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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 29 février 2020

1er dimanche de Carême A - 01er mars 2020

Dieu nous apprend l'homme.







Le temps du carême, que nous avons inauguré ce mercredi, veut nous permettre un retour à Dieu, une plus grande attention à sa Parole, une meilleure connaissance de lui et de nous. Pour chacun des dimanches à venir, je voudrais nous mettre à l’école de Dieu lui-même, car il est notre premier enseignant. C’est de lui que nous pouvons recevoir les réponses à nos grandes questions. En ce premier dimanche, Dieu nous apprend l’homme. Nous pourrions aussi bien dire : Dis-moi quel est ton Dieu, je te dirai qui tu es ! Cette affirmation est bien plus qu’une formule bien balancée ; elle est une partie de notre foi. Pour le chrétien, à cause de Jésus, l’homme et Dieu sont tellement liés, qu’il est impossible de parler de l’homme sans parler de Dieu. A tel point que l’on peut dire que Dieu nous apprend l’homme, et même qu’en Jésus, Dieu nous apprend à être vraiment homme. 

Cette pédagogie de Dieu a commencé dès le premier instant où l’homme a vu le jour. Nous croyons et affirmons que l’homme est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. L’homme possède donc en lui une parcelle de vie divine ; il possède au fond de lui l’image même de Dieu. Et pourtant, nous dit le livre de la Genèse, l’homme cherche à être comme Dieu. Première des créatures, placé au sommet de la création pour la conduire et la gouverner, voilà que l’homme veut plus. Le discours de l’Adversaire, tel que le présente le Livre de la Genèse dans l’extrait entendu aujourd’hui, laisse entendre que Dieu voudrait maintenir une distance entre lui et l’homme pour mieux le dominer, voire l’exploiter. Face à Dieu, l’homme ne serait pas vraiment libre. Trompé par le serpent, le voilà qui s’éloigne, qui sort du cadre de l’Alliance. Et il se découvre nu sans cette fidélité à Dieu, nu et vulnérable. Par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et par le péché est venue la mort, affirme Paul aux chrétiens de Rome. 

Dis-moi quel est ton Dieu, je te dirai qui tu es ! Heureusement que Dieu n’est pas l’homme ! Il aurait pu se mettre en colère, il aurait pu détruire sa création : il n’en fit rien ; il n’en fera jamais rien ! Dieu est tendresse et pitié, lent à la colère, plein d’amour. Il attendra le jour où l’homme reconnaîtra sa soif de Dieu ; il attendra le jour favorable pour tisser entre lui et l’humanité un lien d’alliance unique. Il nous faudrait ici relire toute la première alliance pour y découvrir cette patience de Dieu. Nous y découvririons aussi l’inconstance de l’homme, sa persistance à vouloir se couper de Dieu. A la fois l’homme reconnaît le lien étroit qui l’unit à Dieu, et à la fois il voudrait s’en défaire, tout en sachant que cela ne lui apportera rien de bon. Au bout du compte, Dieu offre son fils, Jésus. Il devient véritablement l’un de nous. En Jésus, l’homme et Dieu sont sur un pied d’égalité. En Jésus, l’homme trouve sa vraie dimension : celle d’un être aimant, capable d’aimer et capable d’être aimé. En Jésus, Dieu trouve sa véritable expression : il est celui qui permet à l’homme de se réaliser vraiment. De même que par la désobéissance d’un seul être humain [Adam] la multitude a été rendue pécheresse, de même par l’obéissance d’un seul [Jésus] la multitude sera-t-elle rendue juste, dit encore Paul aux Romains. 

Dis-moi quel est ton Dieu, je te dirai qui tu es ! Jésus a admirablement exprimé ce Dieu qu’il reconnaît comme son Père, celui qui l’a envoyé sauver le monde, au début de sa vie publique. Alors qu’il connaît les tentations propres à chaque homme, il s’appuie sur Dieu et sa parole pour résister à l’Adversaire. Le Dieu qu’il annonce est proche de l’homme ; il se fait nourriture pour lui. Le Dieu qu’il annonce est Sauveur de tous les hommes ; il prend soin de lui en toute occasion. Le Dieu qu’il annonce est plus fort que la mort et le péché ; il est le seul Dieu. L’Adversaire ne peut rien contre lui. Celui qui marche à la suite de Jésus, celui-là sert le même Dieu. Il est donc un homme libre, un homme qui sait poser les choix fondamentaux et orienter toute sa vie grâce à la Parole de Dieu. Il est certes pécheur, mais il se sait sauvé. Il reçoit de Dieu son humanité, il reçoit du Fils l’Esprit de sainteté. Il est pleinement homme parce que pleinement du côté de Dieu. La grâce de Dieu s'est répandue en abondance sur la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ, précise Paul dans sa lettre aux Romains.

Dis-moi quel est ton Dieu, je te dirai qui tu es ! En Dieu seul, l’homme trouve sa vraie dimension. Ce qu’il cherche au-dehors de lui, il le trouve paradoxalement lorsqu’il plonge au plus profond de lui. Il porte en lui la vie divine, enfouie au fond de son être. Elle resplendira véritablement le jour où il sera totalement uni à Dieu, en parfaite conformité avec sa Parole d’amour. Il sera Dieu lorsqu’il sera vraiment homme. Le Christ nous a ouvert le chemin : ce carême nous est donné pour choisir de le suivre à nouveau ; ce carême nous est donné pour retrouver en nous l’image de Dieu que le péché a obscurci. Avec Jésus, faisons le choix de Dieu ; avec Jésus, faisons le choix de faire grandir le Royaume ! AMEN.

(Tableau de Cranach l'Ancien, Adam et Eve, vers 1526, The Courtauld Gallery, Londres)

mercredi 26 février 2020

Mercredi des Cendres - 26 février 2020

Laissez-vous réconcilier par Dieu.






Comment bien vivre ce temps qui s’ouvre avec ce mercredi des Cendres ? Comment comprendre ce temps qui va nous mener à Pâques ? Il me semble important de nous poser ces questions pour donner à notre Carême sa vraie place et sa vraie signification. Car les souvenirs que beaucoup ont du Carême sont ceux d’un temps rude, marqué par de trop nombreux efforts à faire ; bref, il serait la version chrétienne des bonnes résolutions du Nouvel an, qui ne tiennent que le temps de les énoncer.  

Quand vous interroger des paroissiens habituels, les mots qui reviennent souvent, à propos du Carême, sont bien conversion, efforts, jeûne, prière et partage. Il ne s’agit pas de les nier, mais bien de comprendre que toutes ces choses sont de l’ordre des moyens pour un but bien plus grand : celui d’appartenir vraiment au Christ Sauveur. Le temps du Carême lui-même n’est qu’un moyen ; il n’est pas, et ne devrait pas être, un but en soi. Or très souvent, dans les communautés paroissiales, nous mettons plein d’énergie à préparer et à vivre le Carême, ce qui fait que nous arrivons épuisés aux fêtes de Pâques, qui, hormis les jours saints, sont célébrées de manières plus plates. Nous oublions que les fêtes de Pâques sont une longue période qui va jusqu’à la Pentecôte, soit une période bien plus longue que le Carême. 5 dimanches de Carême contre 7 dimanches de Pâques auxquels il faut ajouter donc la Pentecôte et les jours saints qui permettaient le passage du Carême à Pâques. Il n’y a pas photo : les chiffres eux-mêmes nous disent que l’important, le but, c’est Pâques et son mystère célébré sur cinquante jours. Le moyen d’y parvenir, c’est le Carême qui prépare nos cœurs à cette joie plus grande que tout. 

