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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 30 octobre 2021

31ème dimanche ordinaire B - 31 octobre 2021

 Deux pour le prix d'un, vraiment ?




                
                S’il est une page d’évangile connue par la plupart, pour ne pas dire par tous les chrétiens, c’est bien celle que nous venons d’entendre ce matin en réponse à la question posée par un scribe : Quel est le premier de tous les commandements ? Et parce que cette page est très connue, nous prenons chaque fois le risque de ne pas vraiment l’écouter, et le risque plus grand encore de n’en pas écouter le commentaire. Je connais, je n’ai rien à apprendre de plus ! C’est aussi ce que je pensais en préparant cette homélie. Mais quelle erreur de ma part ! 

            La version que nous avons entendue est celle de Marc. Et elle possède une différence essentielle à mes yeux des versions de Matthieu et de Luc. Cette différence réside dans l’intention du scribe. Chez Matthieu et Luc, l’intention de celui (ou ceux) qui pose la question à Jésus est clairement d’embarrasser Jésus. Autrement dit, ce serait là une question piège. Parmi les six-cent-treize commandements de la Loi, quel est celui qui a la primauté sur les autres ? Quand l’homme réduit la foi à un ensemble de règles, il est presque normal qu’il s’interroge sur celui qu’il faut absolument respecter. Et selon votre sensibilité, la réponse diffèrera d’un homme à un autre. L’embarras recherché de la part des adversaires de Jésus devient évident : selon la réponse apportée, ils pourraient facilement lui dire qu’il a tout faux ! Chez Marc, il n’est pas question d’embarrasser le Maître. Au contraire, le scribe, ayant entendu la conversation de Jésus avec les Sadducéens, voyant que Jésus avait bien répondu, s’avança vers lui pour lui demander : Quel est le premier de tous les commandements ? Voilà un homme qui reconnaît la sagesse de Jésus et qui ose poser une question qui sans doute le travaille depuis un moment. Il s’adresse à Jésus, non pour l’embarrasser, mais pour trouver une réponse à son propre questionnement. Puisqu’il a bien répondu à ses interlocuteurs précédents, sans doute pourra-t-il lui répondre aussi bien. Il nous faut oser pareillement interroger Jésus sur ce qui est essentiel, ne serait-ce que pour ne pas le perdre de vue. Nous avons pu constater, en ce mois d’octobre, ce que cela donne quand on perd de vue l’essentiel. C’est toujours catastrophique ! Cela signifie aussi que c’est cet essentiel qu’il nous faut toujours retrouver en cas de crise, car là se trouve notre salut. 

            La réponse de Jésus sonne alors comme un deux en un : l’interlocuteur voulait un commandement, Jésus lui en donne deux. Mais peut-on vraiment réduire la réponse de Jésus à une offre commerciale : parce que c’est toi, parce que ta recherche est sincère, je t’en offre un deuxième, en cadeau ? Deux pour le prix d’un ou un avec deux faces ? Il faut nous plonger dans la Première lettre de Jean pour trouver la seule interprétation possible de la réponse de Jésus. C’est bien un seul commandement qui possède deux faces, deux mouvements. Les versets vingt et vingt-et-un du chapitre quatre de cette première lettre de l’Apôtre que Jésus aimait dit ceci : Si quelqu’un dit : ‘J’aime Dieu’ et qu’il déteste son frère, c’est un menteur ; celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne saurait aimer Dieu qu’il ne voit pas. Oui, voilà le commandement que nous avons reçu de Lui : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère. Nous ne pouvons pas séparer ce double mouvement de l’unique obligation d’aimer. Pour un chrétien qui croit que Dieu s’est fait homme en Jésus, et que Jésus est vrai Dieu et vrai homme, cela est encore plus impossible que pour tout autre homme, croyant en Dieu ou non. Nul ne saurait dire : J’aime Jésus, vrai Dieu, parce qu’il nous sauve par sa mort et sa résurrection ; mais Jésus vrai homme, cela m’est impossible ! Son habitude de s’adresser à tous les hommes, même aux étrangers, même aux pires pécheurs, ses discours par lesquels il nous demande d’aimer nos ennemis, de tendre l’autre joue à celui qui nous frappe… cela est inaudible, cela est impossible à vivre ! Laissons tomber l’homme, ne prenons que le Dieu ! Ben non, pas possible. De même que tu ne peux pas séparer Dieu et l’homme en Jésus, de même tu ne peux pas séparer l’Amour que tu portes à Dieu de l’Amour que tu dois porter aussi aux hommes, à tout homme que Dieu met sur ta route. Le scribe qui interrogeait ne s’y trompe pas : Fort bien Maître, tu as dit vrai ! Comme le souligne Matthieu dans sa version, toute la Loi et les prophètes sont contenus dans ce double mouvement d’un unique Amour. Ce n’est même pas une invention de Jésus ; c’est juste la répétition du catéchisme en une réponse bien concentrée, bien calibrée. Vous pouvez relire, durant les longues soirées d’hiver qui s’installent, tout le Premier Testament pour vous en rendre compte. 

