Jésus, un imposteur ?
Seigneur, nous nous sommes rappelé que cet imposteur a dit, de son vivant : « Trois jours après, je ressusciterai. » Alors donne l’ordre que le sépulcre soit surveillé jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent voler le corps et ne disent au peuple : « Il est ressuscité d’entre les morts. » Cette dernière imposture serait pire que la première. Voyez comme l’humanité en veut toujours plus, éternelle insatisfaite qu’elle est ! Voyez comme les ennemis de Jésus sont si peu sûrs d’eux qu’ils vont déjà essayer d’empêcher Dieu de jouer le coup d’après, celui pour lequel tout ce que nous venons d’entendre était devenu nécessaire.
Parce que la résurrection de Jésus est le cœur de la foi des chrétiens, et qu’elle ne peut donc se démontrer, il y aura, heureusement, toujours la possibilité pour l’homme de refuser d’y croire. Mais faut-il pour autant prendre toutes ces précautions ? Nous avons vu les disciples de Jésus l’abandonner au moment de son arrestation. Pierre, qui suivait de loin, s’est empressé de le renier. Et chez Matthieu, il n’y a personne d’autre que des soldats au pied de la croix : de nombreuses femmes observaient de loin la mort de Jésus. Les grands-prêtres et les pharisiens n’ont rien à craindre d’elles ni des disciples, rien à craindre d’un vol hypothétique d’un cadavre. La Passion selon l’Evangile de Matthieu montre bien, me semble-t-il, que les disciples ont moins bien compris les annonces de la résurrection faites par Jésus de son vivant que les grands prêtres et les pharisiens. Les amis de Jésus ont tous fui, il meurt seul, abandonné, humilié, moqué par tous, y compris par les bandits crucifiés avec lui. Chez Matthieu, Jean et Marie ne sont pas près de la croix ; chez Matthieu, pas de bon larron pour ouvrir à une espérance en la vie plus forte que la mort. Non, chez Matthieu, ceux qui introduisent cette espérance, ce sont paradoxalement ceux qui ont voulu se débarrasser de lui. Il ne faudrait pas que les gens puissent croire que nous nous sommes trompés. Il ne faudrait pas que les gens puissent dire un jour : il est ressuscité. Il ne faudrait pas que le peuple croie que Dieu est plus fort que la mort et que celui-ci était bien son Fils. Plongés dans les ténèbres de l’ignorance, de l’aveuglement, du péché, ceux qui ont tout fait pour faire mourir Jésus, veulent se rassurer eux-mêmes d’abord : nous en sommes enfin débarrassés ! J’entends cette demande de garde comme l’ultime acte de défiance envers Dieu : qu’il vienne, s’il ose se frotter à l’armée romaine !
Quand bien même l’humanité cherche à se prémunir de Dieu, il nous faudra toujours nous rendre à l’évidence : nous ne pouvons rien contre lui. Ah, nous pouvons bien refuser de croire, proclamer haut et fort qu’il n’existe pas ; cela ne l’empêche pas, Dieu, de mener son projet de salut pour les hommes à son terme. Dieu est patient avec nous ; tous les grands textes de l’Ancien Testament entendus durant ce carême nous l’ont rappelé. Dieu est puissant ; tous les Evangiles entendus durant ce carême nous l’ont démontré. Dieu est têtu ; l’histoire de tant d’hommes et de femmes que Dieu a entrainés à sa suite, nous le redisent à travers les âges. J’ai pu le vérifier il y a quelques années, lorsque curé dans la périphérie de Strasbourg, une maman est venue, dépitée, demander le baptême pour sa fille de huit ans. Comprenez, me disait-elle, nous avons tout fait pour que ce jour n’arrive pas, mais cela fait trois ans qu’elle nous casse les oreilles avec sa demande de baptême : mon mari et moi rendons les armes ; qu’elle soit baptisée puisqu’elle y tient ! Vous pourrez tous les garde-fous possibles et imaginables ; quand Dieu entre dans la vie de quelqu’un, ce ne sont que pailles et poussière ; ils disparaissent quand souffle le vent de l’Esprit. Vous pouvez enfermer Jésus dans le tombeau de votre mémoire ; il en sortira toujours. Vous pouvez essayer d’empêcher Dieu de réaliser son projet de salut, projet de vie pour tous les hommes ; vous échouerez toujours. Personne ne peut enfermer Jésus dans un tombeau ; la mort elle-même a échoué. Ne faites donc pas comme les grands prêtres et les pharisiens ; ne cherchez pas quel est le moyen le plus sûr d’éviter Dieu ! Si vous ne croyez pas en lui, si vous ne croyez pas en son projet de salut pour vous, soit, vous en avez le droit. Mais ce n’est pas Jésus que vous enfermez dans un tombeau sous bonne garde ; c’est vous-mêmes qui vous enfermez dans le tombeau de l’ignorance et du refus de Dieu, dans le tombeau du refus de la vie et de l’amour que Dieu veut pour vous.
Jésus n’est pas un imposteur ; ce qu’il a dit, il le fera. Ce ne sont pas quelques gardes qui vont l’en empêcher. Les imposteurs sont ceux qui ont ourdi ce procès ; les imposteurs sont ceux qui ont refusé que la vie triomphe. Les imposteurs sont ceux qui cherchent comment se prémunir de l’œuvre de Dieu. Les disciples qui ont accompagné Jésus durant son ministère savent au fond d’eux-mêmes qui est Jésus, même si les événements de la Passion les ont plongés dans la peur. Les foules qui ont acclamé Jésus quand il est arrivé à Jérusalem avaient compris qui est Jésus, sinon elles ne l’auraient pas accompagné en criant : Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Le centurion et ses hommes qui gardaient Jésus, ont fini par reconnaître, à la mort de Jésus que vraiment, celui-ci était Fils de Dieu ! Nous pourrons bien crier à l’imposteur avec les grands prêtres et les pharisiens ; soyons juste conscients que ce n’est pas sur lui, mais sur nous, que nous refermerons le tombeau de l’ignorance, le tombeau du refus de la présence de Dieu dans notre vie.
Parce
que Dieu nous aime et qu’il veut votre salut, il nous offre à nouveau cette
semaine sainte pour revivre les derniers instants marquant de la vie de Jésus.
De son entrée triomphale à Jérusalem à sa mort en croix, en passant par son
dernier repas, tout nous est révélé à nouveau pour que nous puissions, au matin
de Pâques entrer, ou non, dans la joie renouvelée d’une vie plus forte que la
mort. A nous de revivre ces événements avec Jésus pour pouvoir nous prononcer
en vérité sur Lui au matin de Pâques. Prenons le temps de cette route
ultime ; prenons le temps que Dieu nous offre ; n’en ratons
rien ; il y va de notre vie. Amen.
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