C’est une très ancienne
histoire que nous raconte le livre de la Genèse : l’histoire de l’alliance
entre Dieu et l’homme. Une alliance commencée à la création, recommencée avec
Noé, pour que les hommes vivent libres et heureux. Et lorsqu’un jour Dieu fait
alliance avec Abraham, voici que cette alliance de bonheur prend visage :
le visage de ce fils qui manquait à Abraham pour asseoir sa descendance et
réaliser ainsi la promesse de Dieu : tu
seras le Père d’une multitude.
Ce fils donc, Dieu
l’offre : y a-t-il plus beau cadeau que celui d’une descendance ?
Plus beau cadeau que de savoir que sa propre vie va se poursuivre dans la
mémoire des enfants ? Ainsi naît Isaac, l’enfant de la promesse, l’enfant-cadeau
de ce Dieu qui fait alliance. Nous imaginons sans peine la joie de ce vieillard
à la naissance du fils tant attendu. Mais voilà, le même Dieu qui avait promis
l’enfant, le même Dieu qui avait assuré Abraham d’une descendance, ce même Dieu
lui réclame à nouveau la vie de cet enfant. Prends ton fils, ton fils unique, celui que
tu aimes, Isaac, va au pays de Moriah, et là tu l’offriras en holocauste sur la
montagne que je t’indiquerai. Cruel, direz-vous ! Volonté de
Dieu, répond Abraham, qui suit à la lettre les instructions de Dieu. Faut-il
être insensible pour agir ainsi ? Ou faut-il au contraire avoir une grande
foi en ce Dieu qui s’est déjà manifesté Dieu de l’impossible ? Dieu
veut-il réellement le sacrifice de ce fils aimé ? Abraham ne se pose pas
de question. Dieu demande, Abraham obéit : Me voici est l’unique parole qu’Abraham sache dire à son Dieu. Grand
bien lui fasse ! Son obéissance lui vaut une joie plus grande encore que
la naissance de son fils : la joie d’entendre son Dieu lui dire qu’il ne
veut pas de sacrifice humain ; la joie d’entendre son Dieu renouveler sa
promesse et ses bénédictions pour sa famille. Parce qu’il a fait confiance à
Dieu, Abraham vivra heureux ; parce qu’il a fait confiance à Dieu, Abraham
sera comblé, avec toute sa famille.
Lorsque Paul nous parle de
cette alliance de Dieu, il nous dit
cette proximité de Dieu au monde des hommes. Une proximité telle, que rien ne
peut nous atteindre. Si Dieu est pour nous, qui sera contre
nous ? L’alliance de Dieu est plus que jamais solide ;
l’alliance de Dieu est plus que jamais faite pour le bonheur de l’homme. En
Jésus, Dieu a délivré l’homme de la mort et du péché. Il lui a donné la
victoire sur tout ce qui s’opposait au bonheur des hommes, tout ce qui limitait
l’homme, tout ce qui l’enfermait dans sa condition pécheresse. Par la mort et
la résurrection de Jésus, les portes de la vraie vie se sont ouvertes. Pour
Paul, le bonheur que nous recherchons se trouve donc en Dieu, et en Dieu seul. Plus
rien ne peut attenter durablement au bonheur de l’homme qui sait que Dieu est
de son côté, selon sa promesse.
Cette promesse de Dieu,
Pierre, Jacques et Jean en ont été les témoins privilégiés sur la montagne de la
transfiguration. Pendant un instant, ils ont vu Jésus tel qu’il est, dans toute
sa gloire. Un moment unique pour leur redonner courage quand viendront les
jours de la passion. Un moment unique et une invitation : celui-ci
est mon fils bien-aimé : écoutez-le ! Autrement dit, en
Jésus, c’est Dieu qui parle aux hommes, comme il le faisait jadis avec Abraham,
comme il le fera encore par les prophètes et par la Loi : la présence de
Moïse et d’Elie en atteste. Mais Jésus est plus grand que tous les prophètes,
plus grand que Moïse, puisque Dieu le reconnaît comme son fils. Comme jadis
avec Abraham, l’alliance prenait le visage d’Isaac, la nouvelle alliance de
Dieu prend le visage singulier de Jésus ; elle s’écrit dans les gestes et
les paroles de Jésus. Connaître Jésus, confesser son nom, écouter sa parole et
en vivre : voilà qui nous introduit aujourd’hui, avec certitude, dans
cette alliance de Dieu avec les hommes, alliance signée dans le sang de la
croix pour notre vie et notre joie.
Aujourd’hui encore, nous
sommes invités à écouter Jésus, le fils unique de Dieu. Aujourd’hui encore,
nous sommes invités à faire de sa parole le cœur de notre vie, le cœur de notre
action. Lorsque nous proclamons notre foi, chaque dimanche, après l’écoute de
la Parole de Dieu, c’est bien pour dire notre volonté d’intégrer cette parole,
de lui être fidèle et d’en vivre. Nous disons que nous croyons qu’il y a un
chemin de vie et de bonheur dans cette parole entendue. Nous disons que nous
croyons que cette parole, qui invite à l’amour, au partage, au respect, est le
seul chemin possible pour les hommes de vivre en paix, de vivre heureux.
Depuis Abraham, le Père des
croyants, jusqu’à Jésus, le Crucifié, Dieu fait alliance avec nous, parce qu’il
nous veut vivants, libres et heureux. Ne trahissons pas son alliance en
utilisant sa Parole pour nous opposer, voire nous combattre. Mais honorons
cette alliance en répandant sa Parole de paix et de pardon, promesse de bonheur
pour tous et toujours. Amen.
(Image de Jean-François KIEFFER, in Mille images d'évangile, éd. Les Presses d'Ile de France)