions convaincu, comme notre monde serait différent. Alors, nous pouvons
maintenant nous apitoyer ou reprendre souffle, reprendre vie avec Jésus qui
nous a appelés et nous appelle toujours : il y a une vie après le baptême,
et il n’est jamais trop tard pour la reprendre. Il y a une vie après le
baptême, il n’est jamais trop tard pour
décider de sortir du tombeau de notre vie sans Dieu, pour nous laisser délier
par lui et aller à sa suite. Il n’est jamais trop tard pour croire en celui qui
nous dit : viens dehors, viens vers moi qui suis ta vie, maintenant et
toujours. Amen.
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