Quand un homme aura sur la peau une
marque de lèpre, il sera impur, il habitera à l’écart du camp. C’est en ces termes que le Livre des lévites nous
indique la conduite à tenir devant cette maladie, pour laquelle il n'y avait, à
l’époque, aucun remède et de laquelle il fallait préserver les autres membres
de la tribu. Ce qui peut nous sembler choquant comme attitude, relevait d’abord
du bon sens face à un fléau que personne ne savait combattre.
Lorsque
Jésus rencontre un lépreux, son attitude déroge à la règle dictée par la Loi.
Il va à la rencontre du lépreux, il le touche et prononce la parole de
purification : Je le veux, sois
purifié. Il le fait, parce qu’il a ce pouvoir de rendre la vie à ce qui
était mort, parce que son union intime à Dieu lui permet de restaurer en
l’homme ce qui le coupait de ses frères. Son geste est une invitation à voir en
tout homme, quelle que soit sa situation, sa maladie, un homme profondément
aimé et aimable, un membre de la communauté humaine, membre souffrant certes,
mais pas un exclu, pas un paria. En rendant la santé à ce lépreux, il fait bien
plus que le guérir : il le réintègre dans la communauté humaine, dans la
communauté des croyants. C’est aussi une question de bon sens que de reconnaître
en chacun un frère. Personne n’est à identifier définitivement avec ses actes
ou son état de santé. Personne ne peut être exclu de la famille humaine parce
qu’il ne répond pas ou plus aux critères qu’elle s’est fixée. En rendant la
santé à ce lépreux, Jésus nous révèle surtout le sens ultime de sa venue :
délivrer l’homme de tout ce qui l’empêche de vivre, supprimer définitivement
toute trace de haine, de mal, éradiquer le péché profondément.
Et
le péché, dans cette histoire, n’est pas à chercher du côté du lépreux. C’est
le péché de tous les hommes qui dressent des murs entre eux, le péché de ceux
qui décident de qui est fréquentable et qui ne l’est pas, le péché de ceux qui
voient en l’autre un grand pécheur et qui se prétendent eux, seuls justes.
En
ce sens, nous pouvons réfléchir sur les conséquences des lèpres modernes qui
provoquent toujours exclusion, méfiance, racisme. Nous avons à nous placer sous
le regard miséricordieux de notre Dieu. L’Eglise a reçu du Christ un signe pour
dire l’amour de Dieu à tous les hommes, pour nous rappeler que personne n’est
exclu de la miséricorde pour peu qu’il se laisse toucher par le Christ : c’est
le sacrement de la réconciliation. Cela passe, et c’est une évidence, comme
pour le lépreux, par une rencontre personnelle
avec celui qui donne la vie. Cette rencontre s’effectue en Eglise, à travers la
personne du prêtre, ministre des sacrements, signe au milieu des hommes de la
tendresse et de la miséricorde de Dieu pour chacun. Parce qu’il est lui-même
pécheur réconcilié, appelé par le Christ à son service et au service de ses
frères, le prêtre devient le témoin privilégié de cet amour et de ce pardon que
Dieu ne cesse d’offrir. Quand il exerce
ce ministère particulier de la réconciliation, il se doit, comme Paul, d’imiter le Christ.
Le pardon offert,
le pardon reçu réintègre donc à l’unique Corps du Christ qu’est l’Eglise ;
il restaure en l’homme l’image de Fils de Dieu. Le pardon libère effectivement de
la lèpre du péché. Il n’y a dès lors plus de crainte à avoir, plus de raison de
vivre à l’écart des autres. Il n’y a plus davantage de raison d’exclure quelqu’un.
Tous, pécheurs réconciliés en Christ, nous pouvons proclamer les merveilles que
Dieu accomplit pour nous, par amour, gratuitement. Tous, nous pouvons être de
ceux qui donnent envie de rencontrer et de suivre le Christ sur ce chemin
d’amour et de pardon. Heureux sommes-nous, nous qui obtenons notre pardon dans
la mort et la résurrection du Christ ! Nous sommes, à l’image du lépreux,
appelés à une vie nouvelle, libérés de tout ce qui nous coupe du monde et de
Dieu. Si cela n’est pas une bonne nouvelle, à quelques jours de l’entrée en
Carême, que vous faut-il ? Amen.
(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année B, éd. Les Presses d'Ile de France)
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