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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 8 mars 2025

1er dimanche de Carême C - 9 mars 2025

 Au coeur de toute vie chrétienne, le combat contre le mal.



(Source : Jesus Tempted In The Desert Painting at PaintingValley.com | Explore collection of Jesus Tempted In The Desert Painting)





Quelle que soit l’année liturgique, au premier dimanche de carême, la liturgie nous donne d’entendre que Jésus fut conduit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable. Des deux, le diable et Jésus, ce n’est pas Jésus le plus fou, mais bien le diable, qui aurait dû savoir qu’il n’en sortirait pas vainqueur. Pas ici, pas maintenant ; son heure n’était pas encore venue. Ayant épuisé toutes les formes de tentations, le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé. Il y aura un moment où il sera le plus fort, un moment où, à vue d’homme, le diable aura gagné ; ce sera au pied de la croix. Nous n’en sommes pas là aujourd’hui. 

Aujourd’hui, l’Ecriture nous dit d’abord que cet affrontement avec le diable, l’adversaire, nommez-le comme vous voulez, c’est le combat de Jésus, certes, mais c’est aussi notre combat à nous, qui voulons suivre le Christ. Et si un seul d’entre nous pense encore qu’il peut y échapper ou s’en dispenser, il se trompe dans les grandes largeurs. Chaque croyant qui veut suivre Jésus est nécessairement confronté à l’adversaire parce que rien ne lui insupporte plus, au diable, que quelqu’un qui décide de suivre Jésus. Comment seulement imaginer que celui qui s’en prend au Maître ne s’en prenne pas un jour à ses disciples, ensemble et individuellement ? Ensemble, nous ne le voyons que trop ces dernières années avec toutes les attaques dans les lieux de cultes, les dégradations, et hélas quelques morts. Individuellement, nous savons tous nos propres faiblesses, les situations qui peuvent nous faire céder, nous détourner du bien, nous détourner du Christ, même si ce n’est qu’un instant. S’il est vrai que Dieu nous connaît, et connaît chacune de nos faiblesses dont il veut nous guérir, l’adversaire aussi nous connaît et connaît nos faiblesses dont il veut jouir. Serait fou celui ou celle qui pense échapper à l’attention de l’adversaire ; serait fou celui ou celle qui pense être à l’abri des attaques de l’adversaire. Je ne dis pas cela pour nous effrayer, mais pour nous rendre conscient de ce combat nécessaire à mener. Celui qui ignore ou refuse de reconnaître cette réalité court le risque de ne pas savoir l’affronter. La certitude du psalmiste doit être nôtre : Dieu combat avec nous et pour nous. Puisqu’il s’attache à moi, je le délivre ; je le défends car il connaît mon nom. Il m’appelle, et moi, je lui réponds ; je suis avec lui dans son épreuve. Ce que Jésus réalise au désert lorsqu’il est confronté au mal, il le réalise encore pour nous. Il s’oppose à l’adversaire et remporte la bataille. Dieu intervient toujours pour ceux qui croient en lui et se tournent vers lui. Ce qu’il a fait jadis en Egypte pour nos pères, il le fait encore pour nous aujourd’hui.

Le second enseignement des lectures de ce jours, c’est que, dans cette lutte contre l’adversaire, nous avons une arme puissante. Nous avons Jésus, la Parole de Dieu. Cette Parole est tout près de [nous], elle est dans [notre] bouche et dans [notre] cœur. Comme le rappelle Paul aux chrétiens de Rome, si de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur, si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé. Autrement dit, alors le mal n’aura pas de prise sur toi. Cela ne signifie pas que nous n’y sommes pas confrontés, mais cela signifie que le mal ne pourra pas nous submerger ; il n’aura pas de prise définitive sur nous. Tant que nous reconnaitrons que Jésus, celui qui est mort en croix, est ressuscité, vainqueur de la mort ; tant que nous garderons sa Parole en nos cœurs ; tant que nous nous reconnaîtrons disciples de Jésus, il combattra avec nous et il nous donnera part à sa victoire. L’adversaire essaiera, toujours et encore ; et l’adversaire perdra, toujours et encore. Contre Jésus, il ne peut pas gagner. C’est ce que nous rappelle notre foi pascale. Celui qui était mort est vivant ; Dieu l’a ressuscité, il lui a rendu la vie, ouvrant à celles et ceux qui croient en lui les portes de la vie éternelle. Ce n’est pas une belle histoire pour enfants sages ; c’est ce que nous croyons et pouvons expérimenter chaque jour. Chaque fois que je sens le désir du mal grandir en moi et que je l’étouffe, chaque fois le Christ ressuscité a combattu avec moi pour que je puisse résister au mal et faire ne sorte qu’il ne passe pas par moi. En ces temps troublés qui sont les nôtres, nous pouvons voir le mal à l’œuvre et quelquefois désespérer ; plus que jamais, il nous faut entendre Jésus qui nous appelle à une foi plus grande, plus affirmée, pour que nous puissions résister avec lui à toute forme de mal, à toute forme de tentation. Ce qu’il a fait jadis dans le désert, il nous donne de le faire à sa suite : nous aussi, nous pouvons faire s’éloigner le malin de notre vie. 

