Où
est le roi des Juifs qui vient de naître ? Voilà une
question bien innocente, posée par des étrangers au roi Hérode. Ils ont vu une
étoile se lever, annonçant la naissance de ce roi, et ils viennent
naturellement au palais d’Hérode. Mais cette question simple a l’art de mettre
en émoi tout le palais, et tout Jérusalem
avec lui. Elle appelait une réponse simple a priori ; mais voilà,
quand Dieu entre dans le monde, rien n’est jamais simple.
Où
est le roi des Juifs qui vient de naître ? A cette question
simple, Hérode ne sait répondre que par un bouleversement intérieur, l’ancienne
traduction liturgique disait avec
inquiétude. Et on le comprend ! Il sait bien qu’il n’a pas eu d’enfant
récemment. Qui est ce roi dont parle ces étrangers ? Et que peut-il
attendre d’Hérode ? Qu’il lui rende le trône ? Hérode ne peut être
que fermé à cette question ; il ne veut pas l’entendre, et il ne veut pas
trop en connaître la réponse, même s’il en fait chercher une par ses savants. Ce
qu’il veut, l’histoire nous le dira, ce n’est pas tant entrer dans la démarche
des mages que détruire ce roi nouveau-né, avant qu’il ne prenne trop d’importance.
Pour lui, il n’y a qu’un roi des Juifs et c’est lui ! Il n’a pas vraiment
l’intention de se prosterner devant
ce nouveau-né.
Où
est le roi des Juifs qui vient de naître ? Les mages apporteront
eux-mêmes une réponse à leur question lorsqu’ils entreront dans la crèche. Ils n’hésitent
pas une seconde quand ils voient l’enfant
avec Marie, sa mère ; tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant
lui. Il y a là un grand mystère : des étrangers, qui ne connaissent
pas le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, des étrangers qui ne sont pas du
peuple de l’Alliance, voit un enfant dans les bras de sa mère, dans une pauvre
demeure, et comprennent, instantanément, que c’est lui qu’ils ont cherché, lui
dont ils ont vu l’étoile se lever. Qu’ont-ils de plus que les autres ? Qu’ont-ils
de plus qu’Hérode et tous ses savants ? Ils ont juste un cœur ouvert à la
nouveauté absolue que représente l’irruption de Dieu dans la vie des hommes. Là
où d’autres n’auraient vu qu’un enfant comme tant d’autres, eux voient un roi.
Là où Hérode voyait une menace, eux voient l’espérance d’un monde nouveau. Là
où tant d’hommes et de femmes ne se sont pas laissés déranger, eux ont tout
quittés pendant des semaines pour suivre une étoile.
Où
est le roi des Juifs qui vient de naître ? Cette question est
pour nous aujourd’hui, car nous aussi devons répondre et nous positionner.
Cherchons-nous notre salut dans notre travail, dans nos possessions, dans nos
petits pouvoirs ? Ou acceptons-nous que notre salut nous soit offert par
un autre, par cet enfant nouveau-né que Marie présente au monde ?
Sommes-nous, comme les mages, émerveillés, réjouis
d’une grande joie ? Ou sommes-nous, comme Hérode, remplis d’inquiétude ?
Notre monde ne manque pas d’Hérode qui veulent faire mourir ce nouveau-né qui
dérange trop. Pas de place pour lui dans l’espace public ; qu’il soit
enfermé dans des espaces privés, là où personne ne le voit. Qu’on ne parle pas
de lui en public, qu’on ne s’exprime pas à son sujet, ni en son nom en public. Gare
au prosélytisme ! Evacuons la crèche, évacuons l’espérance qu’elle
représente. Heureusement qu’il y a eu les mages jadis, comme il y a des mages
aujourd’hui qui cherchent Dieu et son amour, et savent se réjouir des signes pauvres
qui annoncent cette grande joie : l’homme est appelé à la vie par Dieu et Dieu
s’engage en faveur de cette vie, Dieu s’engage en faveur du salut des hommes.
La crèche, comme la croix d’ailleurs, dira pour toujours cette présence de Dieu
à notre monde. La crèche, comme la croix, dira toujours l’amour de Dieu pour les
hommes et son attention particulière aux petits. Remarquez la pédagogie de Dieu
qui se révèle d’abord aux petits, à travers les bergers puis aux sages et aux
savants, à travers ces mages venus de loin. Notre monde a plus que jamais
besoin de chercheurs de Dieu, d’hommes et de femmes qui acceptent de se mettre
en route, à la suite d’une étoile, à la suite de la lumière. En reconnaissant
en Jésus celui qu’ils ont cherché, les mages nous indiquent où se trouve la
vraie lumière, où se trouve le vrai sens de notre vie : en Jésus, et en
lui seul.
Où
est le roi des Juifs qui vient de naître ? Lorsque nous
venons à la crèche, ne regardons pas d’abord un décor, une œuvre d’art, mais
apprenons toujours à trouver là celui qui est notre vraie lumière, celui qui est
venu donner espoir et vie aux hommes. Ce qu’il a fait jadis, il le refait toujours
et encore pour nous. Son amour n’a pas de limite, sa présence au monde n’est
pas pour un temps donné, elle est pour toujours, pour tous les peuples, pour
tous les temps. Devant l’enfant de la crèche, reconnaissons Jésus, le Sauveur de
tous les hommes. Et réjouissons-nous, comme les mages, de trouver en lui celui
qui comble notre espoir. Amen.
(Giotto, L'adoration des mages, fresque de la Chapelle des Scrovegni, Padoue)
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