Nous étions bien dimanche dernier, disciples
autour de Jésus, entendant qu’il était le
Christ, le Fils du Dieu vivant. Enfin la certitude de n’avoir pas misé sur
le mauvais cheval et que notre Maître, ce n’était pas n’importe qui. Il y avait
là de quoi alimenter toute la semaine, se sentir forts, motivés pour parler de Jésus
à qui voudrait bien nous entendre. Et nous sommes revenus, ce matin, forts de
cette confiance, retrouver ce même Jésus pour l’entendre encore nous transmettre
la Bonne Nouvelle. Seulement voilà, la Bonne Nouvelle de ce dimanche, c’est qu’il
fallait partir pour Jérusalem, souffrir
beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué, et
le troisième jour ressusciter. Comment ? Aurais-je raté un épisode ?
Que s’est-il passé pour que tout semble retomber comme un soufflé mal cuit ?
il ne s’est rien passé du tout ; c’est juste l’affirmation de la stricte
vérité sur Jésus, et comment il entend être Fils
de Dieu.
Je comprends la réaction de Pierre : Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera
pas. Moi, vivant, jamais tu n’auras à souffrir tout cela ! Enfin,
Seigneur, soyons sérieux deux minutes. Tu as dû te tromper, mal comprendre ce
qui était attendu de toi. Enfin ! tu es le Christ, quoi ! Ce que tu
dis, ce n’est juste pas possible. Qui d’entre nous n’aurait pas réagi de la
même manière ? Qui aurait pu alors croire que l’avenir de Jésus, c’était
cela : mourir à Jérusalem ? Il n’y a pas d’avenir à mourir, fût-ce à
Jérusalem ! Oui, la première fois que Jésus annonçait à ses disciples sa
Passion prochaine, nous aurions sans doute été d’accord avec Pierre : tu
oublies cela, tout de suite ! Et nous aurions reçu le même avertissement
que lui : Passe derrière moi, Satan !
Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu,
mais celles des hommes. Ben oui, mais Pierre après tout n’est qu’un homme,
avec des pensées humaines. Il lui faudra encore un peu de temps pour entrer
dans le projet d’amour de Dieu pour tous les hommes ; il lui faudra encore
un peu de temps pour comprendre qu’il n’est pas seul sur terre et que Jésus n’est
pas venu juste pour être son ami à lui, pour l’appeler lui et le sauver lui. La
mission de Jésus concerne tous les hommes, et pas seulement ceux qui vivaient à
son époque. Jésus commence à parler de sa Passion et même pour ses disciples,
cela passe mal. Selon les évangiles, il y aura en tout trois annonces de la
Passion, et pourtant, cela ne passe pas. A lire un évangile en entier, nous
pouvons avoir l’impression que les disciples n’impriment pas cette donnée ;
cela ne rentre pas, ni dans leur tête, ni dans leurs catégories de pensée.
Jésus
commença à
parler à ses disciples de sa Passion. Nous
pouvons comprendre aussi que cela ne serait pas simple pour lui. Comment faire
comprendre l’incompréhensible à ses amis ? Comment faire comprendre que
leur vie passe par sa mort ? Jésus aussi préfèrerait éviter cela : tu es pour moi une occasion de chute. Autrement
dit, si je t’écoutais, je dirais comme toi, je ferais comme tu dis ! Entrer dans le projet de Dieu, ce n’est pas
seulement le combat des disciples, c’est aussi le combat de Jésus. Il se
retrouve là confronté à son Adversaire de toujours, celui qu’il avait déjà
affronté au désert, après son baptême : Passe derrière moi, Satan ! Cela nous montre bien que ce n’est
pas seulement difficile à entendre pour les disciples, c’est aussi difficile à
envisager pour Jésus. Nous retrouverons cela au Jardin des Oliviers, lors de la
prière de Jésus : Mon Père, s’il est
possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme
moi, je veux, mais comme toi, tu veux. En Jésus, comme en chacun de nous,
la part divine doit prendre le dessus ; la confiance en Dieu doit s’affirmer
aux moments décisifs. Il s’agit bien de donner à Dieu les clés de notre vie ;
il s’agit bien, pour gagner le combat spirituel, de laisser la manœuvre à Dieu et
à lui seul. Ce n’est qu’avec lui que nous pourrons vaincre l’Adversaire ;
ce n’est qu’avec lui que Satan sera détruit, une fois pour toutes.
C’est pour cela que l’enseignement de Jésus
sur sa Passion se poursuit par cet enseignement sur l’art et la manière de le
suivre. Si quelqu’un veut marcher à ma
suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Il
n’y a pas d’autre chemin possible que celui-là. C’est vrai pour Jésus, c’est
vrai pour nous. La vie de disciple n’est pas un long fleuve tranquille. La vie
de disciple consiste à lutter contre le Mal, chaque jour. Notre attachement à Jésus,
c’est chaque jour qu’il nous faut le redire. Notre choix de suivre Jésus, c’est
chaque matin qu’il nous faut le refaire. Notre croix, c’est chaque jour que
nous devons la porter. Les Pères du désert nous apprennent même que plus nous
nous attacherons à Jésus, plus l’Adversaire sera virulent, parce que notre
attachement à Jésus lui est insupportable. Et il se sert de tout et de tous pour
nous faire chuter, y compris de nos amis. Il nous faut être vigilants ensemble, résister
ensemble et ne jamais nous fatiguer de combattre. Certains pourraient penser
que le démon se déchainant plus dans notre vie quand nous affirmons notre
attachement à Jésus, il suffirait, pour avoir la paix, de mettre Jésus hors de
nos vies. Mais quelle erreur que de croire cela ! Ce serait pire
encore, parce que l’Adversaire s’installerait dans notre vie et elle serait
vouée à la Mort éternelle. Le combat spirituel, dans lequel nous sommes engagés
depuis notre baptême, ne se gagne qu’avec Jésus, avec Jésus crucifié, mort et
ressuscité pour nous. Le combat spirituel ne se gagne qu’en prenant notre part
à la croix du Christ. Ce n’est pas la peine de vouloir tergiverser ; il n’y
a pas d’autre alternative.
Avec Pierre, acceptons donc d’entrer dans
les pensées de Dieu. Avec tous les disciples du Christ, prenons notre croix,
chaque jour, et marchons à sa suite. De Jésus, accueillons l’enseignement et avec
lui, passons la mort et parvenons à la vie éternelle. Amen.
(Dessin de Mr Leiterer)
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