            En redisant à ce scribe ce qui est fondamental et incontournable, Jésus s’adresse aussi à chacun de ces disciples ; il nous adresse cette réponse aujourd’hui. A chacun de décider ce qu’il en fait ; mais pour être disciple du Christ, même et surtout en ce temps de crise à l’intérieur de l’Eglise, c’est à ce commandement à double mouvement qu’il nous faut revenir. Nous ne pourrons jamais en faire l’économie ; nous ne pourrons jamais nous en affranchir. Dieu est l’Unique et il n’y en a pas d’autre que lui. L’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices. Si nous nous en tenons à cela, plus aucun abus, d’aucune sorte, ne devient possible. A ceux qui croient cela et qui cherchent à le vivre sincèrement, il est donné à entendre la parole dernière de Jésus à ce scribe : Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu. Amen. 

samedi 23 octobre 2021

30ème dimanche ordinaire B - 24 octobre 2021

 Avec Bartimée, trouver un chemin de sortie de crise.



(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, Mille dimanches et fêtes, Année B, éd. Les Presses l'Ile de France)




            S’il y a une chose que je crois par-dessus tout, c’est que Dieu parle aux hommes de notre temps comme il a parlé jadis par ses prophètes et par son Fils Jésus. Dieu n’a jamais cessé et ne peut cesser de nous parler. Lorsque je regarde ce mois d’octobre qui lentement va vers sa fin, je me rends compte qu’il nous a parlé fortement ces derniers jours. Relisons ces quelques semaines, voulez-vous ? 

Le premier dimanche du mois, il nous a rappelé le projet de Dieu sur le couple (que l’homme et la femme s’attachent l’un à l’autre et ne soient plus qu’une seule chair) ainsi le projet de Jésus concernant les enfants : il les embrassait (montrant ainsi la tendresse de Dieu à leur égard) et les bénissait en leur imposant les mains. Suite à ce dimanche, il y a eu ce terrible rapport de la CIASE qui, n’en doutons pas, est bien une parole de Dieu sur l’Eglise et ses limites. Nous avons tous été choqués de constater à quel point le projet de Jésus pour les enfants avait été bafoué et nié : des enfants n’ont pu faire ni l’expérience de la tendresse de Dieu, ni celle de sa bénédiction sur eux à cause d’un système qui a rendu l’Eglise complaisante et complice, empêchant le Mal qui la rongeait de l’intérieur d’être dénoncé. Le dimanche suivant, nous avons entendu le psalmiste nous inviter à l’espérance : rassasie-nous de ton amour au matin, nous rappelant qu’au plus profond de nos ténèbres, Dieu refait toute chose nouvelle. Dimanche dernier, nous avions une belle leçon de choses concernant l’exercice du pouvoir, qui ne peut être, entre les disciples de Jésus, à l’image de ce qui se fait parmi les grands de ce monde. Il ne saurait être question de pouvoir entre les disciples du Christ, il n’y a que des services à rendre. Les voies d’une sortie de crise étaient lentement tracées par Dieu lui-même dans ces extraits. Aujourd’hui, il nous parle encore et ouvre grand la porte vers un au-delà, vers quelque chose de neuf. Il nous faut l’entendre. Ce que certains ont vécu hier, ce que nous vivons aujourd’hui, Bartimée l’a vécu. Et son histoire nous indique la voie vers cet au-delà, vers ce mieux qui est possible, si nous le voulons. 