Or, il semble que, dans l’imaginaire du moins, ce qui compte pour beaucoup, c’est ce temps du Carême, ce temps où je vais me dépenser pour Dieu et pour les autres. Quelle communauté n’a pas établi son plan de bataille, son projet pastoral pour ce temps que nous inaugurons ? Cela ne me dérange pas, tant qu’il y a un plan plus grand encore pour le temps pascal, sinon nous faisons d’un moyen, un but en soi. Et surtout, nous nous concentrons trop sur tout ce que nous pourrions faire pour plaire à Dieu, sans vraiment laisser à Dieu le temps de nous plaire et de nous séduire à nouveau. Ecoutez la demande faite par Paul aux chrétiens de Corinthe ; il dit : Laissez-vous réconcilier avec Dieu. Il ne dit pas : réconciliez-vous avec Dieu. Autrement dit, il ne dit pas que la conversion serait de notre fait, le résultat de nos petits efforts, de nos prières plus ou moins acharnées, de nos jeûnes plus ou moins garnis. La conversion, c’est Dieu qui l’opère en nous, en nous réconciliant avec lui. Il est celui qui vient vers nous ; il est celui qui vient nous séduire à nouveau pour que nous choisissions de marcher en sa présence. Sa parole, au long de ce Carême, va éclairer nos vies grâce à l’immense amour qu’il a pour nous ; un amour qui ne juge pas, un amour qui ne revendique rien, si ce n’est de pouvoir nous aimer gratuitement, à volonté. Et c’est en nous faisant sentir son amour que Dieu nous convertit, nous gagne à son amour. Sentant à frais nouveau combien nous sommes aimés de Dieu, nous voudrons partager cet amour et le vivre avec d’autres. Nous comprendrons que notre vie peut être plus grande, que notre joie peut être plus parfaite, que notre amour peut s’appuyer sur l’amour de Dieu pour nous. Et nous comprendrons surtout que cet amour de Dieu pour nous ne viendra pas de tout ce que nous aurons décidé de faire pour lui, mais de la mort et de la résurrection de son Fils unique, Jésus Christ, notre Seigneur. Les fêtes de Pâques sont ainsi bien l’horizon de notre Carême, le but ultime. Car c’est bien le mystère de Pâques qui doit se déployer en nous et non les moyens que nous aurons pris pour y parvenir. Le Carême, c’est comme ce temps de marche qui nous mène au sommet de la montagne : il peut être rude, caillouteux, déprimant. Mais c’est bien quand nous arrivons au sommet de la montagne que nous comprenons que ce chemin n’était rien face à beauté que nous contemplons enfin. 

Laissez-vous réconcilier avec Dieu peut s’entendre alors comme une variante de laissez-vous approcher de Dieu, laissez-vous aimer de Dieu. Laissez son amour vous purifier, vous émonder. Ainsi, parvenus au pied de la croix, vous ne verrez là que son amour pour vous et vous deviendrez capables d’en témoigner, comme ont pu le faire les premières communautés croyantes au lendemain de Pâques. Ce carême, nous devons le considérer comme un temps de saisissement par le Christ de notre vie en vue de la mission qui échoie à chaque baptisé : témoigner du Christ vivant, répandre cette Bonne Nouvelle d’un Dieu qui s’est abaissé, a livré sa vie, pour que nous ayons une vie plus grande, une joie plus grande, pour que nous puissions goûter au salut que Dieu nous offre. Par le mystère de Pâques, Dieu veut sauver tous les hommes ; le Carême est le moyen qu’il nous donne déjà pour ressentir les premiers effets de cet amour ; et les moyens qu’il nous donne (jeûne, prière et charité) lui permettront d’agir en nous et de nous réconcilier avec lui. 

Ne nous trompons pas de cible, donc. Vivons ce temps de carême avec Dieu pour qu’il puisse agir en nous. Mais vivons-le tendus vers Pâques et la joie de son salut. Nous pourrons alors en vivre pleinement, Dieu lui-même nous ayant libérés de nos péchés et de nos démons. C’est la seule chose qui doit compter ! C’est la seule chose qui doit nous préoccuper ! Bon temps de Carême, immergés dans la grâce de Dieu. Amen.

dimanche 16 février 2020

6ème dimanche ordinaire A - 16 février 2020

Vous avez appris… Eh bien, moi, je vous dis...