Ecoutons encore Paul quand il écrit aux chrétiens d’Ephèse (6, 11-17) : Revêtez l’équipement de combat donné par Dieu, afin de pouvoir tenir contre les manœuvres du diable. Car nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les Dominateurs de ce monde de ténèbres, les Principautés, les Souverainetés, les esprits du mal qui sont dans les régions célestes. Pour cela, prenez l’équipement de combat donné par Dieu ; ainsi, vous pourrez résister quand viendra le jour du malheur, et tout mettre en œuvre pour tenir bon. Oui, tenez bon, ayant autour des reins le ceinturon de la vérité, portant la cuirasse de la justice, les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix, et ne quittant jamais le bouclier de la foi, qui vous permettra d’éteindre toutes les flèches enflammées du Mauvais. Prenez le casque du salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la parole de Dieu. Que notre carême nous permette de nous réarmer contre l’adversaire pour que sa défaite n’en soit que plus évidente au matin de Pâques. Amen. 


mercredi 5 mars 2025

Mercredi des Cendres - 5 mars 2025

 Moi, les autres et Dieu !





Au début de cette célébration, nous a été redite la première parole de Dieu entendue aujourd’hui par les baptisés qui prient l’office des Laudes, la prière du matin. J’ai souhaité que notre célébration commence par ces mots parce qu’ils redonnent du sens de ces quarante jours qui s’ouvrent devant nous. Que nous disent-ils ?

La première chose rappelée par ce texte, c’est que nous sommes un peuple consacré au Seigneur notre Dieu. C’est [nous] qu’il a choisi pour être son peuple particulier, parmi tous les peuples de la terre. Cette parole, adressée au peuple libéré d’Egypte par Moïse, nous pouvons la faire nôtre, nous que Dieu a libérés de l’Egypte de notre péché et de la mort, par son Fils Jésus, notre Seigneur et Sauveur. Notre baptême a fait de chacun un membre de ce peuple consacré au Seigneur notre Dieu, en nous plongeant dans la mort et la résurrection de Jésus. Le temps du carême est d’abord un temps pour redécouvrir la grâce de notre baptême, signe de notre alliance avec Dieu. Et je ne peux que vous inviter à le vivre comme un me time, comme disent les anglophones, un temps pour moi. Cela peut sembler égoïste et contre-productif, mais cela est essentiel. Le carême est fait pour chacun, comme un temps où d’abord chacun retrouve qui il est en vérité, dans un monde qui ne cesse de nous bousculer. Chacun doit avoir conscience que s’il se perd, il est perdu pour les autres ; s’il s’agite constamment, il ne sert personne et n’est utile à personne. Or Dieu s’est donné un peuple particulier pour que ce peuple soit utile aux autres ; ce peuple particulier a la responsabilité d’être lumière pour les autres peuples. Comment pourrions-nous guider les autres vers la lumière si nous perdons de vue l’éclat de cette lumière ? Le jeûne que Jésus recommande, ce n’est pas d’abord pour nous priver, mais pour nous recentrer sur nous-mêmes, pour que nous puissions comprendre ce qui est vraiment essentiel et le distinguer de l’accessoire, voire du superflu. 

La deuxième chose rappelée par cette parole de livre du Deutéronome, c’est que Dieu a fait cela, il a fait de nous son peuple particulier par amour. Ce n’est pas pour nous embêter ; ce n’est pas pour se jouer de nous ; ce n’est pas davantage pour nous piéger et nous faire remarquer au bout d’un moment combien nous sommes faibles et que sans lui nous n’avons pas les cartes en main. Non, s’il l’a fait, c’est parce qu’il nous aime. Et dans l’amour vrai, il n’y a pas de piège ; dans l’amour vrai, on ne se joue pas de l’autre. Dans l’amour vrai, on espère le meilleur pour l’autre. Ayant pris du temps pour nous, pour nous retrouver, nous pourrons aller vers les autres. Il sera même plus facile d’aller vers les autres quand nous aurons compris à frais nouveau l’amour que Dieu nous porte, parce que forts de cet amour, nos pas nous conduirons naturellement vers les autres, vers les petits, les exploités, les rejetés pour leur dire à eux aussi : tu es de ce peuple consacré au Seigneur parce qu’il t’aime. Et je viens te redire et te manifester un peu de cet amour. L’aumône (ou la charité) que Jésus recommande dans l’évangile devient possible quand je sais qui je suis, quand je me sais aimé et capable d’aimer en retour. Celui qui ne sait pas la grandeur que Dieu a mis en lui et qui ne s’aime pas, ne peut pas aimer les autres. Pour prendre soin des autres, il faut déjà savoir prendre soin de soi. Pour comprendre que les autres sont mes frères et sœurs en humanité, il faut que je me comprenne comme membre de ce peuple, de cette famille que Dieu rassemble. 

