Depuis trois dimanches,
nous voyons les alliances successives que Dieu a conclu avec Noé, Abraham et
Moïse. Depuis trois dimanches, nous voyons l’amour de Dieu à l’œuvre dans ces
alliances. La liturgie de ce quatrième dimanche vient poser une question
fondamentale lorsque l’on parle d’alliance. Que devient cette alliance quand le
péché de l’homme domine ?
La première lecture
entendue nous livre un raccourci saisissant de l’histoire du peuple juif. Au
temps des rois, la vie religieuse n’était plus conforme à l’alliance. Et Dieu a
patienté : il a envoyé émissaires et prophètes redire sa Parole,
réactualiser l’Alliance. Mais rien n’y fit ! « Il n’y eut plus de
remède à la fureur grandissante du Seigneur contre son peuple. » Le
Dieu de patience, le Dieu de l’Alliance laisse les choses aller selon le cœur
des hommes et non plus selon son cœur de Dieu. Les hommes ne veulent plus de
lui ; les hommes ne respectent plus leur part d’alliance. Eh bien,
soit ! L’ennemi devient le plus fort, le pays est ravagé, le temple est
détruit, le peuple est déporté. C’est le temps de la colère de Dieu, dit
l’écrivain biblique. C’est le temps où l’homme se veut seul maître de son
destin, sans Dieu, sans alliance, sans règles. Et il comprend vite, ce peuple à
la nuque raide, que sans Dieu, il n’est rien. Mais il est trop tard. Le temps
de l’exil devient le temps où il faut assumer ses choix, le temps où l’homme
peut aussi redécouvrir qui était Dieu pour lui, et combien il faisait bon
auprès de la maison de Dieu.
Une lecture trop rapide
pourrait faire croire que Dieu se venge et punit. En fait, au moment même où le
peuple est vaincu, déporté, réduit à l’esclavage, Dieu a déjà un nouveau plan
de salut. Pas pour tout de suite ; il faut au peuple le temps de
comprendre et d’accepter ce plan. Mais déjà, un prophète annonce que ce temps
de l’exil n’est pas définitif ; déjà une lueur d’espoir pointe à
l’horizon. A la mesure du temps des hommes, c’est une éternité qui va passer en
terre d’exil : soixante dix ans ! A la mesure de l’amour de Dieu,
c’est le temps pour séduire à nouveau le cœur des hommes, le temps de poser les
bases d’un nouveau pardon, d’une nouvelle alliance. Quand le péché domine le cœur
de l’homme, Dieu ne se retire pas ; Dieu attend, attend de pouvoir
proposer un nouveau chemin.
L’évangile de ce dimanche
et l’extrait de la lettre de Paul aux chrétiens d’Ephèse viennent recentrer
notre regard sur l’œuvre de salut de Dieu entreprise en Christ. La libération
du peuple décrétée jadis par Cyrus, roi des Perses, n’était qu’une pâle annonce
de cette libération définitive acquise par le sang du Christ. Lorsque le péché
domine, Dieu offre, en Jésus, une vie nouvelle, une alliance nouvelle, un
pardon nouveau. Dieu est riche en miséricorde, affirme Saint Paul. Il ne
saurait laisser l’homme aller à sa perte ; même si cela lui coûte la vie
de son propre Fils. Dieu ne saurait jamais accepter de laisser l’homme se
perdre. En Jésus, il offre gratuitement le pardon et la vie à
ceux qui le reconnaissent comme Christ et Sauveur. Gratuitement : cela
signifie que nous ne sommes pas sauvés parce que nous avons fait de bonnes
actions, mais par amour de Dieu. Il n’y a pas à en tirer gloire. Nous n’y
sommes pour rien ! Et nous devenons même capables de poser de bonnes
actions parce que nous sommes sauvés ! La vie conforme à la Parole de Dieu
ne précède, ni ne conditionne le salut ; elle en est le signe ! Parce
que nous sommes sauvés, nous devenons
capables d’amour ! Parce que nous sommes sauvés, nous devenons libres face
au péché qui nous envahit ! Parce que nous sommes sauvés, nous devenons
capables de marcher à la suite de Dieu. Parce que nous sommes sauvés, nous
savons quel est l’amour de Dieu pour nous ! Celui qui regarde vers le
Christ, même s’il a le cœur lourd de trahison, lourd de tout le mal qu’il a pu
faire, celui-là obtiendra le pardon, parce qu’il aura reconnu que de lui-même,
il ne peut rien. Il aura reconnu qu’il ne peut vivre sans Dieu, qu’il ne peut
vivre vraiment sans être aimé de Dieu, gratuitement. Y a-t-il plus grande
nouvelle que celle-là ? Je ne crois pas. C’est cela, la Bonne Nouvelle
qu’il nous faut annoncer ! C’est cela la Bonne Nouvelle qu’il nous faut
vivre. Simplement accepter que Dieu nous sauve par amour. Accepter que Dieu
nous sauve même lorsque nous sommes persuadés que plus personne ne peut rien
pour nous. Accepter que Dieu nous sauve même lorsque l’amour semble avoir
déserté notre cœur. Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pour condamner
le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Tel est l’amour de
Dieu pour nous !
Le sang du Christ devient
donc le sceau de la nouvelle alliance. Le sacrement de l’Eucharistie nous le
redit à chacune de nos célébrations. Chaque fois que nous venons communier,
Dieu, à cause de Jésus, nous prend dans son alliance et nous offre le pain et
le vin, corps et sang du Christ, pour nous nourrir à la source même de cette
Alliance nouvelle et éternelle, Alliance donnée pour le pardon des péchés. Nous
ne saurions mieux dire notre reconnaissance à Dieu pour ce salut toujours
offert qu’en restant fidèles à ce repas. Que notre Eucharistie, en ce dimanche,
fasse grandir encore notre attachement au Christ Rédempteur ; qu’elle
creuse en nous le désir d’être sauvé par le Christ, gratuitement, par amour.
Amen.
(Dessin de Coolus, le blog du Lapin bleu)
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