(Texte repris et corrigé ce 19 avril, la première version publiée était incomplète. Erreur dans la version téléchargée. Avec toutes mes excuses)
Il
existe une grande différence entre ces hommes que nous avons vu rentrer chez
eux, sur le chemin d’Emmaüs, ceux que nous rencontrons aujourd’hui à Jérusalem,
et Pierre et les autres disciples qui témoignent sans haine et sans peur devant
tout le peuple, au moment de la Pentecôte. Pour combler cette différence, il
n’y a qu’un chemin à suivre, le chemin qui mène de Jérusalem à Emmaüs. Parce qu’il
nous faut revenir là pour bien comprendre la suite.
Comme
ils sont tristes, ces deux hommes qui s’en retournent chez eux au soir de
Pâques. Et on les comprend. Leur ami et maître est mort, de façon ignominieuse.
Ils avaient fondé en lui de grands espoirs, et voilà que tout s’achève sur une
croix. Il ne reste rien de leur espérance ; il ne reste rien qui puisse
les remettre en joie. Quand cet étranger s’approche d’eux, leur tristesse
devient perplexité : en voilà un qui vient de Jérusalem comme eux et qui
ne sait pas ce qui s’est passé ! Tout Jérusalem ne parle que de ça et il
ne sait rien ? Alors ils consentent à raconter : à raconter les
événements, à raconter leurs espoirs, à raconter leur désillusion, à raconter
des bavardages de bonnes femmes. Pensez donc, elles disent qu’il est
vivant !
Comme
ils sont tourneboulés par les dires de cet étranger. On ne sait pas trop par le
détail ce qu’il leur a dit ; juste qu’il leur a expliqué, en partant de Moïse et de tous les
Prophètes, dans toute l’Ecriture, ce qui concernait [Jésus]. Ils sont
tellement remués qu’ils invitent cet étranger à rester auprès d’eux. Reste avec nous ! Il y a dans cette
demande quelque chose d’une espérance qui renaît, quelque chose d’une joie qui
revient, quelque chose d’une foi qui pointe à l’horizon. Ils ne savent pas
encore comment l’exprimer, mais ils sont sûrs d’une chose : ils veulent
encore l’entendre. En voilà un qui leur a fait du bien !
Comme
ils sont heureux après la disparition de l’étranger. Ils ont reconnu Jésus. Non
pas à sa voix, ni à son apparence, mais à un geste, un geste banal à souhait
puisque c’est le geste de toute prière de table à l’époque. Pensez donc :
il a pris du pain, l’a rompu et le leur a donné. Cela a suffi pour qu’ils
comprennent : cet homme, cet étranger qui leur a fait du bien en leur
parlant sur la route, c’est Jésus. Les femmes avaient raison ; il est
vivant. Ils n’ont plus qu’une envie : le dire à tous ses amis. Ils refont
le chemin inverse, en courant pour finalement s’entendre dire ce qu’ils avaient
expérimenté : le Seigneur est
vraiment ressuscité : il est apparu à Simon Pierre. A leur tour, ils
racontaient tout ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur
s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain.
Comme
ils sont surprenants, lorsqu’ils sont réunis après que les uns aient fait l’expérience
d’Emmaüs et que Pierre ait vu le Seigneur. Car enfin, combien de preuves leur
faudra-t-il pour être vraiment convaincus de la résurrection
de Jésus ? Alors qu’ils en parlaient
encore, lui-même fut présent au milieu d’eux, et leur dit : La paix soit
avec vous ! Saisis de frayeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit.
Il y a là les deux dont nous avons rappelé le chemin intérieur fait lorsqu’ils
rentraient à Emmaüs ; il y a là Pierre et tous les autres qui venaient
juste pourtant de parler des rencontres qu’ils avaient faites ! Et même
après avoir vu les plaies dans ses mains et ses pieds, ils n’osaient pas encore y croire et restaient saisis d’étonnement. Jésus
va reprendre une seconde fois l’enseignement qu’il a déjà donné : il ouvrit leur intelligence à la
compréhension des Ecritures. De la crainte et la surprise, ils passent
enfin à la foi ; ce n’est pas dit, mais nous le sentons. Après avoir vu Jésus,
après l’avoir vu manger, après l’avoir entendu expliquer les Ecritures, comment
ne pourraient-ils pas enfin croire ? Comment pourraient-ils ne pas enfin
comprendre ?
Comme
ils sont courageux, cinquante jours plus tard, lorsque, ayant reçu l'Esprit
Saint, ils ouvrent enfin portes et fenêtres, et osent se tenir devant le peuple
pour lui annoncer : ce Jésus, Dieu
l’a ressuscité ; nous tous, nous en sommes témoins. Ils ont compris
qu’ils ne pouvaient pas garder pour eux cette bonne nouvelle de la
résurrection. Ils ont compris qu’il fallait qu’il en fût ainsi. Quand ils
s’adressent au peuple, ce n’est pas pour l’accuser. Ils ne rappellent que des
faits : cet homme, livré selon le
dessein bien arrêté et la prescience de Dieu, vous l’avez supprimé en le
clouant sur le bois par la main des impies. Mais Dieu l’a ressuscité en le
délivrant des douleurs de la mort, car il n’était pas possible qu’elle le
retienne en son pouvoir. Il y a, pour le peuple, la même espérance d’être
sauvé ; il y a, pour le peuple, la même joie à vivre. Les disciples ne
sont pas accusateurs, ils sont témoins du Dieu vivant et vrai, du Dieu plus
fort que la mort, du Dieu qui offre à tout homme le salut.
Comme
les disciples, nous avons aujourd’hui à être témoins de Jésus, mort et
ressuscité, par notre vie et par notre témoignage. Les hommes, aujourd’hui
comme hier, ont besoin que quelqu’un leur dise qu’ils sont sauvés, qu’ils sont
appelés à une vie sans fin, grâce au Christ, livré pour nos péchés. Les hommes,
aujourd’hui comme hier, ont besoin de se savoir aimé, inconditionnellement. Qui
le leur dira si nous n’osons pas ? Amen.
(Dessin de Jean-François KIEFFER, in Mille images d'Evangile, éd. Presses d'Ile de France)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire