Et si tout n'était qu'une histoire d'amour finalement ? Si tout ce que nous faisions, tout ce que nous célébrions n'était que cela : une histoire d'amour ? Serait-ce tellement grave ? Du tout, ce serait même la chose la plus merveilleuse qui soit. Parce qu'il n'y a rien de plus beau que l'amour ! Lorsque Paul écrit aux Corinthiens, n'est-ce pas cela qu'il vient leur dire lorsqu'il affirme : L'amour ne passera jamais ?
Qui n'a jamais entendu ce chant à l'amour que Paul nous livre et que nous avons entendu en seconde lecture ? C'est un des textes plébiscité pour la célébration des noces. Il nous donne de l'amour une vision absolue. Il ne manquera plus que saint Augustin pour affirmer après : Aime et fais ce que tu veux ! Paul a bien conscience que rien n'est plus grand que l'amour. Mais entendons-nous bien : cet amour dont il parle, c'est d'abord l'amour que Dieu nous porte. Seul l'amour de Dieu prend patience, rend service, ne jalouse pas, ne se vante pas, ne se gonfle pas d'orgueil, ne fait rien d'inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s'emporte pas, n'entretient pas de rancune, ne se réjouit pas de ce qui est injuste; seul l'amour de Dieu supporte tout, fait confiance en tout, espère tout, endure tout. Seul l'amour de Dieu pour nous ne passera jamais. Cela a un côté rassurant de se savoir aimé ainsi, parfaitement, gratuitement. C'est réconfortant même. Mais une fois que l'on a affirmé que l'amour de Dieu est tel pour nous, que faisons-nous de cela ? Ces paroles ne sont-elles qu'un beau texte de plus à méditer en temps difficile, pour se souvenir à quel point nous sommes aimés ? Paul ne veut-il parler que de l'amour de Dieu pour nous ? Que nenni : le début du texte entendu vient nous le rappeler. Ce qu'écrit Paul, ce n'est pas qu'un beau texte de plus ; c'est le chemin par excellence.
Voici donc que ce que nous pouvons entendre comme la description de l'amour de Dieu pour nous devient l'amour dont nous sommes appelés à aimer à notre tour. Paul va même plus loin en affirmant que toutes nos belles actions, tous nos sentiments les plus nobles ne sont rien s'il manque l'amour. Pire encore : l'homme n'est rien sans l'amour. S'il me manque l'amour, je ne suis rien. Ce n'est pas une façon de parler qu'il faudrait réinterpréter à la lumière de je ne sais quelle autre parole de Paul, voire du Christ lui-même. Non, c'est la stricte réalité : sans amour, l'homme n'est rien ; sans amour, tout ce qu'il fait ne sert à rien. Nous n'y échapperons pas, car Paul se situe bien dans la ligne de l'enseignement constant de Jésus. Faut-il rappeler ici que le seul commandement de Jésus, c'est bien aimez-vous les uns les autres ? Faut-il rappeler, selon la parole de Jésus lui-même, que c'est à l'amour que nous aurons les uns pour les autres que le monde saura que nous sommes les disciples de Jésus ? Peut-on dire mieux que le Christ, mieux que Paul, que l'amour n'est pas une option pour les jours où nous n'aurions pas autre chose à faire ?
Tout n'est qu'une question d'amour. Et l'amour doit toujours et encore rester premier. Avant d'apprendre des règles morales, il nous faut apprendre à aimer. Avant de vouloir défendre une certaine idée de la famille, il nous faut aimer. Avant de parler de Jésus, il nous faut aimer, comme lui. Parce qu'on ne comprend rien à l'art de vivre chrétien si l'on n'aime pas. On ne comprend rien à Jésus si l'on n'aime pas. On ne peut pas annoncer Jésus si l'on n'aime pas. Et il ne s'agit pas seulement d'aimer Dieu et Jésus ; il s'agit d'aimer le frère, celui que Dieu met sur notre route. Cela ne sert à rien d'aimer Jésus si je n'aime pas celui à qui je dois en parler. Cela ne sert à rien d'aimer Jésus, si tous ceux qu'il met sur ma route, m'indiffèrent.
L'amour ne passera jamais, écrit Paul. N'entendons pas ces mots comme : l'amour ne passera jamais par moi, ou encore comme : je ne digère pas l'amour, ça ne passe pas ! L'affirmation de Paul signifie bien que jamais l'amour ne cessera d'exister, jamais nous n'aurons fini d'aimer. Toute notre vie vient de l'amour, se passe dans l'amour et va vers l'amour. L'amour ne passera jamais parce que, selon la parole de l'évangéliste Jean, Dieu est amour. Dieu ne peut cesser d'exister ; Dieu ne peut cesser d'aimer ; Dieu ne peut cesser de nous inviter à aimer. L'idéal d'amour qui est en Dieu doit devenir notre idéal, peut devenir notre idéal, parce que Jésus, Fils de Dieu fait l'un de nous, nous a ouvert la voie à l'amour véritable. Ce qu'il a fait pour nous, il nous dit de le faire pour les autres. et déjà il le fait avec nous. Apprenons de Jésus à aimer d'un amour qui ne passera jamais. Amen.