Est-ce l’air pur de la haute montagne qui
trouble la vision des Apôtres ? Ont-ils consommé quelque champignon
hallucinogène en accompagnant Jésus ? Ou la transfiguration, cette
révélation prématurée de la gloire de Jésus, est-elle pour eux une
réalité ? Si l’Eglise a fait de cet événement une fête, c’est qu’il doit
bien avoir existé ! Pierre ne s’en fait-il pas l’écho dans la seconde
lecture entendue lorsqu’il affirme que ce
n’est pas en ayant recours à des récits imaginaires sophistiqués que nous vous
avons fait connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ,
mais c’est pour avoir été les témoins oculaires de sa grandeur ? Partant
de là, que signifie cette fête ? Quel impact a-t-elle dans notre
vie ?
La transfiguration est d’abord un
événement qui concerne Jésus. C’est sa gloire qui est révélée, c’est une parole
le concernant qui se fait entendre. Tout tourne autour de sa personne et de la
compréhension que nous pouvons avoir de sa mission. La présence de Moïse et
d’Elie le situe bien dans la lignée des envoyés de Dieu ; elle le situe
même à une place particulière : celui qui accomplit parfaitement la Loi
(représentée par Moïse) et les Prophètes (représentés par Elie). Nous ne
saurions dire mieux le lien qui unit Jésus à Dieu ; nous ne saurions dire
mieux la mission qui est celle de Jésus : récapituler toute l’Histoire de
l’humanité, récapituler toute l’Alliance pour la mener à son achèvement. La
parole qui vient de la nuée (signe de la présence de Dieu lui-même dans
l’Ancien Testament) vient renforcer encore la révélation de la gloire de
Jésus : il n’est pas qu’un prophète parmi les autres, il n’est pas qu’un
nouveau Moïse, il est le Fils bien-aimé de
Dieu, celui en qui Dieu lui-même trouve sa joie. Pour Pierre, Jacques et
Jean, le doute n’est plus permis ; ils savent désormais avec certitude qui
est Jésus. Nous comprenons aussi alors pourquoi Jésus leur impose le
silence : ce privilège qui est le leur ne saurait être interprété
justement par les autres s’il était révélé avant le mystère de la croix. Jésus
ne peut être révélé aux hommes comme Fils de Dieu avant sa mort en croix. Sa
mort sera sa parole la plus puissante et la plus vraie sur sa réalité divine.
Ces trois Apôtres ont bénéficié d’une grâce particulière pour qu’ils s’en
souviennent quand viendront les événements douloureux et déconcertants de la
Passion. Ils auront à affermir leurs frères dans la foi lorsque tout semblera
perdu.
Si la transfiguration est un événement qui
concerne Jésus, il n’en est pas moins vrai que cette révélation nous concerne
tous. Si elle est une annonce prématurée de la gloire de Jésus, elle est aussi
une annonce prématurée de la gloire qui est la nôtre ! La transfiguration
est notre vocation, ce à quoi nous sommes destinés par le baptême. N’oublions
jamais que le baptême fait de nous des fils et des filles de Dieu, appelés à
vivre de la sainteté de Dieu. La gloire de Jésus est notre gloire. Comme
l’affirme saint Basile, l’homme est une
créature qui a reçu l’ordre de devenir Dieu ! Nous ne pouvons pas
vivre comme si le baptême n’avait pas profondément marqué notre nature humaine.
Nous ne pouvons pas vivre dans l’ignorance de la gloire qui est la nôtre. Notre
vie a un but : la gloire du ciel. Notre vie de baptisés nous révèle ce que
nous sommes profondément par appel de Dieu : fils du Très-Haut, frères de
Jésus Christ, appelés à vivre de sa vie, appelés à partager sa gloire. Ce n’est
pas rien ; il fallait bien une fête pour nous le rappeler. La parole de
Jésus adressées à ses Apôtres : Relevez-vous
et soyez sans crainte, nous pouvons alors la comprendre dans un sens
pascal. Relevez-vous, c’est-à-dire ressuscités à cette vie nouvelle, à cette
vie de gloire : n’ayez pas peur de ce que vous êtes, n’ayez pas peur de
l’appel de Dieu à partager sa gloire. Relevez-vous,
n’ayez pas peur de vous laisser libérer de la mort et du péché. Il y a une
vie au-delà de la mort ! Il y a une vie au-delà du péché !
Laissez-moi vivre en vous !
Avez-vous compris l’impact de cette fête
sur notre vie ? Elle nous invite à nous élever à la hauteur de Dieu ;
elle nous invite à vivre selon notre vocation baptismale. Nous ne sommes pas
faits pour la fange du péché ; nous ne sommes pas faits pour la mort et
les ténèbres de l’oubli. Nous sommes faits pour la gloire de Dieu. Nous sommes
faits pour une vie marquée du sceau de l’éternité. Si nous l’avions oublié, la
fête de ce jour vient heureusement nous le rappeler. Demandons à Dieu la grâce
de vivre selon son appel ; demandons la grâce de devenir toujours plus ce
que nous sommes déjà : le corps du Christ, vainqueur du péché et de la
mort. Amen.
(Tableau de Fra Angelico, La Transfiguration)
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