Il
est une question posée dans la Bible, dès l’origine, qui la traverse, qui donne
sens à notre vie, à nos relations, et qui reçoit des textes que nous venons d’entendre
un nouvel éclairage. C’est la question posée par Caïn, au chapitre quatre de la
Genèse, après le meurtre d’Abel son frère : Est-ce que je suis, moi, le gardien de mon frère ? C’est une
question fondamentale pour moi dans une vie spirituelle. Elle reste incontournable
et il nous faudra y répondre.
Est-ce
que je suis, moi, le gardien de mon frère ? Oui, répond Dieu au
prophète Ezéchiel lorsqu’il l’institue guetteur
pour la maison d’Israël. Il en fait le gardien de tous ses frères, avec une
mission claire : avertir, toujours
et encore, afin que le peuple se détourne du Mal et se convertisse à Dieu. S’il
se dérobait à sa mission, s’il refusait d’avertir le méchant, il serait
responsable de sa perte et Dieu lui demanderait
compte de son sang. Ni le prophète jadis, ni nous aujourd’hui, ne pouvons
vivre notre vie spirituelle ans le désintérêt des autres. Nous devons avoir le
souci de nos frères, nous devons encourager, avertir, inviter à la conversion. Ce
n’est pas une mission réservée au prophète, aujourd’hui à ceux qui annoncent la
Parole. C’est une mission pour chacun. Comment un croyant peut-il regarder son
semblable aller à sa perte sans intervenir, sans avertir, sans inviter à
changer ? Ce n’est pas du voyeurisme, ni de l’ingérence dans une vie
privée ; c’est se sentir responsable de la vie éternelle d’autrui ; c’est
croire surtout que personne n’est perdu définitivement, que chacun a la
possibilité de devenir meilleur. Mais comment le pourrait-il si personne ne lui
indique qu’il est sur une fausse route ? Dans un monde en perte de
repères, il est nécessaire que le croyant rappelle l’horizon, ouvre à la vérité,
invite aux changements nécessaires pour que chacun connaisse une vie meilleure.
Il ne s’agit pas d’imposer Dieu, mais de combattre le Mal, d’oser le nommer et
d’inviter à le rejeter.
Est-ce
que je suis, moi, le gardien de mon frère ? Oui, répond Paul aux chrétiens
de Rome lorsqu’il rappelle que le chrétien a une dette envers chacun, celle de l’amour mutuel. Il donne ainsi
le cadre de l’avertissement à adresser à celui qui commet le Mal. Il ne s’agit
pas de le juger en le prenant de haut ; il ne s’agit de se montrer
supérieur à lui ; il ne s’agit pas davantage de jouer les pères la morale.
Il s’agit d’aimer suffisamment l’autre, même celui qui commet le Mal, pour
désirer sa vie, pour désirer son salut. Paul résume le tout en citant le
commandement du Christ qui résume tout : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Si l’horizon de tous les
hommes est le salut, la mission du croyant est d’entraîner ses frères vers ce
but. Il ne peut faire la route tout seul, il ne peut se sauver tout seul en
laissant les autres au bord du chemin.
Est-ce
que je suis, moi, le gardien de mon frère ? Oui, oui, trois fois oui
répond Jésus lorsqu’il donne les indications pour une vraie correction
fraternelle. Ton frère t’a fait du Mal (commis
un péché contre toi), va le lui dire seul à seul ; s’il faut insister,
retourne vers lui accompagné d’une ou
deux personnes ; et s’il faut insister plus encore, dis-le à l’assemblée de l’Eglise. Non seulement
tu dois te préoccuper de ton frère, mais tu dois en plus insister, ne pas te
décourager et l’inviter, toujours et encore, à la conversion. Ce n’est qu’au
bout de tout ce processus que tu seras dégagé de toute responsabilité envers
ton frère ! L’avertissement que Dieu recommandait au prophète Ezéchiel
devient tout un processus en vue de la conversion, en vue du changement radical
de vie. Parce que quelquefois il faut plus qu’un avertissement pour que l’homme
reconnaisse le Mal dans lequel il est pris, nous ne pourrons jamais nous
arrêter de dénoncer le Mal pour que l’homme s’en libère et vive.
Est-ce
que je suis, moi, le gardien de mon frère ? Cette question essentielle
a reçu une réponse de l’ensemble de la Parole de Dieu : Prophète,
Evangile, Lettre apostolique. Elle est la même tout au long des alliances. Tu
es responsable de ton frère, tu es le
gardien de ton frère. Ton salut passe par le sien. Avec lui, écoute encore
le psalmiste te chanter : Aujourd’hui,
ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur ! Le salut
du bon comme du méchant dépend de cette écoute. Ecoutons donc la Parole, et
vivons-là, en toute chose. Amen.
(Dessin de Mr Leiterer)
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