Faire route avec Jésus et reconnaître en lui Celui qui vient au nom du Seigneur.
Armés des seules armes de la prière, du jeûne et de la charité, nous avons choisi, au long de ce carême, de faire route avec Jésus pour mieux le connaître, mieux l’écouter, pour apprendre de lui la joie et le pardon et avec lui, être capables d’affronter le Mal. Cette route de carême nous mène à ce dimanche, à cette semaine si particulière qui nous permettra, presque jour par jour, de revivre avec Jésus les derniers moments de sa vie. en ce dimanche des Rameaux, nous ont été donnés d’entendre deux passages de l’évangile de Luc : l’entrée solennelle du Christ à Jérusalem et les événements qui ont conduit à sa Passion, accomplissement de sa mission, Heure pour laquelle il est entré dans le monde. Forts de tout ce que nous avons découvert durant ces semaines de préparation, nous pouvons encore faire route avec Jésus pour mieux entrer encore dans ce mystère de l’amour qui se donne jusqu’au don de la vie et reconnaître en Jésus Celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur. Je vous propose trois modèles pour parvenir à cette reconnaissance.
Le premier modèle, ce sont d’évidence les disciples de Jésus, pas uniquement les Douze qui d’ordinaire l’accompagnent, mais la foule des disciples, remplie de joie qui disaient : Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! Dans l’évangile, ce ne sont pas tous les habitants de Jérusalem qui acclament le Christ, mais seulement ses disciples, nombreux à Jérusalem pour les fêtes de la Pâque. Comment en sont-ils arrivés à proclamer ainsi que Jésus est le Messie attendu ? En faisant le chemin que nous avons fait durant cinq semaines. Certains d’entre eux l’ont fait depuis plus longtemps, d’autres sont peut-être des disciples récents, mais tous, à la vue des signes, à l’écoute de ses enseignements, ont senti que cet homme-là n’était pas comme les autres, que ce rabbi-là avait un enseignement qui faisait autorité. Nus dirions aujourd’hui qu’il a touché leurs cœurs. Ils ont assemblés les pièces du puzzle, ils ont comparé ce qu’ils ont vu et entendu avec ce que les prophètes avaient annoncé, et ils en ont tiré l’unique conclusion possible. S’il fait parler les muets, marcher les paralysés, voir les aveugles, entendre les sourds et ressusciter les morts, alors il n’y a pas de doute, c’est lui. C’est toujours encore cet itinéraire qui est proposé à ceux qui veulent devenir disciples et prendre au sérieux la Parole de Dieu : venir à la suite de Jésus et voir, comprendre par eux-mêmes ce qui se joue quand Jésus entre dans la vie de quelqu’un.
Le deuxième modèle, c’est Paul, qui nous expliquait avec un peu plus de hauteur le mystère de notre salut qui s’accomplit dans ce double mouvement de l’incarnation de Jésus dans notre humanité et de la rédemption offerte par l’offrande de sa vie sur la croix. Dans ce bel hymne aux Philippiens, il condense pour les croyants tout ce qu’il y a à savoir et à retenir sur Jésus : Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Voyez la prévenance de Dieu qui offre son Fils ; voyez l’amour de ce Fils qui se défait de sa condition divine pour partager notre condition humaine. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. Jésus n’a pas joué à être homme ; notre condition humaine, il l’assume jusqu’au bout, jusqu’à la mort, si abominable soit-elle. Nous avons là la trace de quelqu’un qui a réfléchi longuement au sens de ces événements que nous revivrons cette semaine. C’est un pasteur qui parle, un pasteur qui ne veut pas que ceux qui découvrent le Christ à travers le témoignage des autres, ne soient découragés quand vient le temps de la Passion. Ce que nous allons revivre, ce n’est pas un enchainement malheureux de circonstances malheureuses menant à la mort d’un homme innocent ; ce que nous allons revivre, c’est la force du mystère d’amour du Père qui veut sauver sa création par l’obéissance absolue de son Fils qui se livre pour l’accomplissement plein et entier de ce projet. Quand Dieu sauve l’homme, il ne le fait pas de l’extérieur, mais de l’intérieur même de notre humanité, par ce Fils qu’il a offert aux hommes. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : ‘Jésus Christ est Seigneur’ à la gloire de Dieu le Père. Une invitation à voir au-delà des événements, à entrer dans le projet global de Dieu. Les événements dont nos évangiles se sont faits l’écho, ne sont qu’un moment de ce projet. Nous devons garder confiance au pied de la croix. Nous n’avons pas fait tout ce chemin à la suite du Christ pour le voir mort ; nous n’avons pas fait tout ce chemin pour rien. Nous ne sommes pas devenus chrétiens en vain.
Curieusement, c’est le troisième modèle qui, bien que n’ayant pas connaissance de la totalité de ce projet expliqué par Paul, le confirme en le précédant. Ce troisième modèle, c’est celui que la Tradition appelle « le bon larron », et que l’évangile de Luc connaît comme l’un des malfaiteurs suspendus en croix avec Jésus. Nous ne savons pas s’il a entendu parler de Jésus avant d’être arrêté et condamné, mais une chose est sûre : il a fait le même chemin que Jésus, portant lui-aussi sa croix depuis sa cellule jusqu’au Calvaire. Il nous rappelle qu’il est possible aussi de rencontrer le Christ sur le chemin de nos souffrances, sur le chemin de nos égarements, sur le chemin de notre péché. Il nous dit surtout qu’il n’est jamais trop tard pour se convertir et que tant qu’il nous reste un souffle de vie, du plus profond de notre misère, nous pouvons encore crier vers le Christ : Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. Et nous goûterons alors, comme lui, la miséricorde infinie de Dieu qui nous répondra : Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. Ce n’est pas juste une parole de consolation pour celui qui affronte la mort ; c’est le rappel de notre destinée : nous sommes faits pour vivre, et pour vivre avec et en Dieu pour toute éternité.
Trois modèles, trois itinéraires :
celui du disciple qui suit le Christ et en témoigne, celui du disciple qui cherche à
réfléchir, à approfondir sa foi et celui de l’homme qui sait qu’il a pu céder
au mal, mais qui fait confiance à l’Innocent mis en croix et reconnaît en lui
celui qui peut toujours quelque chose pour l’homme, qu’il ait été un disciple
convaincu ou un homme perdu, pris dans les filets du mal, pris dans les filets
de la souffrance, pris dans les filets de la mort ; il est celui qui confesse en même temps le mal qu'il a fait et l'amour infini de Jésus. Avec ses trois modèles,
vivons cette Semaine Sainte et confessons que Jésus est bien Celui qui vient
au nom du Seigneur. Amen.
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