Nous pouvons alors comprendre la troisième richesse de cette parole du Deutéronome : vous saurez que le Seigneur votre Dieu est le vrai Dieu, le Dieu fidèle qui garde son Alliance et son amour pour mille générations à ceux qui l’aiment et gardent ses commandements. Quand je sais que je suis membre d’un peuple rassemblé, quand je reconnais les autres comme mes frères et sœurs, alors je peux comprendre que le Dieu qui permet cela est le vrai Dieu qui garde son Alliance et son amour. Il ne m’aime pas que le jour de mon baptême, mais chaque jour qu’il me donne de vivre. Il m’aime inconditionnellement, malgré mon péché, malgré ma capacité à vivre loin de lui et à l’oublier. Il m’aime et il m’attend. D’où l’invitation à une prière renouvelée, pour retrouver le sens de Dieu après avoir retrouvé le sens de moi et des autres. 

Le chemin proposé par le Deutéronome peut sembler déroutant. Il nous a été tellement dit qu’il fallait partir de Dieu pour arriver à soi en passant par les autres ! Mais c’est ce chemin proposé par le Deutéronome qui me semble juste pour celui qui s’est perdu. Partir de lui, de ce qu’il est pour aller à Dieu par les autres. Ce chemin nous rappelle notre nécessaire solidarité dans la foi ; nous avons besoin les uns des autres pour grandir dans la foi, l’espérance et l’amour. Nous avons besoin les uns des autres pour marcher humblement avec Dieu. Le carême vécu d’abord pour soi ouvre aux autres et à Dieu, parce qu’en nous permettant de nous redécouvrir personnellement, il nous fait comprendre que nous n’existons pas pour nous, mais pour les autres et pour Dieu. C’est le chemin fait par Saint Augustin par exemple, qui s’était égaré dans une vie de patachon avant de revenir vers Dieu, grâce à l’amour et à la prière de sa mère Monique. Son chemin de conversion lui a fait chanter : Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi. Puisse ce carême nous faire redécouvrir cette vérité. Amen. 


samedi 1 mars 2025

8ème dimanche ordinaire C - 2 mars 2025

 Salade de fruits, jolie, jolie, jolie...





Salade de fruits, jolie, jolie, jolie, tu plais à mon père, tu plais à ma mère… Ce refrain que les moins de cinquante ans ont le droit de ne pas connaître est revenu à ma mémoire en méditant cette page d’évangile pour l’homélie de ce dimanche. Il donne l’impression que Luc, après avoir recueilli avec précision des informations concernant tout ce qui s’est passé depuis le début, était en possession d’éléments épars dont il ne savait que faire, et plutôt que de les jeter, les a réunis en un discours tutti frutti pour une petite leçon de choses. Il y a suffisamment de choses variées dans ce discours pour que pères et mères, et tous les autres, puissent y trouver leur plaisir. Nous avons là des problèmes de vue, de jardinage, de cœur, et si nous rajoutons les paroles de Ben Sira le Sage, nous avons l’ouïe et la parole. La leçon de chose peut alors commencer.

Commençons par le plus ancien, Ben Sira. Il nous dit : Ne fais pas l’éloge de quelqu’un avant qu’il ait parlé, c’est alors qu’on pourra le juger. A croire qu’il était féru de physique et de mathématique, et qu’il avait découvert avant tout le monde que la vitesse de la lumière était supérieure à celle du son. C’est sans doute lui qui a inspiré à un autre cette maxime : C’est parce que la vitesse de la lumière est supérieure à celle du son que certains ont l’air brillants avant d’avoir l’air stupide (j’ai changé le dernier mot pour des questions de décence). Toujours est-il que l’un et l’autre nous invite à la prudence et à la patience. Ne nous emballons pas devant les hommes, attendons qu’ils ouvrent la bouche ! Cela peut éviter bien des déconvenues. Leçon de chose n° 1. 

La première parabole de Jésus rapportée par Luc nous parle de maître et de disciples. Elle est un avertissement à tous ceux qui pensent tout savoir, à ceux qui pensent avoir dépassé leur maître. Ils ne voient plus qu’eux, leur maigre savoir acquis, et ils s’imposent partout, faisant comprendre à qui veut bien les écouter qu’eux seuls ont les solutions ; et ils abusent de leur pouvoir en imposant leurs vues au mépris du respect élémentaire dû aux autres et d’une prudence minimum qui voudrait que l’on confronte son avis à celui d’autrui. Ils sont des guides aveugles qui conduisent ceux qui les écoutent dans un trou, parce qu’ils refusent d’avoir des maîtres ou s’érigent en maître. Nous en avons de beaux exemples en ce moment, particulièrement dans le domaine politique (regardez ce qui se passe dans le bureau ovale à Washington) ; chaque jour hélas nous apporte son lot d’aveugles qui veulent guider le monde. Mais nous avons pu voir aussi les ravages que peuvent commettre ses guides autoproclamés ou proclamés comme tels par les autres sans discernement, quand ils exercent dans le domaine religieux. Cela donne des abus de toutes sortes et même, dans le pire des cas, des attentats pour éliminer ceux qui ne croient pas, qui ne suivent pas la même route. Soyons assez réalistes sur nous-mêmes et nos capacités, sur ceux que nous écoutons et regardons et acceptons toujours de nous former mieux au discernement et à la réflexion. Leçon de chose n°2.