Nous retrouvons, dans cette page d’évangile, tous les ingrédients de cette crise que nous traversons depuis le cinq octobre. Il y a là un homme qui souffre et qui crie sa détresse, Bartimée ; il y a ceux qui veulent le faire taire, comme s’il y avait une sorte d’indécence à crier sa souffrance vers Dieu. Et il y a Jésus, l’homme de la compassion, l’homme de la miséricorde, l’homme qui entend celui qu’on veut faire taire, malgré une foule nombreuse autour de lui. Ceux qui pensaient qu’il ne fallait pas déranger le Maître pour si peu sont court-circuités par Jésus lui-même : Appelez-le ! La souffrance doit être dite, la parole doit être entendue. Et Jésus vient libérer la parole de Bartimée : Que veux-tu que je fasse pour toi ? Il pourrait bien se douter de ce que Bartimée, l’aveugle qui mendiait, désirait plus que tout : Que je retrouve la vue. Cette expression est nécessaire et pour Bartimée et pour la foule et pour Jésus, parce que au-delà de la guérison physique, il y a aussi la guérison sociale et la guérison religieuse : voyant, il ne sera plus obligé de mendier ; voyant, il fera partie pleinement du monde des vivants ; voyant, il sera réintégré à la communauté croyante. Il ne sera plus mis de côté, sommé de se taire et de souffrir en silence ! Dans la version johannique de cette rencontre entre Bartimée et Jésus, l’auteur va même jusqu’à faire comprendre que sont aveugles ceux qui refusent de constater le signe posé. 

Ils ont été nombreux, trop nombreux, les Bartimée que nous avons voulu faire taire au cours des années. Ils sont nombreux, les Bartimée qui ont exprimé leur souffrance et il nous faut les entendre encore. Elle était aveugle à son tour, l’Eglise qui n’avait pas voulu voir, qui n’avait pas voulu entendre, qui n’a pas su défendre. Mais en demandant ce rapport, elle a aussi montré qu’elle pouvait se mettre à nouveau à l’écoute du Christ, à l’écoute de ces petits qui sont les frères du Christ. Elle a commencé à ouvrir les yeux, mais elle doit encore crier vers Jésus : Fils de David, prends pitié de moi. L’Eglise sera guérie, non parce qu’elle le décidera, mais parce que le Christ répondra à sa prière insistante, parce que le Christ indiquera la voie meilleure. A nouveau, elle pourra suivre le Christ qu’elle avait perdu de vue en ne voyant pas cette souffrance, en taisant ce scandale. 

Le cri des victimes est parvenu jusqu’à Dieu ; la honte de l’Eglise a été exposée. Nous sommes tous invités maintenant à la confiance ; l’Esprit de Dieu saura inventer les chemins de réparation ; l’Esprit Saint fera retrouver le chemin de sainteté. Il nous faut l’écouter ; il nous faut le suivre là où il veut nous emmener. Ce ne sera peut-être pas aussi simple que pour Bartimée, mais au bout, il y aura la même joie, la joie de pouvoir suivre à nouveau le Christ vivant. Amen.

samedi 16 octobre 2021

29ème dimanche ordinaire B - 17 octobre 2021

 Que nous faut-il de plus ?





            Nous avions tout : un exemple à suivre, un enseignement clair, mais cela n’a pas empêché que certains comprennent mal et commettent le mal en abusant d’un pouvoir supposé le leur. Que leur fallait-il de plus ? Ce qui est arrivé à Jacques et à Jean, n’était-ce donc pas suffisant ? 

