Quiconque
a suivi, ne serait-ce que de manière approximative le catéchisme, sait que le
baptême que donne Jean n’a pas grand chose à voir avec notre baptême. Et
pourtant, comment ne pas réfléchir à notre propre baptême au moment où nous
célébrons celui du Christ Sauveur ? Car, si le baptême de Jean est donné
aux hommes en signe de conversion, le baptême de Jésus, par la manifestation
extraordinaire qui l’accompagne, donne sens à notre propre baptême. Le don de
l’Esprit Saint et la parole du Père introduisent déjà à ce que sera le baptême
chrétien.
Ne
sous-estimons pas ces deux éléments. Le don de l’Esprit est nécessaire, même
pour Jésus, puisque celui-ci va inaugurer sa mission et aura bien besoin de
cette force divine pour la remplir pleinement. L’Esprit Saint manifeste le lien
tout particulier qui unit Dieu à Jésus. Ce lien est exprimé clairement par la
Parole entendue : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui,
j’ai mis tout mon amour ». Voilà redit, par un signe et une parole, la
nature particulière de Jésus, vrai Dieu et vrai homme. Et si nous relisons
alors le passage des Actes que nous avons entendu, nous comprenons que toute la
vie de Jésus, ses paroles et ses actes, sont la manifestation aux hommes de ce
qui s’est passé pour lui au bord du Jourdain. L’amour de Dieu qui lui a été
manifesté, il le transmet à son tour, « faisant le bien là où il
passait, guérissant ceux qui étaient sous le pouvoir du démon. Car Dieu était
avec lui ». Mieux, il est présence de Dieu au cœur de la vie des
hommes. Et c’est sans doute là que nous nous approchons le plus du baptême
chrétien. Ne sommes-nous pas reconnus fils et filles de Dieu au jour de notre
baptême pour que nous vivions de la vie-même de Dieu ?
Cette
affirmation de notre foi et de notre liturgie baptismale me pousse à réfléchir
alors à ce que nous faisons lorsque quelqu’un s’adresse à nous pour recevoir le
baptême. Une fois la demande enregistrée, nous préparons au baptême,
c’est-à-dire que concrètement nous préparons la célébration après avoir précisé
un peu la théologie du baptême. « Mais ne faudrait-il pas abandonner
cette expression ? », s’interrogeait une théologienne française,
préférant parler de « préparation à la vie baptismale plutôt qu’au
baptême ! » Je la rejoins pleinement sur ce point. Le baptême, en
effet, ne saurait être un moment unique de l’existence du chrétien. Le baptême
traverse toute sa vie, lui donne sens et le met en marche, à la suite du
Christ, à la rencontre de Dieu et de ses frères. C’est bien notre baptême qui
nous identifie au Christ Sauveur, nous invitant à vivre comme lui, « entièrement
donné à Dieu et à nos frères ». C’est bien notre baptême qui nous fait
frères et sœurs en Christ, au-delà de la seule filiation humaine. Sommes-nous
suffisamment préparés à cette vie qui s’impose à nous, à cause du commun
baptême ? Baptisé, je ne peux plus me désintéresser de ce que vit celui
que je croise, parce qu’il est de ma famille. Baptisé, je suis invité à faire
le bien, à lutter contre les forces de morts qui nous habitent tous, à relever
celui qui est tombé et à me reconnaître fils, moi-aussi, de ce Dieu qui se
révèle Père de tous les hommes.
Vivre en
baptisés, appelés à être saints, comme Dieu est saint : c’est pour cela
que nous recevons le don de l’Esprit Saint au moment de notre baptême. C’est
pour cela que nous sommes reconnus fils et filles de Dieu, frères et sœurs du
Christ. Ce double don qui nous est fait au moment du baptême (don de l’Esprit
et don de la filiation divine) ne peut nous faire vivre que si nous le laissons
vivre en nous. Le baptême marque l’inauguration de la vie chrétienne qui ne se
développe vraiment qu’avec l’Eucharistie et la Confirmation. Il existe un lien
indissoluble entre ces trois sacrements de l’initiation chrétienne : ils
sont nécessaires et complémentaires pour pouvoir se dire en vérité ‘chrétien’.
Comment grandir en sainteté si mon baptême n’est pas nourri ? Comment
grandir en sainteté si l’Esprit n’est pas reçu en plénitude, si je ne suis pas
confirmé dans ma foi et dans l’amour de Dieu pour moi ? La vie baptismale
appelle la pratique de ces autres sacrements dont le baptême est la porte. La
vie baptismale ne s’arrête alors jamais. Elle est sans cesse poussée en avant,
appelée à grandir. N’est-ce pas de cela dont nous avons réellement
besoin ? De chrétiens qui, jour après jour, grandissent dans leur foi,
grandissent en sainteté et oeuvrent pour ce monde meilleur, pour ce Royaume
promis le jour où Dieu nous a dit : « Tu es mon bien-aimé ; en
toi j’ai mis tout mon amour ! »
En ce jour où
nous voyons le Christ prendre totalement le chemin des hommes en recevant
lui-aussi le baptême de Jean, en ce jour où il nous est révélé comme Fils
bien-aimé, renouvelons notre propre attachement à ce Dieu qu’il nous a révélé
comme Père, ce Dieu qui fait de nous aussi ses enfants, parce qu’il nous aime
et qu’il attend de nous le même amour pour tout homme. Que la célébration du
baptême du Christ renouvelle en nous la grâce de notre baptême. Ainsi nous
pourrons vivre en peuple saint, témoin de ce que Dieu réalise pour nous, encore
aujourd’hui, par son Fils, dans la puissance de l’Esprit Saint. Amen.
(Dessin de Jean-François DECITTIGNIES, Mille dimanches et fêtes, Année A, Les Presses d'Ile de France)
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