La parabole sur la paille et la poutre est un appel à ne pas juger les autres trop vite pour ne pas commettre d’injustice d’une part, et ne pas se ridiculiser d’autre part. Personne, hors Dieu, n’est parfait ; personne, hors Dieu, n’est sans défaut. Faisons le ménage devant notre porte avant de vouloir le faire chez les autres. C’est la leçon de chose n° 3.

De même que l’on reconnaît l’arbre à ses fruits, de même on distingue l’homme bon de l’homme mauvais à sa parole ! De même qu’un pommier ne peut donner que des pommes, l’homme bon ne peut dire que du bien et l’homme mauvais que du mal, car, dit Jésus, L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur. Le cœur, dans la bible, est le siège de mes grandes décisions, du lieu où, si je suis croyant, Dieu dialogue avec moi et me fait connaître sa volonté, le lieu où Dieu inscrit sa Loi (Jr 31, 31-34). Seul celui dont le cœur est bon peut le bien. As-tu laissé entrer dans ton cœur le bien ou le mal ? C’est une invitation à l’introspection, à un regard honnête sur soi et, le cas échéant, à la conversion. Leçon de chose n° 4.

L’évangile de ce dimanche est peut-être fait de bric et de broc, mais cela ne signifie pas qu’il n’a rien à nous dire. Ces petites paraboles, mises ensemble, nous invitent à utiliser nos sens et notre intelligence en vue du bien et de l’édification. Tout ce que nous voyons, tout ce que nous entendons, tout ce que nous disons, tout ce que nous faisons, que ce soit toujours pour le bien de tous, débordant de l’amour que Dieu a mis dans notre cœur. Alors nous serons des disciples bien formés, chacun comme notre maître, lui qui est passé en faisant le bien. Amen. 


samedi 22 février 2025

7ème dimanche ordinaire C - 23 février 2025

 Pour nous ou pas pour nous ?







Il arrive, en lisant les évangiles, qu’on se dise : telle parole est vraiment pour moi ; elle correspond bien à ce que je vis en ce moment. Il arrive aussi, peut-être même plus souvent, qu’on se dise, toujours en lisant les mêmes évangiles, que cette parole, elle est pour untel qui, décidément, gagnerait à ouvrir sa bible de temps en temps. Je pense que l’évangile entendu aujourd’hui en fait partie. Ces paroles de Jésus à ses disciples, c’est pour les autres ! Et nous en connaissons tous, de ces autres, qui feraient bien de relire les paroles de Jésus.

Pourquoi ces paroles ne seraient-elles pas pour nous ? Parce que nous allons à l’église, et que nous sommes des gens bien, nous ! Et même si l’introduction liturgique dit : En ce temps-là, Jésus déclarait à ses disciples, il suffit d’ouvrir l’évangile de Luc pour comprendre que Jésus ne parle pas qu’aux Douze qu’il vient d’appeler, mais aussi à cette foule nombreuse qui se colle à lui. Ecoutons le verset 17 de ce chapitre : Il y avait là un grand nombre de ses disciples et une grande multitude de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon. Sans nul doute, c’est à cette multitude qu’il doit s’adresser. Car un vrai disciple n’a pas besoin que Jésus lui dise tout cela, si ? 

Si, justement ! Parce que disciple de Jésus, nous avons à le devenir toujours plus, toujours mieux. Et nous avons sans doute chacun en tête un visage, un prénom, de quelqu’un qui nous insupporte et qui se rapproche de ce que Jésus appelle vos ennemis. Tel parent, plus ou moins éloigné après un partage d’héritage qui s’est mal passé ; tel voisin dont le chien ne fait qu’aboyer à nous rompre les oreilles ; tel collègue qui ne comprend rien à rien, qui fait gaffe sur gaffe et qui met tout le monde en retard ; tel étranger qui profite, parait-il, des avantages sociaux que la France lui donne généreusement alors que pour les « vrais Français » il n’y a jamais rien ; tel élu qui ne nous a pas accordé la faveur qu’on lui demandait ; tel fonctionnaire qui a volontairement rejeté notre dossier alors qu’il ne sait même pas ce que c’est que de travailler ; tel enseignant qui n’aime pas notre enfant et le sous-note exprès ; tel chauffard sur la route qui n’avance pas ou qui ne nous laisse pas le dépasser… la liste est longue, des ennemis supposés ou réels que Jésus nous invite à aimer. Car voyez-vous, à élever des murs, à classer les gens entre les bons et les mauvais, on ne construit pas une société, on divise, on active la haine. Regardez de l’autre côté de l’Atlantique et vous comprendrez ! 

De cette page d’évangile, exigeante mais belle, retenons peut-être ces trois mots qui ont pu passer totalement inaperçu : Faites du bien. Ils sont le condensé de la pensée de Jésus exprimée dans ce discours. Faites du bien à tous, faut-il préciser, car si vous faites du bien seulement à ceux qui vous en font, quelle récompense méritez-vous ? Même les pécheurs en font autant, avertit Jésus. Le disciple véritable de Jésus ne peut non seulement se lasser de faire le bien, mais il ne devrait même pas être capable d’envisager de faire le mal. Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera. Les paroles qui peuvent sembler dures du début du discours ne doivent pas nous empêcher d’entendre cette fin du discours. De la manière dont nous traitons nos frères et sœurs en humanité, c'est-à-dire chacun de ceux qui croisent notre route, Dieu nous traitera quand viendra le moment du jugement. Seul celui qui est sans péché peut différencier le bon grain de l’ivraie. Aucun de nous ne peut y prétendre. 