            Regardons de près, surtout que pour une fois, ce n’est pas Pierre qui se prend les pieds dans le tapis. Nul ne sait, à ce stade de l’évangile de Marc, quelle mouche a piqué les fils de Zébédée pour qu’ils aient l’audace d’une telle demande : Donne-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire. Reconnaissons-le, il fallait oser ; ils savent ce qu’ils veulent et ils savent le faire savoir. Matthieu, dans son évangile, s’est montré plus prudent, lui qui attribue la demande à un réflexe de mère qui cherche à placer ses fils. Sans doute un peu trop possessive, sans doute un peu trop admirative des fruits de ses entrailles, elle a voulu leur assurer un avenir, et peut-être à elle-aussi, ses bons fils ne l’oubliant certainement pas lorsqu’ils seront là où elle les voit déjà. Dans les deux cas, que ce soit une ambition personnelle mal placée ou un désir de parents mal ajusté, la réponse est la même : Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ? Jésus ne renvoie pas à sa gloire, mais à ce qui va précéder sa gloire, la coupe qu’il devra boire jusqu’à la lie, son élévation sur la croix et sa mort abjecte. A tous ceux qui veulent se pousser du col et revendiquer un quelconque pouvoir, une quelconque préséance, est rappelé que le chemin de la croix précède, voire conditionne, le chemin de la gloire. Jacques et Jean auront l’un, sans être assurés pour autant des places qu’ils revendiquaient. C’est ce qu’on appelle se faire avoir en beauté. Faut-il les plaindre ? 

            Je pense qu’il nous faudrait plutôt les remercier, car leur demande saugrenue nous vaut à tous un enseignement clair de la part de Jésus sur les jeux de pouvoirs. Si ces derniers ont cours auprès des puissants (ceux que l’on regarde comme chefs des nations les commandent en maîtres ; les grands font sentir leur pouvoir), si donc cela est vrai pour la société civile, Jésus avertit sans ambages : Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous. Il n’y a pas à chercher quelle loi est supérieure à l’autre ; il y a à comprendre que la réalité n’est pas la même. Dans un même monde, deux manières d’exercer le pouvoir : par la force (ce que font les chefs des nations et ceux qui veulent le rester) ; par le service, ce que doivent faire tous les disciples du Christ. Le seul abus qui devrait nous faire rivaliser est l’abus d’humilité, l’abus de service. Et de ce côté-là, il n’y a vraiment aucun risque que quelqu’un abuse. Parce que celui qui sert véritablement n’abuse pas des autres ; celui qui sert véritablement ne s’impose pas aux autres ; celui qui sert véritablement, met l’autre en avant de lui ; il le respecte en toutes choses, s’oubliant lui-même dans le service à accomplir. 

            Pourquoi ne peut-il en être qu’ainsi dans l’Eglise ? La réponse nous vient encore de Jésus : le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. La raison à cet impératif de service n’est pas pratique ; elle n’en est pas davantage technique. Elle est théologique : Dieu agit ainsi avec nous en son Fils Jésus. Si Dieu lui-même sert l’homme au point d’offrir sa vie pour lui, comment l’homme, qui n’est pas Dieu, pourrait-il ne pas servir l’humanité ? Il est impossible de se réclamer du Serviteur parfait sans se faire serviteur à notre tour. Il aurait dû être impossible d’abuser qui que ce soit en se présentant comme serviteur du Christ Jésus. Mais peut-être avaient-ils mal compris la notion de service jusqu’au don de sa propre vie, ceux qui ont sacrifié la vie d’innocents ! 

