Je
ne vais pas rajouter beaucoup de paroles à toutes les paroles entendues ce
matin, au cours de cette liturgie des Rameaux. Je voudrais juste en commenter
une qui nous vient de l’Evangile de cette fête, cet Evangile que nous avons
proclamé dès l’ouverture de cette célébration, lorsque nous nous apprêtions,
nous-aussi, à acclamer le Christ entrant dans Jérusalem. Cette parole de Jésus concerne
le petit âne que ses disciples lui amènent : le Seigneur en a besoin.
Durant
tout le carême, j’ai essayé de vous faire entrer dans une compréhension plus grande de cette alliance que Dieu renouvelle
pour nous en Jésus Christ. Ce serait une mauvaise compréhension de l’Alliance
que de croire que tout se fait sans nous. Une Alliance, cela se signe à deux. Nous
pouvons entendre l’affirmation : le Seigneur en a besoin, comme un appel
pressent à nous mettre à son service, à entrer dans l’Alliance qu’il nous
propose, et qu’il va signer de son sang. Nous avons donc notre part à tenir et
à honorer dans cette Alliance nouvelle. L’âne devient notre totem, l’animal qui
nous représente.
Il
faut alors tout de suite rendre justice à cet animal. Quoi qu’on ait voulu nous
faire croire en une époque passée, où être affublé d’un bonnet d’âne était
signe de bêtise, voire d’inintelligence, cet animal particulier que Jésus réclame
à ses disciples, n’est pas bête. Si celui qui le monte ne sait pas toujours où
va son âne, l’âne lui le sait. Il avance sans se poser de question ; et
lorsqu’il ne veut pas bouger, vous pouvez vous lever tôt pour essayer de le
faire avancer. Il est le symbole de ceux qui ne se laissent pas saisir par les
modes, le symbole de ceux qui ne font pas tout, simplement parce que les autres
le font. Il semble obéir à une voix mystérieuse. Il est le symbole de ceux qui écoutent
la parole de Dieu et se laisser mener par elle. En s’asseyant sur un petit âne sur lequel personne ne s’était encore assis,
Jésus prend le parti de se laisser guider, de se laisser mener par Dieu seul. Advienne
que pourra ! Personne n’ayant utilisé cet âne avant Jésus, il n’est pas
encore formaté au rythme de quelqu’un ; il est tel que Dieu l’a fait, n’obéissant
qu’à sa voix, allant là où il est mystérieusement attendu. Quel animal, mieux
que l’âne, pouvait ainsi nous inviter à entrer dans cette semaine sainte, à la
suite du Christ qui va accomplir ce pour quoi il est venu : le salut des
hommes ?
Le Seigneur en a
besoin.
Peut-être faut-il aussi ici accorder quelque crédit à ceux qui nous disent qu’en
ces temps-là, l’âne était un animal royal. En s’asseyant dessus, Jésus ne renie
pas qui il est ; il ne se défend même pas quand la foule l’acclame tel un
roi. Il est roi, certes pas à la manière des hommes ; mais cela, c’est une
autre histoire que Pilate aura bien le temps d’éclaircir pour nous le moment
venu. Pour l’heure, la foule ne peut pas, et ne veut sans doute pas, davantage
entrer dans ces distinctions subtiles : Jésus est roi, la foule veut un roi :
tant pis pour l’amalgame. Le temps de rectifier les choses viendra bien assez
vite et de manière brutale.
Le Seigneur en a
besoin. Prenons
doublement exemple de ce petit âne. D’abord en nous laissant mener, non par les
modes, non par les avis de la majorité, mais par Celui qui sait, par celui qui
permet que toute chose concourt au bien : Dieu lui-même. Ensuite, en nous
laissant approcher du Christ, jusqu’à le laisser entrer dans notre vie, jusqu’à
le laisser « monter notre vie ». Nous deviendrons, comme le petit
âne, des porteurs du Christ dans un monde qui cherche un sens à son existence. Peut-être
que, par notre témoignage de vie, une foule de plus en plus nombreuse sera
capable de reconnaître en Jésus celui qui
vient au nom du Seigneur ! Entrons dans cette semaine sainte avec
cette certitude : le Seigneur a
besoin d’hommes qui le portent au monde. Laissons-nous détacher de ce qui
entrave notre marche et suivons le Christ, jusqu’à la mort et au-delà. Amen.
(Dessin de Jean-François KIEFFER, in Mille images d'Evangile, éd. Presses d'Ile de France)
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