Faire du bien. Voilà qui devrait être notre ligne de conduite, notre devise en toute circonstance. Et nous savons tous, par expérience, que c’est plus facile à dire ou à écrire qu’à faire. L’autre est tellement compliqué, n’est-ce pas ! Mais ne sommes-nous pas tous l’autre de quelqu’un ? Nous sommes tous l’ami de quelqu’un ; nous sommes tous l’ennemi de quelqu’un. Nous pouvons choisir entre nous taper dessus ou nous réconcilier et faire grandir l’humanité et le monde. C’est cela, je crois, que Jésus vient nous rappeler aujourd’hui. Pour faire du bien, il faut haïr faire le mal ; mais jamais celui qui fait le mal. Parce qu’il est l’un de nous, il est comme nous : capable du pire et du meilleur. Ne l’oublions pas.   Amen.


samedi 15 février 2025

6ème dimanche ordinaire C - 16 février 2025

 Dieu seul est Dieu, quoi qu'en dise l'homme !




(Vitrail du Christ dit de Wissembourg)





Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel ! Il y va fort, Jérémie, et pourtant, il nous faut reconnaître qu’il a raison et bien comprendre ce qu’il affirme. Car voyez-vous, une lecture trop rapide pourrait nous faire croire que nous avons tort de nous faire confiance. Ce n’est pas cela que dénonce Jérémie, mais bien l’idolâtrie de l’homme par l’homme ou, pour le dire autrement, que l’homme se prenne pour Dieu, en lieu et place du vrai Dieu.

C’est une tentation ancienne, et nos ancêtres grecs dénonçaient déjà ce péché suprême qui mène l’homme à sa perte. Dans la philosophie grecque, il s’agit de l’hybris, cette capacité qu’a l’homme de se laisser aller à la démesure, à l’arrogance et à l’orgueil. Bref, se laissant conduire par leur hybris, les hommes ne tardent pas à se prendre pour des dieux. Je vous invite à relire le mythe de Prométhée pour bien comprendre. Chargé par Zeus de créer l’homme et les animaux afin que les dieux de l’Olympe aient de quoi s’amuser, voilà que Prométhée donne aux humains le feu et les arts, attributs divins par excellence. Prométhée en est puni comme on sait, voyant son foie être dévoré quotidiennement par l’aigle de Zeus, et les hommes font la connaissance de Pandora et de sa fameuse boite qu’elle ne tardera pas à ouvrir, lâchant sur terre tous les maux possibles : la maladie, la guerre, l’angoisse, les peurs. 

La malédiction prononcée par Jérémie dénonce elle-aussi l’hybris de l’homme et son désir de prendre la place de Dieu. Il faut bien toujours entendre sa malédiction dans sa totalité : Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel, qui s’appuie sur un être de chair, tandis que son cœur se détourne du Seigneur. Si l’homme biblique est bien créé à l’image et à la ressemble de Dieu, il n’en est pas Dieu pour autant. S’il est cocréateur avec Dieu, il n’en est pas pour autant créateur au même titre que Dieu. Nous pouvons donc comprendre que ce que Jérémie souhaite, c’est un homme qui reste à sa place de créature et qui ne se prenne pas pour Dieu. Dieu seul est Dieu, quoi qu’en dise l’homme. Dieu seul est Dieu, quoi que l’homme puisse faire. C’est à Dieu que revient la gloire ; c’est à Dieu que revient l’adoration ; c’est à Dieu que revient notre foi. Ce n’est pas pour rien que Jérémie fait suivre sa malédiction d’une bénédiction : Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance. Quand l’homme comprend sa place de créature et reconnaît la place de Dieu, il peut tout pour son bonheur et sa vie. Quand l’homme se prend pour Dieu, il fait tout pour son malheur et sa mort. L’homme n’est vraiment homme que face à Dieu. S’il met en vis-à-vis un autre homme, il est soit le dominant, soit le dominé, mais il n’est plus le partenaire de Dieu, celui que Dieu a fait à son image et à sa ressemblance. En voulant se libérer de Dieu qui l’a créé et qui l’aime, l’homme se soumet à l’homme qui le déteste et l’opprime. Seul Dieu, source de l’amour, aime vraiment. Seul Dieu, créateur de tout ce qui vit, veille sur l’homme. Seul Dieu, qui ne fait acception de personne, aime chacun à part égale. C’est en lui que l’homme doit placer son cœur. 