            Ils avaient tout pour bien comprendre, et pourtant certains se sont fourvoyés, entrainant l’Eglise tout entière sur la pente glissante du déni et de l’irrespect du plus petit. Nous avons tout aujourd’hui, et bien plus encore qu’auparavant, puisque nous avons la connaissance de l’innommable. Qu’allons-nous faire ? Allons-nous nous réfugier derrière un « ce n’est pas moi, ce sont les autres » ? Derrière un « Oui, mais ça, c’était avant » ? ou encore derrière un « Oui, bon, mais ailleurs ça s’est fait aussi, et en pire » ? Ou bien allons-nous ensemble retravailler cette théologie du service qui doit être notre ligne de conduite et notre fierté ? Baptisés, quelle que soit notre place dans l’Eglise, nous avons comme vocation première celle d’être serviteur du Christ et de nos frères. Si nous désirons être saints, il ne nous faut rien de plus que de désirer et d’être vraiment serviteurs de tous, pour un monde meilleur, pour une Eglise toujours plus sûre. Amen.

dimanche 10 octobre 2021

28ème dimanche ordinaire B - 10 octobre 2021

 Rassasie-nous de ton amour au matin.





        Comment prêcher encore après que le tsunami provoqué par le rapport de la CIASE ait tout emporté ? Comment prendre la parole quand il semble qu’il ne reste rien d’audible de la part de l’Eglise ? Comment annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus Christ quand tant de prêtres l’ont détournée pour commettre l’inadmissible en toute impunité ? Cette parole dont nous faisons notre délice, semble soudain bien amère ; nous expérimentons ce que souligne l’auteur de la lettre aux hébreux : la Parole de Dieu est plus coupante qu’une épée à deux tranchants. Partirons-nous en pleurant comme le jeune homme de l’évangile ? 

            En voilà un dont la Parole de Dieu faisait les délices également. Il cherche Dieu, réellement ; il vit de la Parole de Dieu, réellement. A Jésus qui lui rappelle les commandements, il répond, honnêtement : Maître, tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse. Et nous pouvons le croire. Comme nous pouvons croire sincère sa recherche de plus. Cette Parole à vivre dans l’Alliance au Dieu unique et vrai lui semble ne pas combler tout-à-fait son attente, sa recherche spirituelle. Ce n’est pas un extrémiste, mais juste quelqu’un qui a compris que la Parole, quand elle va jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles, creuse toujours davantage la soif de l’homme. Il recherche une perfection dans l’expression de foi. Il veut être assuré d’avoir la vie éternelle en héritage. Remarquez l’admiration de l’évangéliste qui note sobrement : Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. N’est-ce pas déjà avoir la vie éternelle en héritage que d’être aimé par Jésus ? En un verset, Marc nous dit que Jésus reconnaît que cet homme qui est venu vers lui, ne feint pas. Il est vrai dans sa recherche ; il est vrai dans sa pratique religieuse. Et puisqu’il cherche plus, Jésus lui propose un pas de plus, le pas ultime : Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis vient et suis-moi. Une radicalité évangélique qui ne vise pas la destruction de l’autre, mais une purification personnelle pour mieux suivre Jésus. Elle se traduit par les épousailles avec Dame Pauvreté. Autrement dit, ne s’attacher à rien pour mieux suivre Jésus. Certains pourraient croire que Jésus annonce deux choses : 1. Vendre ce qu’il a ; et 2. Suivre Jésus. Mais en fait, il s’agit d’une seule et même chose : se détacher de tout pour pouvoir suivre Jésus. Pour le dire autrement : à eux dont la simple observance de la Loi de Dieu ne suffit pas, il est proposé l’abandon total en Jésus. Ce n’est pas l’unique voie : Jésus lui a bien rappelé l’ordinaire des choses à faire pour avoir la vie éternelle en héritage (le respect des commandements). Et cette voie extrême n’est pas faite pour tout le monde : le jeune homme s’en alla tout triste, et Jésus ne le retient pas ; il ne lui propose pas de discount ! Il le laisse partir. Ainsi est l’amour de Jésus pour nous ; il ne nous force pas, il ne nous retient pas. Mais il nous attend, toujours. 

