Revenez à moi de tout votre coeur !
(Source : Il y a dans le coeur de l’ Homme … | 1001 versets (la-bible.info)
Ils étaient les premiers mots
prononcés au début de cette liturgie ; ils vont nous accompagner durant
tout notre Carême. Ecoutons-les à nouveau : Revenez à moi ! Et l’oracle
du Seigneur de préciser : de
tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil ! N’est-ce pas paradoxal de formuler cette
invitation ainsi ?
Dans une société dite de loisirs, une telle invitation risque de faire un flop monumental. Revenir au Seigneur, certes, mais dans le jeûne, les larmes et le deuil : on a vu plus joyeux et plus tentant comme expérience. Il faut le reconnaître : cela n’a rien d’attrayant ! C’est même plutôt rude. Faut-il donc renoncer à toute joie pour revenir au Seigneur ? Dieu serait-il contre la joie ? Beaucoup vous diront que ce n’est pas avec un tel programme que vous remplirez les églises. Et pourtant, il nous faut bien entendre et recevoir cette invitation du Seigneur au début de ce carême.
Le Carême est un temps que j’appellerais un temps sec, dur ; et c’est normal parce que c’est un temps de conversion. Le retour vers le Seigneur n’est pas le retour joyeux, mais le retour de celui qui sait qu’il s’est éloigné de Dieu, éloigné de sa Parole de vie, éloigné de l’idéal que Dieu l’invite à vivre, éloigné de l’idéal que Dieu l’invite à être. C’est le retour d’un humain qui sait qu’il s’est perdu lui-même, égaré hors de sa vie. Quelqu’un qui n’est plus que l’ombre de lui-même, spirituellement parlant. Ce n’est pas que nous n’aimons plus Dieu, mais la vie, avec ses grands soucis et ses petits bonheurs, nous a lentement éloignés de Lui, lentement éloignés de la meilleure version de nous. Quelquefois nous ne nous en rendons même pas compte. C’est comme la dérive des continents : cela se fait lentement, c’est à peine perceptible. Un jour, nous constatons que Dieu est devenu lointain, que nous sommes devenus étrangers à Dieu. Nous pensons à lui, comme nous pensons à cette vieille tante ou à ce vieil oncle que nous n’avons pas revu depuis si longtemps. Ils font leur vie, nous faisons la nôtre. La différence entre le vieil oncle et Dieu, c’est que Dieu ne souffre pas d’Alzheimer ; il ne nous oublie pas. Ce temps de Carême qui s’ouvre aujourd’hui, est un de ces temps où Dieu lui-même se rappelle à notre bon souvenir : Revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil.
Revenez à moi, parce que je vous attends, parce que votre vie est en moi, parce que votre bonheur est avec moi. Revenez vers moi parce que je fais pour vous des merveilles. Revenez à moi.
De tout votre cœur, pas seulement du bout des lèvres, pas seulement parce que vous y avez intérêt, mais parce que c’est votre désir profond, parce que votre cœur sait où est son vrai repos. Souvenez-vous de ce beau refrain : Tu nous as fait pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos, tant qu’il ne demeure en toi. Nos soifs les plus profondes, Dieu seul sait les étancher. Revenir vers lui de tout notre cœur, c’est reconnaître cela.
Dans le jeûne, les larmes et le deuil, parce qu’ils sont les moyens sûrs et efficaces pour exprimer ce que le fond de notre cœur n’arrive pas toujours à faire parvenir jusqu’à nos lèvres. Le psalmiste a su le faire admirablement dans ce psaume 50 que nous avons antiphoné ensemble : Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde efface mon péché. Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense. Oui, je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi. Contre toi, et toi seul, j’ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait. Voilà exprimé avec des mots le jeûne, les larmes et le deuil. Un psaume à prier souvent en ce temps de Carême.
Revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil. Nous comprenons bien que cela ne peut se faire la bouche en cœur et la fleur au fusil. Nous avons peut-être du mal à nommer clairement notre péché, mais nous avons la conscience claire de nous être éloignés de Dieu, lentement, mais sûrement. Le retour ne peut se faire avec tambours et trompettes parce que nous ne sommes pas fiers de nous. Mais nous sommes heureux de ce Dieu qui est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment. Qu’est-ce qu’un temps de jeûne, que sont nos larmes, qu’est notre deuil de nous-mêmes, de notre orgueil, face à cet immense amour de Dieu pour nous ? Juste le signe de la sincérité de notre cœur. Nous ne revenons pas à lui parce que le calendrier et la liturgie nous disent de le faire, parce que c’est Carême ; nous revenons à lui parce que nous mesurons pleinement que notre vie loin de Lui n’est que peine et misère, cendres et poussières.
Hier,
nous portions peut-être un masque de carnaval, jouant à être quelqu’un d’autre.
Ne portons pas les cendres que nous allons accueillir comme un masque. Devant Dieu,
nous ne pouvons pas jouer à être quelqu’un d’autres. Devant Dieu, nous nous
présentons en vérité : et notre vérité, c’est que sans lui, nous ne sommes
que cendres et poussières. C’est lui qui, en soufflant sur nous son Esprit,
donne vie à nos cendres et poussières. C’est lui, et lui seul, qui nous fait
vivre pleinement, réellement. Présentons-nous devant lui, marqués de ces
cendres, marqués par les limites de notre existence. Il saura nous transformer,
il saura nous fait vivre. Sa Parole nous fait vivre. Quarante jours nous sont
donnés pour réapprendre à vivre de Lui. Revenons à lui de tout notre cœur. Amen.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire