Jésus, le Serviteur.
Il ne fait aucun doute que la figure qui parle le mieux de Jésus en ce soir du Jeudi Saint est la figure du Serviteur. L’évangile du lavement des pieds en est l’illustration parfaite. Jésus, « le Maître et le Seigneur » a pris le vêtement du service et a posé un geste familier à son époque, mais réservé à un esclave : s’abaisser devant quelqu’un pour lui laver les pieds.
Ce geste, il l’a posé pour être un exemple pour ses disciples. Quand Jésus leur sera enlevé, ils auront à découvrir, qu’à leur tour, ils doivent se faire serviteurs de leurs frères et sœurs en humanité. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. Nous ne pouvons donc pas échapper à cette attitude fondamentale qui nous met les uns et les autres au service. Cette attitude est d’abord une attitude profondément ministérielle. Aucun ministère ne saurait se comprendre comme un pouvoir dans l’Eglise, et quand cela fut fait, ce fut toujours une erreur qui a coûté cher à l’Eglise. Aucun évêque, aucun prêtre, aucun diacre, aucun laïc au service de l’Eglise n’est autre chose qu’un serviteur du Christ et de ses frères. Il est important que nous nous en souvenions. Et quand je dis « nous », je ne pense pas seulement aux personnes précédemment citées, mais aussi au peuple de Dieu, qui doit avoir pour eux une juste considération. Il est de bon ton de dénoncer le cléricalisme ces derniers temps ; mais il ne naît pas seulement du fait d’un mauvais positionnement des clercs et des laïcs engagés dans un service d’Eglise. Il naît aussi et surtout par le regard que les autres portent sur eux. Combien d’hommes et de femmes, croyants ou non, sont capables de porter aux ministres de l’Eglise la même considération qu’ils portent à quelqu’un qui n’exercent pas un service d’Eglise ? Demandez aux prêtres combien de personnes de leur entourage ont changé leur manière d’être avec eux sitôt qu’ils étaient ordonnés.
Cette attitude de service qui est au fondement de tout ministère n’est pas réservé au rapport qu’ils entretiennent avec les fidèles. C’est une attitude à avoir avec tous, croyants ou non. Servant l’Eglise, nous servons l’humanité dans sa totalité, humanité dont nous devons avoir le souci, et particulièrement le souci de son salut. Si le lavement des pieds est sans contexte le geste le plus fort qui nous rappelle ce devoir de servir, l’Eucharistie que le Christ institue en ce soir, est tout autant un appel au service. Toute eucharistie nous met en tenue de service, que nous soyons ministres de l’Eglise ou participants à l’eucharistie. Tous, nous célébrons les mystères du salut ; tous, nous sommes bénéficiaires de sa Parole, tous nous accueillons son Corps livré, tous nous sommes pareillement renvoyés vers ce qui fait notre vie. Et si les prêtres ont reçu le « pouvoir » de rendre le Christ présent par l’imposition de leurs mains et les paroles sacramentelles qui accompagnent ce geste sur le pain et le vin, c’est encore pour servir Dieu et leurs frères et sœurs.
Célébrer l’eucharistie, c’est célébrer le Christ qui nous sert, le premier. La table où nous sommes invités ce soir, est sa table. Le pain et le vin servis sont les signes de sa présence éternelle au milieu de nous. Je suis au milieu de vous comme celui qui sert, nous dit-il en chaque eucharistie. Notre propre service n’est qu’agitation s’il n’est pas appuyé sur le service du Christ en faveur de l’humanité. Notre devoir de service vient de ce service premier du Christ. Comment, en effet, nous dire disciples du Christ sans vivre authentiquement cette parole qu’il nous laisse ce soir : Faites ceci en mémoire de moi ? Si nous comprenons l’eucharistie comme le sacrement du service, alors célébrer l’eucharistie, c’est se mettre en tenue et en attitude de service. Il n’y a pas d’autre possibilité pour nous. Le Faites ceci en mémoire de moi et le afin que vous fassiez comme j’ai fait pour vous, signifient la même chose : l’impérieuse nécessité pour tout disciple du Christ d’être un serviteur à l’image de Jésus LE Serviteur. Le beau geste du lavement des pieds que les prêtres sont invités à refaire au cours de cette liturgie est malheureusement souvent omis parce qu’il ne se trouve personne pour accepter de se laisser faire ainsi. Or, l’attitude de serviteur commence par cette acceptation que je ne maîtrise pas toujours tout. Se laisser laver les pieds demande également un authentique sens du service, pour que la communauté dans son ensemble comprenne dans ce geste posé par le prêtre et reçu par quelques fidèles, que nous sommes un peuple de serviteurs. L’attitude de Pierre - Tu ne me laveras pas les pieds, non, jamais ! - est bien souvent la nôtre quand on nous propose de participer à ce rite pourtant parlant et marquant. Pour Pierre comme pour nous, c’est une occasion manquée d’entrer dans l’esprit de service du Christ.
Jésus, le Serviteur, commence ce
soir son ultime chemin de service sur notre terre. Il a tout donné puisqu’il
s’est donné. Et il s’est donné par amour : Jésus, ayant aimé les siens
qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. Et nous nous souvenons
alors que nous avons appris dans notre enfance que l’eucharistie était le
sacrement de l’amour. Amour et service, une même réalité, tant il est vrai que
celui qui n’aime pas, ne sert pas, et que celui qui ne sert pas, n’aime pas
vraiment. Entrons dans ce mystère d’un Dieu qui sert l’homme par amour et à notre
tour, prenons la tenue de service, aimons la tenue de service, pour la gloire
de Dieu et le salut du monde. Amen.
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