C’est
jour de fête aujourd’hui et pourtant, il y a dans l’air un je-ne-sais-quoi de
grave, quelque chose qui fait de cette fête une fête pas comme les autres et de
ce soir, un soir à part. Ce soir, Jésus nous réunit en mémorial de ce dernier
repas qu’il a pris avec ses disciples. Ce qu’il a fait jadis pour ses amis, il
le fait encore pour nous ce soir, et ce faisant, nous invite à entrer dans
cette Alliance nouvelle que Dieu a préparé pour nous et que Jésus va signer
pour notre vie.
Deux
gestes marqueront à tous jamais ceux qui acceptent d’entrer en Alliance
nouvelle avec Dieu. Ce sont les deux gestes que Jésus pose ce soir. A tout
jamais, ils seront signes, pour les croyants, de ce à quoi ils sont appelés.
Deux paroles de Jésus viennent définitivement lier les croyants à ces deux
gestes et en faire des incontournables de la foi. Jésus en effet dit à ses
disciples : Faites cela en mémoire
de moi, en conclusion du premier geste, et il précise, à la fin du deuxième
geste : C’est un exemple que je vous
ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. Il
est donc impossible, à qui se réclame du Christ, d’ignorer ces gestes et de ne
pas les pratiquer.
Le
premier geste nous est rapporté par la bouche de Paul. Il est le premier qui a
mis par écrit ce qu’il a reçu du Seigneur, et il l’a fidèlement transmis. Nous
l’avons entendu dans la seconde lecture. C’est le geste que nous faisons chaque
fois que nous sommes rassemblés pour la messe. Selon Matthieu, Marc et Luc,
c’est le geste qu’il a laissé au cours de son repas. Ce geste s’inscrit dans
une relecture du geste de Dieu lui-même quand il a libéré son peuple d’Egypte.
Le rapprochement avec le livre de l’Exode entendu en première lecture le
signifie bien. C’est un repas, durant lequel Jésus se livre tout entier, par
son Corps et son Sang, pour que nous ayons la vie. Le rapprochement fait par la
liturgie de ce Jeudi Saint avec le repas de la Pâque juive, nous dit bien que
c’est un repas de libération, un repas au cours duquel nous sommes sauvés. Par
son Corps et son Sang, c’est toute sa vie qu’il nous livre, qu’il nous offre,
parce qu’il nous aime. Nous pouvons déjà puiser dans ce repas et le sens de son
sacrifice à venir et la force de suivre Jésus, demain, lorsqu’il marchera
librement vers sa mort. Tout est déjà donné ici ; et c’est donné pour
toujours, une fois pour toutes ! Nous ne pouvons pas revenir sur ce
don ; nous ne devons pas le sous-estimer ; nous devons pour toujours
en faire mémoire afin que les hommes, à travers le temps et l’Histoire, puissent
eux-aussi, s’ils le jugent utiles, accueillir ce don au cœur même de leur vie.
Mesurons-nous toujours pleinement la puissance de ce don ? Mesurons-nous
toujours pleinement ce qu’il change pour nous ?
Dans
l’Evangile de Jean, le dernier geste de Jésus est le lavement des pieds de ses
disciples, suivi de l’invitation à faire de même. Ce geste est un geste
d’esclave. C’est à l’esclave qu’il revient de laver les pieds des invités du
maître de maison. C’est à l’esclave qu’il revient de s’abaisser pour ce service
bien utile lorsque les déplacements se font sous la chaleur et dans la
poussière, souvent à pied. Un geste qui procure bien-être à celui qui en
bénéficie. Nous pouvons comprendre la réticence de Pierre ; pour lui,
Jésus, c’est le Maître, c’est le Seigneur ! Comment peut-il s’abaisser
ainsi ? Et pourtant, ce geste dit la même chose que celui du repas
partagé. Il nous dit l’amour du Christ qui se livre, qui s’abaisse pour notre
vie. C’est encore un geste de salut qu’il pose pour nous. En nous invitant à
faire de même, c’est-à-dire à nous mettre au service les uns des autres, Jésus
rappelle qu’il ne saurait être question de pouvoir au milieu de ses disciples,
mais de service. Et le plus grand est celui qui sert le plus. Voilà qui nous
renvoie à notre manière d’exercer notre charge en Eglise, quelle qu’elle
soit ! Est-ce bien toujours l’esprit de service, l’esprit du Christ, qui
anime toutes mes actions ?
Ces
deux gestes, le partage de l’eucharistie et le service des frères deviennent
donc la marque de fabrique de l’authentique croyant au Christ. Il n’y a pas de
choix à faire entre les deux ; ils sont à tenir ensemble, chacun renvoyant
à l’autre. Le pain de l’Eucharistie m’oblige au service des frères et le
service des frères trouve dans le pain de l’Eucharistie sa profondeur, son
sens. La fraction du pain et le service du frère : deux signes de la
présence de Jésus au milieu de son peuple ; deux signes de notre amitié
avec le Christ ; deux signes qui disent notre foi mieux que des mots.
Accueille le Christ en toi par le sacrement de l’Eucharistie ; rayonne de
ce Christ reçu dans le service du frère. Voilà l’Alliance nouvelle scellée par
Jésus. Voilà notre chemin de vie et de liberté. La route est ouverte par le
Maître lui-même ; nous savons désormais comment le suivre : en faisant ceci (partage du pain
eucharistique et service du frère) en
mémoire de lui. Il est grand, mais il réside en ces simples choses, le mystère de la foi. Rappelons-le par
toute notre vie. Amen.
(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire