Il
est gonflé, Elie, le prophète du Seigneur, quand, s’invitant chez une pauvre
veuve, il insiste pour qu’elle lui fasse d’abord cuire une petite galette alors
même qu’elle vient de lui signaler qu’il ne lui reste qu’un peu de farine et un
peu d’huile pour elle et son fils. Après, ce sera la fin, comme dans tout le
pays frappé par un temps de famine.
Elle
est obéissante et sans doute aussi un peu confiante, la veuve de Sarepta lorsqu’elle
fait comme le prophète lui a dit. C’est vrai, Elie avait prophétisé que jarre de farine point ne s’épuisera et que
vase d’huile point ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie
pour arroser la terre. Mais avouez qu’il y a tant de faux prophètes ;
à l’époque d’Elie, ils ne manquent pas. Pourquoi la parole de celui-ci serait-elle
plus vraie ? Oui, il faut une bonne dose de confiance pour risquer le peu
qu’il reste et croire que l’impossible est possible. Ce qu’Elie a annoncé se
réalise, et pendant longtemps, le
prophète, elle-même et son fils eurent à manger.
Elle
doit être terriblement gênée, la pauvre veuve qui vient faire son offrande au
Temple après que tant de riches aient donné de leur superflu. Elle n’a que deux piécettes, mais elle les offre. Nous
ne savons pas ce qu’elle compte faire pour vivre encore, après ce don. Sans doute
aurions-nous réagi, un peu gênés à notre tour, en disant : qu’elle les
garde, ses deux petites pièces de monnaie. Tant pis pour son offrande ! Mais
voilà, personne n’intervient pour lui dire de garder sa monnaie. Et
certainement l’aurait-elle mal pris si on lui avait demandé de ne rien donner. C’est
qu’elle a confiance en Dieu, cette veuve. Et Jésus ne s’y trompe pas quand il
relève qu’avec ces deux pièces, elle a
mis plus dans le trésor que tous les autres. Elle donne ce qui fait sa vie
pour que d’autres puissent vivre, comme Jésus un jour donnera sa vie pour que
nous puissions vivre.
Avec
ces deux veuves, pauvres toutes deux, nous comprenons que les pauvres nous
évangélisent. Ils nous apprennent l’essentiel de la vie : la confiance, le
partage, là où nous ne parlons que de crise, d’avenir à préserver, de
placements à prévoir, au cas où ! Si nous attendons d’être riches pour
être charitables, attentifs aux besoins des autres, nous risquons fort de ne
jamais l’être ; nous ne nous considérerons jamais assez riches pour nous
payer le luxe d’aider les autres. Il nous faudra toujours plus avant de nous
décider de donner un peu de notre superflu. Aujourd’hui, des hommes et des
femmes frappent à la porte de nos pays riches, chassés de chez eux par la
guerre, la violence et la terreur. Et que voyons-nous ? Des murs qui se
lèvent, des hommes et des femmes qui disent : trop, c’est trop ! Et
ces pauvres exilés qui sont parqués dans des camps en attendant que nous
sachions quoi en faire. Nous avons contribué à importer la guerre chez eux par
des décisions politiques manquant de courage ; nous avons évité de nous
mouiller de trop quand il était encore possible d’intervenir ; et aujourd’hui,
nous faisons la sourde oreille et nous fermons les yeux.
Certes,
ce n’est pas nous qui prenons les grandes orientations politiques de notre pays ;
nous pourrions nous dédouaner en disant que nous n’y pouvons pas grand-chose !
Mais est-ce si sûr ? N’avons-nous pas la possibilité d’influencer les
politiques que nous élisons et qui nous représentent ? Les valeurs dont on
nous rabat les oreilles depuis les attentats de Paris ne sont-elles qu’à usage
interne ? Des valeurs françaises pour des gens bien français ? Et l’élémentaire
charité chrétienne : ne s’applique-t-elle qu’aux chrétiens bien baptisés ?
La
veuve de Sarepta et la veuve de l’Evangile, qui ont donné ce qu’elles avaient
pour survivre, doivent être bien tristes quand elles contemplent notre monde. Nous
approchons de la fin de l’année, et déjà commencent à fleurir dans nos boites à
lettre des demandes d’associations qui viennent en aide qui aux enfants, qui
aux personnes âgées, qui a tels souffrants de telle catastrophe : les
occasions ne manqueront pas de donner un peu de ce que nous avons pour contribuer
à la vie de quelques-uns. Que ces deux veuves rencontrées aujourd’hui nous
apprennent à ouvrir notre cœur et nos mains. Amen.
(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année B, éd. Les Presses d'Ile de France)
(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année B, éd. Les Presses d'Ile de France)
En lisant cette homélie je n'ai pu m'empêcher de pleurer. Vous avez l'habitude et l'habileté de toujours lier la parole de Dieu à ce que nous vivons au quotidien. C'est ainsi que nous sommes nourris de paroles qui peuvent nous inviter à mieux vivre au quotidien et à réfléchir au sens que nous voulons donner à notre vie. Je tiens à vous remercier pour ces paroles pleines de bon sens. Merci.
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