            Je reconnais qu’il y a des jours où Jésus ne nous simplifie pas la tâche. Croire en Dieu n’est déjà pas évident en soi, mais quand Jésus semble venir tout compliquer, rien ne va plus. Habituellement, les prédicateurs vont s’évertuer à démontrer que, depuis que Jésus est venu, tout est plus simple. Les trop nombreux commandements de la Loi juive, il les réduit au double commandement de l’amour : aime Dieu, aime ton frère. Non seulement, il simplifie la Loi, mais en plus il la rend parfaite. Saint Augustin ne dira-t-il pas plus tard : Aime et fais ce que tu veux ? Mais alors que faire de l’Evangile de ce dimanche ? Il ne simplifie pas vraiment les choses ; il semble même durcir la Loi.



            Pour commencer, Jésus nous rappelle non seulement qu’il n’enlèvera rien à la Loi (pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi), mais il nous dit encore que celui qui rejettera un seul de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le royaume des Cieux. (Qui aime le jambon ou une bonne grosse tranche de lard, salé ou fumé, dans la une bonne choucroute ? Pourtant la loi dit : tu ne mangeras pas de porc ! Serons-nous donc tous les plus petits dans le royaume ?) Les spécialistes du Nouveau Testament nous diront alors que l’Evangile de Matthieu que nous lisons a été écrit pour des chrétiens originaires du judaïsme, et qu’en faisant ainsi relire la Loi par Jésus, Matthieu veut le situer dans la ligne de Moïse, celui par qui Dieu a donné la Loi à son peuple. Il en fait un nouveau Moïse qui pousse la Loi dans ses retranchements et l’accomplit parfaitement. Ils ont sans doute raison, mais pour nous, ça change quoi ? (ça change quoi pour notre lard ?) Peut-être juste que nous pouvons faire confiance à Jésus, que nous devons lui faire confiance et l’écouter quand il parle de la Loi et des Prophètes. C’est justement là que les choses se corsent.



            S’il a bien commencé par dire qu’il n’est pas venu abolir mais accomplir la Loi et les Prophètes, il continue en durcissant la Loi. Vous avez appris qu’il a été dit… Eh bien ! moi, je vous dis… Sa relecture est effrayante. La colère d’un homme est mise sur le même plan que le meurtre ; le fait de regarder une femme avec convoitise sur le même plan que l’adultère (ça marche aussi avec les hommes, au passage. Je le rappelle par souci d’équité et de parité) ; interdiction totale de faire de serments, ni par Dieu, ni par les hommes. En fait, à y regarder de près, ce que fait Jésus, c’est de dire que les regards et les paroles peuvent être aussi mauvais que les actes, et qu’il vaut donc mieux s’abstenir de paroles ou de regards mauvais, s’abstenir de regards et de paroles qui pourraient conduire au Mal. S’il durcit effectivement la Loi, il l’accomplit et nous permet de l’accomplir en nous montrant une autre voie : si tu ne veux pas tuer, ne commence même pas par te mettre en colère ; si tu ne veux pas commettre d’adultère, ne commence même pas par regarder quelqu’un avec envie ; si tu ne veux pas manquer à tes serments, n’en fais tout simplement pas. C’est renversant de simplicité. Et c’est là qu’il nous faut alors réentendre la dernière parole de Jésus dans l’Evangile de ce dimanche.



