Vous savez ce qui s'est passé...
Au cœur de notre nuit, un cri a retenti : Christ est ressuscité ! Cette joyeuse nouvelle, après les jours sombres de la Passion, en aura réjoui certains et laissé d’autres dans la perplexité. Ne croyons pas que tout fut simple. Les textes que la liturgie nous propose nous le montrent bien.
Si je prends les lectures dans l’ordre entendu, il me faut reconnaître que le passage des Actes des Apôtres pourrait nous induire en erreur. Entre l’événement de la Pâque et cette rencontre chez le centurion romain, il s’en est passé des choses. Cette visite n’a pas eu lieu le jour de Pâques. Pierre a eu le temps de digérer les événements, la Pentecôte a eu lieu, l’Esprit Saint lui a été donné, et avec lui, la sagesse qui vient de Dieu. Il est loin le Pierre qui a couru au tombeau le matin de Pâques et qui reste perplexe devant ce qu’il voit : les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, roulé à part à sa place. L’évangile de Jean nous montre bien qu’il n’a pas la sagacité du disciple que Jésus aimait et qui, entrant dans le tombeau et voyant la même chose, vit et cru, instantanément. La conclusion du passage entendu montre bien qu’il y aura un chemin d’intelligence à faire, même pour les disciples, pour entrer dans le mystère de la résurrection de Jésus : Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Ecriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. La résurrection est, et restera, pour beaucoup, une énigme, si ce n’est une histoire à dormir debout. J’ajouterai : heureusement ! Parce que cela donne du poids et de l’épaisseur à l’acte de croire. Le Christ ressuscité se propose à ma vie, mais il me laisse libre de croire. C’est à moi de le découvrir et de comprendre ce qu’il attend de moi. Cela demande quelque effort !
Pierre, qui a mis son temps à croire – au moins une course au tombeau et une apparition de Jésus le soir de ce même jour – et qui a pris un peu plus de temps pour comprendre et savoir en parler librement et sans crainte – ce qui lui a pris cinquante jours et le don de l’Esprit Saint si j’en crois les Actes des Apôtres – ce Pierre donc, nous le trouvons plein d’assurance chez Corneille quand il prend la parole. Et écoutez bien comment il commence son discours : vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les commencements en Galilée, après le baptême proclamé par Jean. Vous savez ce qui s’est passé ! L’histoire de Jésus n’est pas une histoire inventée, c’est une histoire qui a eu lieu et qui est connue : Jésus, là où il passait, faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui. Ce qui différencie Pierre des autres, c’est le regard qu’il porte désormais sur ces événements. Souvenez-vous de Pierre lors du procès de Jésus ; il était habité par la peur au point de renier Jésus, non pas une fois, non pas deux fois, mais bien trois fois de suite. Et maintenant, il témoigne de ce qu’il a découvert grâce à l’Esprit Saint : Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même a établi (Jésus) Juge des vivants et des morts. Vous savez ce qui s’est passé, mais jusqu’à présent vous n’aviez pas compris la nouveauté de l’œuvre de Dieu. Vous savez ce qui s’est passé, mais jusqu’à présent, vous n’aviez pas compris que Jésus, celui qui était mort, est ressuscité.
Vingt et un siècles plus tard, c’est toujours la même problématique qui se pose aux hommes. Nous savons ce qui s’est passé ; les témoignages ne manquent pas, ni dans les Ecritures, ni hors des Ecritures. Et pourtant, tout le monde ne porte pas le même regard sur ces événements. Plus le temps nous éloigne des événements initiaux, plus certains trouvent difficile de croire ; c’est trop beau pour être vrai ! Et puis si Jésus est ressuscité, pourquoi ma grand-mère que j’aimais tant ne l’est pas ? Il ne suffit donc pas de savoir que quelque chose a eu lieu pour croire la signification profonde de l’événement. Il faut accepter de regarder plus profond, comme le disciple que Jésus aimait quand il entre dans le tombeau à son tour. Si notre foi se fait hésitante, demandons à Dieu que la grâce de cette fête de Pâques renouvelle notre regard et nous permette d’aller en profondeur vers le sens de ces événements. Ce n’est pas grave de ne pas avoir la foi subite d’un Jean ; ce n’est pas grave s’il vous faut plus de temps que Pierre pour comprendre et croire ce que vous savez avoir eu lieu. Ce qui compte, c’est de chercher comment croire mieux ce qui est incroyable : celui qui était mort est vivant, et il nous invite à partager sa vie. Parce que oui, nous aussi, nous ressusciterons quand Dieu nous appellera à partager sa gloire. Demandons à Dieu la grâce d’entrer toujours plus dans la juste compréhension du projet de salut que Dieu porte pour l’humanité. Ce que nous comprendrons mieux, nous le croirons mieux ; ce que nous aurons cru, nous le vivrons un jour.
Accompagnons Pierre au tombeau et
regardons. Accompagnons Pierre chez le centurion Corneille, et écoutons. Et à
notre tour, témoignons de ce que nous savons s’être passé jadis. Témoignons par
nos mots et par notre vie, vécue dans la puissance de la résurrection. En nous
voyant vivre selon la parole du Christ, d’autres comprendront que la
résurrection, ça vous change une vie, en mieux, en grand, ici et maintenant.
Vivons selon ce que nous sommes déjà grâce à Jésus le premier-né d’entre les
morts : vivons en hommes et en femmes libres, debout, ressuscités. Amen.
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