            Face au scandale qui a éclaté, certains sont tentés de partir : un seuil inacceptable a été franchi avec ces crimes ; on ne peut plus suivre. D’autres font le choix de la disjonction : Jésus oui (on continuera de l’aimer, de le prier) ; son Eglise, non. Il ne s’agit pas de juger ; c’est un constat, basé sur les nombreuses réactions après la publication du rapport de la CIASE et largement rendues public par les médias. C’est un fait. Je veux croire qu’il existe cependant une autre voie, celle empruntée par le psalmiste, qui consiste à dire : rassasie-nous de ton amour au matin. Au matin, c’est-à-dire quand toutes choses sont faites nouvelles après la nuit et les ténèbres. Je comprends ce verset du psaume 89 (90) comme la nécessité de reconnaître que nous sommes dans les ténèbres ; et il nous faut les accepter. Il nous faut accepter la honte qui les accompagne ; il nous faut accepter une part de silence qui s’impose à nous devant l’énormité des choses révélées. Mais il nous faut espérer en même temps que Dieu saura refaire toutes choses nouvelles t le prier de faire ainsi ; il nous faut croire qu’à la nuit du péché succède l’aurore d’un jour nouveau, l’aurore d’une réconciliation. Alors l’amour que Dieu nous porte nous rassasiera à nouveau. Ce temps des ténèbres n’est pas un temps sans Dieu, bien au contraire. Il doit être un temps pour retrouver le goût de cette Parole qui nous fait discerner ce qui est bon et rejeter ce qui est mal. C’est un temps pour revenir au B.A.-BA de notre foi pour retrouver l’essentiel et être capable de suivre à nouveau, joyeusement, celui qui a offert sa vie pour nous, Jésus le Christ, au sein de l’Eglise, le peuple qu’il rassemble pour le conduire à son Père. 

            L’opprobre est tombée sur l’Eglise ; c’est un fait. Le contraire eut été surprenant. Cela nous rend mal à l’aise ; c’est plutôt heureux. Cela signifie bien que nous ne sommes pas hors-sol ; nous ne sommes pas indifférents à ce qui est arrivé. Et surtout nous cherchons à changer les choses ; nous cherchons à changer nous-mêmes. L’histoire de l’Eglise a été ternie par ce péché de quelques-uns ; mais l’histoire de l’Eglise est riche de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants qui ont fait progresser l’humanité. Nous pouvons choisir d’être de ceux-là pour que resplendisse à nouveau le visage de l’Eglise quand elle est fidèle à sa mission. Alors le monde entier sera rassasié de l’amour du Seigneur. Alors nous passerons à nouveau nos jours dans la joie et les chants. Amen.

samedi 2 octobre 2021

27ème dimanche ordinaire B - 03 octobre 2021

 Quand rien ne va plus, en revenir au projet des origines, toujours.


(Tableau de Soeur Mary-Luke, S.S.A., Jésus bénissant les enfants, 1950, 
Centre historique des Soeurs de Sainte Anne, Montréal, Québec)


        J’ai bien conscience que nous vivons un dimanche particulier cette année, suivi d’une semaine difficile dont j’espère qu’elle ne se reproduira plus à l’avenir. Ce dimanche particulier, c’est le dimanche où nous allons prier pour toutes les victimes d’abus sexuels dans l’Eglise ; la semaine difficile, c’est la semaine où sera révélée par la CIASE, l’ampleur du désastre. Nul doute que nous serons secoué tant la mise en lumière sera crue. Mais c’est la responsabilité de l’Eglise dans sa totalité d’affronter cette vérité pour qu’elle puisse retrouver une crédibilité que d’aucun dise perdue. Il me semble alors heureux que la liturgie de ce vingt-septième dimanche nous fasse comprendre ce qu’il convient de faire quand ce que nous vivons ne correspond plus au projet initial de Dieu. 

            Je suis toujours surpris que, pour mettre à l’épreuve Jésus, le chantre de l’amour, les pharisiens osent l’interroger sur ce qu’il convient de faire quand l’amour ne fonctionne plus. Car pour quelle autre raison un mari pourrait-il bien vouloir renvoyer sa femme ? Il ne l’aime plus ou il en aime une autre davantage, et comme il ne peut avoir les deux, il se débarrasse de celle qu’il aime moins.  Par souci de parité, je rappelle à toutes fins utiles que, de nos jours, cela peut aussi fonctionner dans l’autre sens, à savoir la femme qui se débarrasse de son mari. Cela montre bien les progrès de la société. Enfin bref, ne nous égarons pas. Jésus renvoie ses adversaires du jour à la Loi de Moïse qui a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. Mais il ne se contente pas de cela. Il rappelle qu’il y avait un projet de Dieu qui est tout autre que ce que Moïse a permis en raison de la dureté du cœur des hommes. Et ce projet était un projet d’amour éternel, d’amour qu’on ne peut pas rompre, à cause de l’engagement de Dieu dans toute cette histoire. 