La malédiction et la bénédiction prononcées par Jérémie ne sont qu’une autre manière de reprendre la question fondamentale posée jadis par Moïse : Qui veux-tu servir : Dieu ou les idoles ? Choisis Dieu ou les idoles, la vie ou la mort, mais choisis ! De manière plus moderne, nous pourrions la formuler ainsi : veux-tu servir Dieu ou veux-tu te servir toi-même ? Fais-tu confiance à la toute-puissance de Dieu ou préfères-tu faire confiance à l’impuissance de l’homme à t’obtenir la vie et le bonheur ? Les béatitudes et les malédictions prononcées par Jésus dans l’évangile de Luc ne disent pas autre chose. Les bienheureux sont ceux qui vivent avec Dieu, malgré la pauvreté, la faim, les pleurs, la haine et le rejet. Les malheureux sont ceux qui ne comptent que sur eux, sur les biens qu’ils ont amassés ou sur les louanges reçues des hommes. Quoi qu’en disent certaines idéologies, notre terre et tout ce qui y vit ont plus à craindre des hommes que de Dieu. Ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique devrait être un avertissement pour nous tous. L’hybris d’un seul peut mener le monde à sa perte. Plus il agitera sa bible comme un éventail, plus elle produira du vent. Mais pour qu’elle devienne bonne nouvelle pour tous, il lui faudra ouvrir le livre, le lire et se laisser façonner par elle. Avec un peu de chance, il se convertira et abandonnera ses idées folles qui divisent le monde. 

Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel, tandis que son cœur se détourne du Seigneur. Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur. Les deux voies sont devant nous. A chacun de choisir, pour sa vie et celle du monde. Amen. 


samedi 8 février 2025

5ème dimanche ordinaire C - 09 février 2025

 Sur ta parole, je vais...



(Gustave Doré, Jésus prêchant sur le lac de Génésareth)





Ils se connaissent à peine, Jésus et Pierre, quand nous les croisons au bord du lac de Génésareth, et pourtant ils embarquent ensemble pour que le premier puisse enseigner les foules qui se pressaient autour de lui pour écouter la parole de Dieu. Qu’est-ce qui fait bouger ainsi les foules ? Est-ce juste l’éloquence de Jésus ? Ou est-ce que la foule comprend que sa manière de parler des choses de Dieu est différente. Habituellement, quand quelqu’un veut parler de Dieu de manière impromptue, nous avons mieux à faire, non ? Là la foule se presse, Pierre prête sa barque, et tout le monde écoute.

Ils se connaissent à peine, Jésus et Pierre, et pourtant quand, ayant fini de parler, Jésus l’invite à retourner à la pêche, Pierre, le professionnel, obéit : Sur ta parole, je vais jeter les filets. Vous en connaissez beaucoup des professionnels qui se laissent commander par un amateur ? Qu’est-ce qui fait que Pierre, sans sourciller, fasse ce que Jésus demande alors qu’il a peiné toute la nuit sans rien prendre ? Est-ce qu’il voit en Jésus plus qu’un beau parleur ? Ou est-ce le fait qu’il ait guéri sa belle-mère quelques jours auparavant qui le décide à faire confiance ? Toujours est-il que Jésus propose et que Pierre dispose.

Ils ne se connaissaient pas du tout, Jésus et Paul de Tarse, et pourtant quand le premier se révèle au second sur la route de Damas, ce dernier change du tout au tout. Il comprend mieux sa foi et ne tarde pas à expliquer à ses coreligionnaires en quoi Jésus, celui qui est mort sur la croix, est bien celui qui accomplit toutes les promesses de Dieu. Mieux, il sera le premier à réfléchir cet accomplissement et à donner aux premiers croyants en Christ les clés de compréhension des mystères de la foi. Et cela, en peu de mots, en quatre verbes comme le fait remarquer le Pape François dans la bulle d’indiction du Jubilé 2025 : le Christ est mort, il fut mis au tombeau, il est ressuscité, il est apparu à Pierre, puis au Douze… Toute notre foi résumée en quatre verbes, quatre bouts de phrases mises ensemble qui vont séduire des milliers de millions d’hommes et de femmes à travers le temps. 

Nous disons connaître Jésus parce que nous avons suivi notre catéchisme, et pourtant, avons-nous suivi Jésus comme ces foules ? Avons-nous obéi à Jésus comme Pierre ? Avons-nous trouvé les mots pour parler de lui comme Paul ? Qu’est-ce qui fait que ce qui était évident pour les foules, Pierre et Paul, soit devenu plus obscur, plus compliqué pour nous ? Nous voulons, vous et moi, écouter Jésus, sinon nous ne serions pas là ce matin ; mais reconnaissons que c’est différent pour nous que pour la foule. Nous aurions bien du mal à l’écouter des journées entières. Le temps de cette homélie semblera déjà trop long à certains ! Nous voulons, vous et moi, suivre Jésus, sinon nous ne serions pas là ce matin ; mais reconnaissons que c’est différent pour nous que pour Pierre. Faire ce que Jésus nous demande quand il vient bousculer notre vie, ce n’est pas toujours facile. Nous voulons bien parler de Jésus, sinon nous ne serions pas là ce matin ; mais reconnaissons que c’est différent pour nous que pour Paul. Nous avons du mal à trouver les mots justes, les mots qui portent, les mots qui incitent d’autres à croire. Et devant les mystères de la foi, les mots nous manquent souvent. 

Alors que faire ? Je crois que l’essentiel est de nous souvenir que ce qui compte le plus, c’est que Jésus nous connaît, comme il connaît la foule, Pierre, Paul et tous ceux à qui il se révèle un jour. Il connaît la foule et ses besoins ; il connaît Pierre et sa capacité à faire confiance ; il connaît Paul et sa ferveur. Il nous connaît, tous et chacun, mieux que nous nous connaissons, et il nous rend capable de ce qu’il attend de nous. Si nous avons du mal à nous faire confiance, à faire confiance à nos propres capacités, faisons confiance à Jésus qui peut tout, à Jésus qui jamais ne nous trompe, à Jésus qui veut notre vie en plus grand, en plus beau, en plus accompli. Avec la foule, osons nous presser autour de Jésus. Avec Paul, osons approfondir notre foi. Avec Pierre, osons dire : Sur ta parole, Seigneur, je vais… la suite de la phrase appartient à chacun. Amen. 


samedi 1 février 2025

2 février 2025 - Présentation de Jésus au Temple

 Syméon, Anne, Jésus et l'Esprit Saint.




(Fra Bartolomeo 1472 - 1517, Présentation de Jésus au Temple)




Mais quelle journée ! Imaginez-vous : Marie et Joseph vont avec leur nouveau-né au Temple pour sa circoncision et voilà qu’un vieux et une vieille viennent à leur rencontre avec des paroles bien mystérieuses, tout cela après avoir vu l’enfant. Les bergers et les mages, c’était déjà une chose ; mais bon, c’était à la campagne, loin de Jérusalem. Cette fois-ci, c’est au cœur même de la vie religieuse du peuple de Dieu que se passe la scène. Et Syméon et Anne ne sont pas n’importe qui. Ce sont des sages et des gens pieux, reconnus comme tel par tous. Ils font partie de ces gens qu’on écoute quand ils parlent. Et là, il y a fort à parier que ça va parler longtemps après eux, d’autant plus qu’Anne parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance d’Israël. Mais qu’ont-ils dit au juste ?

Ils ont, tous les deux, parlé à Dieu et chanté sa grandeur, Anne en proclamant les louanges de Dieu, et Syméon par ce beau cantique que l’Eglise reprend chaque soir au moment d’entrer dans le sommeil de la nuit : Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. Un résumé de sa foi et de son espérance. Celui qu’il a attendu toute sa vie, le Christ, le Messie du Seigneur, le voilà entre ses mains. Trois cent vingt-cinq ans avant le concile de Nicée, il proclame que Jésus est vrai homme (il tient un bébé dans ses bras et il va le soumettre au rite de la Loi) et vrai Dieu (il tient dans ses mains le salut de son peuple). Rassasié de joie, son espérance accomplie, Syméon demande à Dieu de le laisser partir en paix. Il peut mourir, l’esprit tranquille : le Sauveur de son peuple est au milieu de lui. Celui qu’il a attendu est arrivé ; celui qu’il voulait voir, il l’a vu. Plus rien ne le retient désormais. 

Il y a un détail, trois fois rien, qui est commun à Anne et Syméon, au-delà de leur grande foi et de la louange qu’ils adressent à Dieu. Ils arrivent là, non pas par hasard, mais parce que l’Esprit les conduit. Cela est dit très clairement au sujet de Syméon : Sous l’action de l’Esprit Saint, Syméon vint au Temple. Anne, quant à elle, ne s’éloignait pas du Temple, servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière. Seul l’Esprit Saint à l’œuvre en elle peut la faire prier ainsi sans discontinuer. Pour voir en Jésus plus qu’un nouveau-né que ses parents présentent pour se conformer au rite de la Loi qui le concernait, il faut l’aide de l’Esprit Saint ; il faut que Dieu lui-même révèle qui est cet enfant. C’était vrai des bergers à qui les anges ont annoncé la nouvelle ; c’était vrai des mages qui ont suivi une étoile qui les a guidés jusqu’à l’enfant nouveau-né ; c’est vrai de chacun de nous. Sans l’aide de Dieu, sans la force de son Esprit, nous ne pouvons pas voir en Jésus plus qu’un petit d’homme ; sans l’aide de l’Esprit Saint, nous ne pouvons pas reconnaître en Jésus le Messie attendu, le Christ que Dieu envoie pour nous sauver. Il faudra à l’Eglise trois cent vingt-cinq années et le souffle de l’Esprit sur les Pères conciliaires à Nicée pour proclamer enfin que Jésus, le Fils de Dieu est aussi Fils des hommes, qui a vécu en tout notre nature humaine, à l’exception du péché. 

Une vie dans l’Esprit Saint. C’est ce qui nous est promis depuis la Pentecôte et le don de l’Esprit aux Apôtres du Ressuscité. Que ce même Esprit soit renouvelé en nous pour que nous puissions suivre Jésus dans son enseignement, et reconnaître en lui plus qu’un grand homme, mais bien celui que Dieu envoie pour notre Salut. Il est le cœur de notre foi, le moteur de notre charité, et le but de notre espérance. Que l’Esprit Saint nous le révèle et nous donne d’en vivre chaque jour. Amen. 


samedi 25 janvier 2025

26 janvier 2025 - 3ème dimanche ordinaire C

 Crois-tu cela ?