Que votre parole soit ‘oui’, si c’est ‘oui’, ‘non’, si c’est ‘non’. Ce qui est en plus vient du Mauvais. Il nous donne ici une clé pour vivre mieux nos rapports humains. Qui n’a jamais dit à quelqu’un : ce que tu as fait c’est bien ; ou alors tu es quelqu’un de bien ; et qui fait suivre l’affirmation d’un « mais » assassin. Ce que tu as fait, c’est bien, mais tu aurais pu… Tu es quelqu’un de bien, mais si tu changeais ceci… Ce qui fait dire que tout ce qui est avant le ‘mais’ n’est que du vent, une manière d’endormir l’autre pour être encore plus méchant avec lui après le fameux ‘mais’. Jésus dit : Oui, c’est oui, non, c’est non. Tout ce qui est en plus (ce qui vient avec le ‘mais’), vient du Mauvais.  Ça rend les rapports humains sans doute plus clairs, mais est-ce que cela nous simplifie les choses ? Nous aimons bien envelopper, enrober, contourner. (On a même inventé un mot pour cela : le politiquement correct : vous ne pouvez pas dire les choses, même vraies, parce que cela pourrait froisser quelqu’un). Jésus nous dit : soit franc, soit honnête, tout le temps. Que ta parole soit une et unique, comme la parole de Dieu lui-même puisque tu as en commun avec lui cette capacité. Que ta parole, comme la Parole de Dieu, ait du poids ; qu’elle ait du sens, un sens unique.



            Quand l’explication va jusque-là, nous nous rendons compte que l’enseignement de Jésus est cohérent et qu’il simplifie effectivement les choses en poussant la logique de la Loi jusqu’au bout. Ne fais pas de Mal, ni en actes, ni en paroles, ni en pensées. Supprime toute occasion de faire le Mal, de dire du Mal, de penser du Mal. En écoutant l’enseignement de Jésus après celui de Ben Sirac le Sage, nous comprenons que résister au Mal ou faire le Mal, c’est exercer notre liberté. Si tu le veux, disait Ben Sirac. Jésus dit : si tu ne veux pas faire le Mal, ne le pense pas, ne le formalise même pas par la parole. Tout ce que tu mets après ton oui ou ton non, c’est déjà le Mal qui s’insinue en toi. Nous savons que cet enseignement est juste et bon, puisque Jésus l’a signé par sa mort en croix.  Soyons tout au Christ, qui est tout à Dieu ; nous n’aurons, comme lui, qu’une parole et nous vivrons mieux. Amen.









  

samedi 8 février 2020

5ème dimanche ordinaire A - 09 février 2020

Un cadre et beaucoup de souplesse.






Comment évangéliser ? Comment rendre le Christ présent ? Comment donner envie de le suivre ? La liturgie de ce dimanche propose des réponses qui peuvent se résumer dans l’enseignement de Jésus à ses disciples (et non à la foule) : Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde. Tout est dit, et en même temps tout reste à faire. Parce qu’il n’y a pas une seule manière d’être lumière ou sel. Comment être sel et lumière dépendra du lieu où vous êtes, du moment où vous êtes, des personnes que vous rencontrez. C’est une question d’adaptabilité, de souplesse. Mais si les circonstances peuvent influer sur notre manière d’être sel et lumière, il n’en subsiste pas moins un cadre de départ. 

Ce cadre, le prophète Isaïe le donnait déjà à ses contemporains. N’oublions pas que la vocation d’Israël est d’être lumière qui attire à Dieu toutes les nations de la terre. Ce qu’il dit à son peuple est donc encore valable pour nous. Son enseignement est simple et concret : il est composé de deux volets. Le premier nous tourne vers les autres :  Partage ton pain avec celui qui a faim, accueille chez toi les pauvres sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable. Le second nous tourne vers nous-même, et nous appelle à une constante conversion : Fais disparaître de chez toi le joug (comprenons ce qui opprime l’autre), le geste accusateur, la parole malfaisante : voilà comment ta lumière se lèvera dans les ténèbres. Il ne s’agit pas seulement de bien agir avec ceux qui ont moins de chance que nous ; il s’agit aussi de chasser le Mal de notre vie, de refuser de le propager par une parole perfide ou des gestes qui enferment. C’est certainement plus compliqué parce que cela demande un travail sur nous-mêmes, une attention plus grande à nous-mêmes, à nos réactions, à nos émotions. Nous sommes souvent lestes à les dénicher chez les autres ; mais le prophète nous dit que c’est de notre vie qu’il faut chasser gestes méchants et paroles malfaisantes. Nous ne pouvons pas être lumière tant que nos actes et nos paroles excluront, blesseront, rejetteront, quand bien même nous aurions été blessés. D’où l’importance du pardon à demander et à accorder ; car personne ne peut se contenter d’un : « oh vous savez, c’est lui ; ce n’est pas grave s’il vous a insulté ou s’il parle mal de vous ; il est comme ça ! » Et je me rends compte alors d’une double réalité : je m’empêche moi-même d’être lumière du monde et sel de la terre en cédant au mal ; mais les autres aussi peuvent m’empêcher de l’être en m’enfermant dans l’image qu’ils se font de moi et qu’ils m’empêchent de décoller. Nous sommes responsables les uns des autres, nous sommes collectivement responsables d’être lumière du monde et sel de la terre. 

Paul donne un autre aspect de ce cadre que le prophète a commencé à poser : c’est l’humilité nécessaire pour présenter Jésus Christ. C’est dans la faiblesse, craintif et tout tremblant, que je me suis présenté à vous. Peut-être justement parce nous sommes responsables les uns des autres. Je ne dois ni imposer mon Dieu, ni attendre d’être parfait pour parler de lui ; je risquerai de n’en parler jamais. L’humilité me permet de me situer en vérité devant Dieu et devant les autres. Je peux alors entrer en conversation avec le monde, sans chercher à le convaincre. Témoigner n’est pas imposer, ni vouloir à tout prix convertir. Dieu seul convertit les cœurs par sa puissance et son Esprit. Je peux juste donner à voir ce qu’il fait déjà dans une vie d’homme, la mienne. Et je peux voir aussi tout ce qu’il lui reste à accomplir en moi ; d’où l’humilité nécessaire. 

Nous ne pouvons pas renoncer à être lumière du monde et sel de la terre. Il nous faut sans cesse demander la grâce de l’être plus, de l’être mieux. Et si notre péché et nos limites obscurcissent nos vies, souvenons-nous du pardon à célébrer. Dieu fera rejaillir la lumière dans nos vies ; il redonnera goût à notre sel. Ne nous empêchons pas de le redevenir ; n’empêchons pas les autres de le redevenir en les enfermant dans leurs limites et dans leurs faiblesses. Nous nous affadirions du même coup. Amen.




(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, éd. Les presses d'Ile de France)

samedi 1 février 2020

Présentation de Jésus au Temple - 2 février 2020

Jeunes et anciens au service de l'unique projet de Dieu.






            Il y a des histoires simples qui en disent long sur le projet de Dieu pour nous. Celle qui nous est racontée, à l’occasion de la fête de la Présentation de Jésus au Temple, est de celle-là. Elle peut se résumer à l’interaction entre un papa, une maman, un bébé, un homme âgé et une vieille femme.



            Un papa, une maman et un bébé d’abord. Ils montent à Jérusalem pour présenter [l’enfant] au Seigneur, selon ce qui est écrit dans la Loi. Ils ne font rien d’extraordinaire ; ils accomplissent juste les rites de leur foi, les rites de la Loi de Dieu. Ce faisant, ils rendent grâce à Dieu pour la confiance qu’il a placé en eux en leur confiant cet enfant, en leur confiant son enfant. Rendant grâce à Dieu, ce papa et cette maman confient aussi leur enfant à Dieu car, dit la Loi, Tout premier-né de sexe masculin sera consacré au Seigneur. Ces parents offrent à Dieu ce don que lui-même leur a fait ; ils lui offrent le fruit de sa promesse. Ce papa et cette maman ont cette certitude de n’être pas propriétaire de leur enfant ; ils n’oublient ni l’Annonciation, ni le songe durant la nuit, ces moments importants de leur jeune vie qui les voyait dire Oui au projet de Dieu, chacun leur tour. Ils savent qui est l’enfant qu’ils présentent ensemble à Dieu ; ils savent que, d’une certaine manière, ils permettent à cet enfant de rencontrer déjà son Père, le Père de tous les hommes. Quelque chose de neuf peut commencer ; le projet de Dieu annoncé est là, dans cet enfant présenté au Temple. Et Marie et Joseph semblent nous dire qu’ils sont prêts à poursuivre ce projet de Dieu, projet qu’ils savent projet d’amour puisque incarné dans cet enfant. L’histoire aurait pu s’arrêter là : ce papa et cette maman ont fait ce que demandait la Loi ; tout était bien, tout était dans l’ordre des choses.



