Depuis
le jour de Pâques et jusqu’à Pentecôte, nous ne lisons plus l’Ancien Testament
en première lecture. La raison en est simple et évidente : nous croyons et
affirmons que toutes les promesses de la première Alliance sont accomplies dans
la mort et la résurrection de Jésus. Il inaugure, dans sa Pâque, l’Alliance
nouvelle par laquelle tous les hommes ont désormais accès au salut. A la place
de l’Ancien Testament, nous lisons donc les Actes des Apôtres, le témoignage
des premiers croyants au Christ, mort et ressuscité ; avec eux, nous
méditons la manière dont cette Alliance nouvelle est vécue dans l’ordinaire d’une
vie.
L’extrait
que nous avons entendu aujourd’hui peut se comprendre de deux manières. On peut
le lire comme l’idéal absolu que nous n’aurions jamais dû perdre. C’est l’éternel
refrain : autrefois, c’était tellement mieux ! Je ne suis pas sûr que
l’intention de Luc ait été de promouvoir chez ses lecteurs le regret éternel de
ce qui fut et qui maintenant n’est plus. Une autre manière de comprendre ce
passage consiste à dire que, puisque le texte est au passé, quand Luc écrit,
cela n’est déjà plus. Quelques 50 ans après l’événement de Pâques, l’homme a
déjà oublié ce que cela change d’être disciple du Ressuscité. Et Luc écrirait
ainsi non pour regretter, mais pour encourager à vivre à nouveau ce qui est l’essence
même de la foi au Christ : l’amour de l’autre.
J’aime
assez cette idée d’encouragement. Les raisons de se plaindre sont suffisamment nombreuses
pour que la foi ne soit pas une raison de plus. Si la foi doit changer quelque
chose dans notre vie, ce n’est pas en agitant les souvenirs d’antan, mais bien
mieux en nous encourageant à vivre totalement ce qui fait notre foi, dans ce
qui fait l’aujourd’hui de notre vie. Avoir
un seul cœur et une seule âme, mettre en commun, partager en fonction des
besoins de chacun : cela peut sembler utopique, mais cela répond bien
à l’interpellation du Christ lui-même en Matthieu chapitre 25 : ce que vous avez fait à l’un de ces petits
qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. Si la Parole de Dieu
doit avec quelque impact dans notre vie, autant que cet impact soit positif,
non seulement pour nous, mais aussi pour celles et ceux qui rencontrent notre
vie. En ce sens, la foi n’est pas plus simple ou plus difficile aujourd’hui qu’autrefois.
Elle reste le même combat : celui de la vérité ! Nous n’avons pas à
rougir de ce que nous sommes. Je sais bien qu’il est de bon ton de tourner en
ridicule l’Eglise, ou de ramener son histoire à la seule Inquisition ou aux
croisades et aux excès qu’elles ont pu entraîner, en oubliant les 18 siècles de
christianisme avant la Révolution, et pendant lesquels c’est bien l’Eglise qui
s’est occupée de l’école et de l'éducation de tous, c’est bien l’Eglise qui a
soigné les malades et les blessés de la vie, c’est bien l’Eglise qui a suppléé l’Etat
et comblé ses manques. C’est comme si, finalement, nous reprochions à la 5ème
République, les erreurs de la Révolution, avec le règne de la Terreur et les
exécutions quelquefois sommaires qu’elle a pu engendrer. Et que dire alors de
ce désir à peine voilé de certains bien-pensants qui veulent aujourd’hui
éradiquer toute religion de l’espace public au motif que cela peut entraîner des
troubles, alors qu’il serait tellement plus simple d’entrer en dialogue vrai
avec elles ! Mais ce serait peut-être déjà trop pour certains, et admettre
la vanité de la prétention des Lumières à éclairer à elles-seules l’Humanité,
délivrée ainsi de tout Dieu. Cette persécution soft qui ne dit pas son nom n’en
est pas moins redoutable et dangereuse que les persécutions ouvertes que
connaissent nos frères en Orient.
A
la suite des Apôtres, nous avons à savoir qui nous sommes et ce que nous sommes.
Par Jésus, mort et ressuscité pour nous, et par le sacrement du baptême qui nous
a configurés à lui, nous sommes fils et filles de Dieu, frères et sœurs de ce Christ
qui invite tout homme à un nouvel horizon dans sa vie. Cet horizon, c’est la
vie avec Dieu pour toute éternité. Cet horizon s’ouvre à celles et ceux qui,
comme les premiers croyants, mettent leur vie en conformité avec leur foi. Nous
ne pourrons jamais cesser de méditer cet extrait des Actes des Apôtres, parce
qu’il nous dit ce vers quoi nous devons tendre ; il nous dit ce que
pourrait être la vie en communauté si l’esprit du Ressuscité animait chacun de
ses membres. Il nous dit la puissance de la résurrection à l’œuvre dans de simples vies d’hommes. Il nous
dit ce que peut la puissance de l’Amour.
Avec
les Apôtres, nous avons à accueillir cette nouveauté et laisser le Christ déverrouiller
les portes de nos vies. C’est dehors qu’il nous attend ; c’est dehors qu’il
nous précède ; c’est dehors qu’il faut le chercher et l’annoncer. Sortons
et vivons, sans crainte, sans gêne et sans honte. Amen.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire