La question récurrente de l’enseignement
religieux à l’école en Alsace Moselle ne cesse de m’interroger. J’ai souvent l’impression
que les tenants de son abolition nous regardent comme des bêtes curieuses, des
hommes et des femmes pas complètement finis, pas vraiment adultes. N’est-ce
pas, ils ont encore besoin de Dieu dans leur vie ! Ce serait un défaut qu’il
faudrait corriger urgemment, d’où ces attaques contre la présence de l’enseignement
religieux dans le parcours scolaire. Moins on enseignera Dieu, moins ils y
seront attachés et plus vite ils en seront libérés, délivrés… Les opposants à l’enseignement
religieux à l’école voudraient donc notre bien, et surtout le bien de nos
enfants. Ils auraient le souci de notre évolution, de notre maturité. N’est-ce
pas beau ?
Une lecture trop rapide de l’extrait de la
première lettre de Paul aux Corinthiens entendu en seconde lecture pourrait
leur donner raison. Quand il est lu trop vite, certains pourraient croire que
Paul exalte la pauvreté, l’inintelligence et la faiblesse des gens qui composent
la communauté croyante de Corinthe. Parmi
vous, il n’y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants
ou de haute naissance... Au contraire, affirme Paul, ce qu’il y a de fou…, ce qu’il y a de faible…, ce qui est d’origine
modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est pas, voilà ce que Dieu a choisi. Pour
nos tenants modernes de la libre pensée, voilà bien qui justifie leur devoir de
libération ! Même à Corinthe, du temps de Paul, les gens dit biens ne se
mêlaient pas aux chrétiens. Pire, Dieu lui-même ne choisit que des faibles. Libérons-les
donc de ce Dieu et ils seront forts comme nous. L’homme véritable, l’homme
fort, l’homme debout n’a pas besoin de Dieu... pensent-ils !
Or ce n’est pas la pensée de Paul. Bien au
contraire, Paul affirme que Dieu a choisi exprès les petits et les pauvres, il
les a appelés pour couvrir de confusion les sages, pour couvrir de confusion ce qui
est fort, pour réduire à rien ce qui est. Dieu a fait le choix des petits,
des pauvres, des faibles, pour rappeler à l’homme qu’il n’est pas sa propre
origine, qu’il n’est pas vraiment fort tant qu’il est sans Dieu ou loin de Dieu,
qu’il n’est pas vraiment sage tant qu’il ignore Dieu, qu’il n’existe pas
vraiment tant qu’il se drape dans la gloire qu’il se donne à lui-même. La fierté
de l’homme, c’est de connaître Dieu ! La fierté de l’homme, c’est d’avoir
été choisi par Dieu ! La fierté de l’homme, c’est d’avoir été appelé par Dieu !
Dès lors, l’homme peut connaître vraiment Dieu et découvrir en lui un Dieu qui
marche avec l’homme, un Dieu qui veut la liberté pour l’homme, un Dieu qui veut
le bonheur de l’homme, un Dieu qui veut la vie pour l’homme. L’homme n’aura
rien de tout cela tant qu’il met son orgueil dans ses propres forces. L’homme n’existe
pas vraiment tant qu’il reste auto-centré, ne voyant que son nombril, ses
intérêts, son plaisir…
A ceux qui veulent libérer les hommes de Dieu,
le christianisme opposera toujours un Dieu qui s’est fait homme, et le dernier
des hommes, pour que chacun, même le plus petit, même le plus méprisé, puisse
trouver en lui une force nouvelle. La dernière place, Jésus l’a faite sienne
pour toujours, en marchant vers sa croix. Et le fait que vingt siècles plus
tard, des hommes cherchent toujours et encore à l’évacuer de l’espace public
montre bien qu’il est pour toujours le plus méprisé des hommes. Pourtant, nous
qui avons été appelés par lui, nous savons l’œuvre de libération qu’il a
accompli pour tous les hommes. Nous qui avons été appelés par lui, nous savons
qu’il a proclamé l’égalité de tous devant Dieu. Nous qui avons été appelés par
lui, nous savons l’œuvre de fraternité à laquelle il nous invite chaque jour. Comment
des esprits soi-disant éclairés peuvent-ils nous demander de renoncer à celui
qui fait de nous des hommes libres, égaux et fraternels ? Comment peut-on
demander à l’homme de renoncer à enseigner ce qu’il y a de meilleur pour que
grandisse une humanité renouvelée en Jésus Christ, libérée de toute peur,
fraternelle envers tous ?
Nous avons peut-être l’air bête de suivre
encore Jésus Christ ! Mais ils ont l’air fin, ceux qui nous demandent de
renoncer à parler de celui qui ne veut que le meilleur pour l’homme, sa vie et
son bonheur. Si nous renoncions, où l’homme trouverait-il sa joie ? Si
nous renoncions, où l’homme trouverait-il sa vie ? Le vingtième siècle
nous a montré la vanité des idéologies humaines qui voulaient construire
un monde meilleur où l’homme seul serait Dieu ; elles se sont effondrées après
avoir causé bien du mal à l’humanité, quelle que soit leur couleur politique. De
Paul, apprenons à être fier dans le Seigneur :
il nous a appelés pour construire un monde vraiment nouveau qui reçoit du Christ
justice, sanctification, rédemption,
aujourd’hui et toujours. Comme Paul, marchons à la suite de Jésus, annonçons-le
à tous les hommes : que tous sachent qu’il est la vie et le salut de l’homme.
Amen.
(Dessin de Mr Leiterer)