            Mais voilà, il y a aussi cet homme âgé et cette vieille femme, au Temple. Nous les sentons tous deux poussés par l’Esprit Saint ; d’où leur présence au moment même où Marie et Joseph viennent accomplir les rites de la Loi. Ce n’est pas un hasard, c’est un signe. Il nous faut entendre l’éloge que fait Luc de ces deux personnages : Syméon, un homme juste et religieux, l’Esprit Saint était sur lui ; et Anne, servant Dieu jour et nuit, ne s’éloignant pas du Temple depuis son veuvage survenu très tôt (après sept ans de mariage). Cette admiration dit de quelle trempe ils sont ; de la trempe des grands hommes et des grandes femmes de la Bible. Un homme et une femme, âgés tous les deux, pleins de la sagesse que donnent la méditation de la Parole de Dieu et la prière des psaumes. Leur présence et leur action à chacun sont importantes dans le récit de ce jour. Par eux, Marie et Joseph reçoivent la confirmation de leur histoire sainte commencée à l’Annonciation. Par ces nobles vieillards, Marie et Joseph s’entendent dire qu’ils n’ont pas rêvé que Dieu leur parlait ; ils n’ont pas rêvé la filiation divine de leur bébé. Mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples, proclame le vieux Syméon, confirmant ainsi le sens du premier nom de l’Enfant : Jésus, le Seigneur sauve. Et Anne proclame les louanges de Dieu et parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance d’Israël. Si d’aventure nous doutions encore, voilà réaffirmée la mission de salut de cet enfant qui doit maintenant grandir. Avec Marie et Joseph, nous pouvons nous en étonner, c'est-à-dire être saisis par une parole qui bouleverse. Cette parole fait vivre et grandir, cette parole fait espérer et réjouit le cœur de ceux qui l’entendent : voici confirmé le deuxième nom de l’enfant : Emmanuel, Dieu-avec-nous ! Jamais cela n’a été aussi vrai qu’en cet enfant que Syméon tient en ces mains. Le vieillard a tout vu, il peut demander à Dieu de le laisser s’en aller en paix. Tout est en cours d’accomplissement !



            Un papa, une maman, un bébé, un homme âgé et une vieille femme ; tel était notre point de départ. A l’arrivée, nous avons la confirmation que le salut du monde est en marche, que Dieu est fidèle à ses promesses. Une nouvelle page s’ouvre dans l’histoire des hommes au point qu’on a pu présenter cette rencontre intergénérationnelle comme la rencontre entre l’Ancien et le Nouveau Testament, la rencontre entre les promesses faites par Dieu et celui qui va les accomplir toutes, pour le bonheur et la vie des hommes. Ce n’est pas une belle histoire pour enfant sage, c’est l’histoire des hommes, notre histoire, qui nous est ainsi rappelée. Avec Marie et Joseph, rendons grâce pour la naissance de Jésus ; avec Syméon et Anne, reconnaissons les merveilles que Dieu fait pour nous ; reconnaissons en cet enfant la lumière qui se révèle aux nations, la délivrance du peuple que Dieu se donne et dont nous sommes. Amen.