            Nous l’avons entendu, dans l’extrait de la Genèse : Dieu donne à l’homme une femme, os de ses os, chair de sa chair, c’est-à-dire son égale, différente mais complémentaire. A cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. A cette citation directe du Livre de la Genèse, Jésus ajoute aussitôt : Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! Quelqu’un peut-il en effet se défaire de la moitié de lui ? Aussi dure que semble être la parole de Jésus, il nous faut l’entendre. Si le mariage n’était qu’un contrat entre des humains, nous pourrions satisfaire à la règle des humains qui reviennent sur leur parole quand ils n’en sont plus satisfaits. Mais puisque la moitié de ce Un que forment les époux est un don de Dieu, comment dire à Dieu : reprends ton don ? Comment dire à Dieu que sa parole d’alliance, il doit la reprendre ? Aucun homme n’a ce pouvoir. 

            Il nous faut alors entendre de la même manière la suite du texte qui concerne les enfants. Des gens présentaient à Jésus des enfants pour qu’il pose la main sur eux. Quiconque a un peu de culture biblique aura reconnu dans ce geste de « poser la main sur », le geste de bénédiction. Jésus ne s’y trompe pas, lui qui finit par bénir ces enfants. Ceci appelle une première remarque : sans doute, dans l’histoire, aura-t-on confondu « poser la main sur… » en vue de bénir, et « mettre la main sur… ». Ce n’est pas la même chose exprimée autrement. Mettre la main sur quelqu’un, c’est vouloir le posséder. Et cela, ce n’est pas possible. Personne ne peut posséder quelqu’un, pas même un enfant. L’enfant n’est pas à posséder, l’enfant est à protéger, en lui accordant la bénédiction de Dieu, c'est-à-dire une parole bonne au nom de Dieu, pour lui dire la tendresse de Dieu et sa bienveillance à son égard : d’où le fait que Jésus les embrasse. Certains voudraient sans doute, pour prévenir d’autres abus, qu’il n’y ait plus d’enfants à proximité de l’Eglise ou des membres de l’Eglise. Ce n’est pas le projet de Jésus, au commencement. Quand les disciples cherchent à repousser les enfants, Jésus se fâcha et leur dit : Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Si le royaume de Dieu est promis à tous ceux qui leur ressemblent, sans doute est-ce là une indication que les enfants n’y risquent rien, que c’est un lieu sûr pour eux. Et de fait, si tel est le royaume de Dieu, telle doit être l’Eglise dès ici-bas : un lieu sûr pour les enfants, un lieu où les enfants reçoivent une bénédiction et donc l’assurance d’être protégés et accueillis par Dieu. Que des prêtres, des sacristains, des organistes… aient pu abuser des enfants et détruire ainsi leur avenir doit nous être insupportables à tous. Et l’engagement à veiller à ce que cela n’arrive plus doit être notre combat commun. En cela, le rapport, qui sera remis mardi aux évêques qui l’ont commandé, est une étape essentielle dans la reconnaissance de la souffrance des victimes, de la juste réparation qui leur est due, et d’un engagement ferme de nous tous, de veiller davantage encore à la sureté de tous dans tous les lieux d’Eglise. Plus jamais ça ! 

            Le retour au projet initial de Dieu pour les hommes, les femmes et les enfants doit toujours être notre horizon et notre engagement permanent. Rien ne doit nous détourner de ce projet. Dans la réalisation de ce projet se trouve notre salut. Et seulement là, car Dieu ne bénit que le bien fait. Tout le reste est à condamner, fermement. Amen.