Le
temps du carême, que nous avons inauguré ce mercredi, veut nous permettre un
retour à Dieu, une plus grande attention à sa Parole, une meilleure
connaissance de lui et de nous. Pour chacun des dimanches à venir, je voudrais
nous mettre à l’école de Dieu lui-même, car il est notre premier enseignant. C’est
de lui que nous pouvons recevoir les réponses à nos grandes questions. En ce premier
dimanche, Dieu nous apprend l’homme. Nous pourrions aussi bien dire : Dis-moi
quel est ton Dieu, je te dirai qui tu es ! Cette affirmation est bien plus
qu’une formule bien balancée ; elle est une partie de notre foi. Pour le
chrétien, à cause de Jésus, l’homme et Dieu sont tellement liés, qu’il est
impossible de parler de l’homme sans parler de Dieu. A tel point que l’on peut
dire que Dieu nous apprend l’homme, et même qu’en Jésus, Dieu nous apprend à
être vraiment homme.
Cette
pédagogie de Dieu a commencé dès le premier instant où l’homme a vu le jour.
Nous croyons et affirmons que l’homme est créé à l’image et à la ressemblance
de Dieu. L’homme possède donc en lui une parcelle de vie divine ; il
possède au fond de lui l’image même de Dieu. Et pourtant, nous dit le livre de
la Genèse, l’homme cherche à être comme Dieu. Première des créatures, placé au
sommet de la création pour la conduire et la gouverner, voilà que l’homme veut
plus. Le discours de l’Adversaire, tel que le présente le Livre de la Genèse
dans l’extrait entendu aujourd’hui, laisse entendre que Dieu voudrait maintenir
une distance entre lui et l’homme pour mieux le dominer, voire l’exploiter. Face
à Dieu, l’homme ne serait pas vraiment libre. Trompé par le serpent, le voilà
qui s’éloigne, qui sort du cadre de l’Alliance. Et il se découvre nu sans cette
fidélité à Dieu, nu et vulnérable. Par un seul homme, le péché est entré
dans le monde, et par le péché est venue la mort, affirme Paul aux
chrétiens de Rome.
Dis-moi
quel est ton Dieu, je te dirai qui tu es ! Heureusement que Dieu n’est pas
l’homme ! Il aurait pu se mettre en colère, il aurait pu détruire sa
création : il n’en fit rien ; il n’en fera jamais rien ! Dieu
est tendresse et pitié, lent à la colère, plein d’amour. Il attendra le jour où
l’homme reconnaîtra sa soif de Dieu ; il attendra le jour favorable pour
tisser entre lui et l’humanité un lien d’alliance unique. Il nous faudrait ici
relire toute la première alliance pour y découvrir cette patience de Dieu. Nous
y découvririons aussi l’inconstance de l’homme, sa persistance à vouloir se
couper de Dieu. A la fois l’homme reconnaît le lien étroit qui l’unit à Dieu,
et à la fois il voudrait s’en défaire, tout en sachant que cela ne lui
apportera rien de bon. Au bout du compte, Dieu offre son fils, Jésus. Il
devient véritablement l’un de nous. En Jésus, l’homme et Dieu sont sur un pied
d’égalité. En Jésus, l’homme trouve sa vraie dimension : celle d’un être
aimant, capable d’aimer et capable d’être aimé. En Jésus, Dieu trouve sa
véritable expression : il est celui qui permet à l’homme de se réaliser
vraiment. De même que par la désobéissance d’un seul être humain [Adam] la
multitude a été rendue pécheresse, de même par l’obéissance d’un seul [Jésus]
la multitude sera-t-elle rendue juste, dit encore Paul aux Romains.
Dis-moi
quel est ton Dieu, je te dirai qui tu es ! Jésus a admirablement exprimé
ce Dieu qu’il reconnaît comme son Père, celui qui l’a envoyé sauver le monde,
au début de sa vie publique. Alors qu’il connaît les tentations propres à chaque
homme, il s’appuie sur Dieu et sa parole pour résister à l’Adversaire. Le Dieu
qu’il annonce est proche de l’homme ; il se fait nourriture pour lui. Le
Dieu qu’il annonce est Sauveur de tous les hommes ; il prend soin de lui
en toute occasion. Le Dieu qu’il annonce est plus fort que la mort et le
péché ; il est le seul Dieu. L’Adversaire ne peut rien contre lui. Celui
qui marche à la suite de Jésus, celui-là sert le même Dieu. Il est donc un
homme libre, un homme qui sait poser les choix fondamentaux et orienter toute
sa vie grâce à la Parole de Dieu. Il est certes pécheur, mais il se sait sauvé.
Il reçoit de Dieu son humanité, il reçoit du Fils l’Esprit de sainteté. Il est
pleinement homme parce que pleinement du côté de Dieu. La grâce de Dieu s'est répandue en abondance sur la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ, précise Paul dans sa lettre aux Romains.
Dis-moi
quel est ton Dieu, je te dirai qui tu es ! En Dieu seul, l’homme trouve sa
vraie dimension. Ce qu’il cherche au-dehors de lui, il le trouve paradoxalement
lorsqu’il plonge au plus profond de lui. Il porte en lui la vie divine, enfouie
au fond de son être. Elle resplendira véritablement le jour où il sera
totalement uni à Dieu, en parfaite conformité avec sa Parole d’amour. Il sera
Dieu lorsqu’il sera vraiment homme. Le Christ nous a ouvert le chemin : ce
carême nous est donné pour choisir de le suivre à nouveau ; ce carême nous
est donné pour retrouver en nous l’image de Dieu que le péché a obscurci. Avec Jésus,
faisons le choix de Dieu ; avec Jésus, faisons le choix de faire grandir le
Royaume ! AMEN.
(Tableau de Cranach l'Ancien, Adam et Eve, vers 1526, The Courtauld Gallery, Londres)