(Homélie donnée lors de la célébration oecuménique célébrée aujourd'hui dans notre communauté)



(Icône de Nicée, source Wikipédia)





    Crois-tu cela ? En cette année où les chrétiens célèbrent le 1700ème anniversaire du Concile de Nicée qui a défini les mots de la foi chrétienne, c’est le mot d’ordre retenu pour la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Comme nous l’avons entendu dans l’introduction de cette célébration, c’est la question de Jésus à Marthe qui pleure la mort de son frère Lazare. 

        Crois-tu cela ? Lorsque Marthe accueille Jésus qui arrive enfin, elle semble reprocher à celui-ci d’avoir pris le chemin des écoliers plutôt que d’accourir sans délai lorsqu’il a été prévenu de la maladie de son ami : Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort. Sans doute espérait-elle un geste, une de ces guérisons dont Jésus a le secret. Après tout, Jésus fait presque partie de la famille ; ils l’ont reçu à leur table ; ils ont droit à quelques égards, non ? Jésus ne s’offusque pas de la question et pose une affirmation surprenante : Je suis la résurrection et la vie. Ceux qui croient en moi, même s’ils meurent, vivront, et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Il faut oser poser cette affirmation ; il faut oser l’entendre aussi. Et la reconnaître pour vrai. D’où la question de Jésus : Crois-tu cela ? Nous pouvons décliner cette unique question en une multitude d’autres. Crois-tu que je sois plus qu’un ami pour vous ? Crois-tu que je sois plus qu’un prophète ? Crois-tu que je sois plus qu’un grand homme ? Crois-tu que je sois la résurrection et la vie, c'est-à-dire que je viens bien de Dieu, et que je partage avec lui la vie en plénitude ? Cette question unique à Marthe va comme hanter les premiers chrétiens ; elle nous hante, ou devrait nous hanter encore. 

        Crois-tu cela ? Cela fait 1700 ans que les chrétiens ont défini les mots de la foi qui les rassemblent encore aujourd’hui. Ils sont plus forts que nos séparations, plus forts que nos divergences théologiques. Ils sont les mots qui nous font vivre. Cet anniversaire nous renvoie au début d’une période marquée par la foi chrétienne. Ils jaillissent après des années d’enfouissement et de persécution. Ils jaillissent de la Parole de Dieu après des querelles internes pour savoir comment parler justement du mystère de l’Incarnation et du mystère de la Rédemption. Jésus est-il vrai Dieu et vrai homme ? Jésus ne serait-il pas plutôt un grand homme qui a joué à Dieu ? Et si Jésus est réellement Fils de Dieu comme il l’affirme, comment Dieu peut-il mourir sur une croix ? Jésus n’était-il pas plutôt un homme envahi par l’Esprit de Dieu, mais dont l’Esprit s’est retiré avant qu’il ne meure, Dieu ne pouvant pas mourir ? Les querelles sont nombreuses à l’aube de la libération de notre foi, et les querelles qui suivront des siècles plus tard nous semblent alors futiles. Elles ont pourtant donné naissance à des Eglises diverses qui proclament les mêmes mots de la foi que ceux définis à Nicée. 

        Crois-tu cela ? La question n’est pas formulée ainsi au soir du huitième jour après Pâques, lorsque Jésus apparaît une nouvelle fois à ses disciples, cette fois en présence de Thomas. Pendant huit jours, les dix autres disciples ont essayé de le convaincre, de l’amener à la foi en Jésus mort et ressuscité. Mais Thomas, n’ayant pas fait comme eux l’expérience de le rencontrer ; Thomas, n’ayant pas comme eux reçu l’Esprit Saint que Jésus avait soufflé sur eux, Thomas donc résiste : Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! Tout ce qu’il demande, c’est de voir comme eux, c'est-à-dire de faire la même expérience qu’eux. Il veut croire, mais à sa manière, à ses conditions, comme les Dix ont cru, à leur manière à la vue des signes. Ne le blâmons pas, Thomas ; nous sommes comme lui. Nous voudrions des preuves, des signes, au moins une prière exaucée de temps en temps pour vérifier que nous ne parlons pas à un tombeau vide ! 

        Crois-tu cela ? C’est la question qui nous est posée par trois fois, lors de chaque nuit pascale, lorsque nous renouvelons la foi de notre baptême. Peut-être avons pris l’habitude de répondre machinalement à ces questions, parce que la liturgie de l’Eglise prévoit que nous disions, comme un seul homme : Je crois. Il faudrait alors que l’anniversaire du Concile de Nicée soit l’occasion de reprendre chez nous, calmement, ce beau texte qui définit la foi des chrétiens et que nous proclamerons ensemble dans un instant. Les catholiques le connaissent bien en latin, puisque c’est le texte que nous proclamons lorsque nous chantons notre foi dans cette langue liturgique. Mais le dire en français devient presque impossible. Je l’ai tenté une fois sur cette communauté de paroisses ; j’ai reçu les critiques les plus vives qui soient, me demandant de justifier l’utilisation de ce texte bizarre et pourtant vénérable. C’est tout juste si l’on ne me reprochait pas de changer la foi de l’Eglise, alors que c’est ce texte qui la définit le mieux. 

        Crois-tu cela ? Ce n’est ni une question pour catholique, ni une question pour protestant, ni une question pour orthodoxe ou anglican ou pour une espèce singulière de chrétiens que nous aurions du mal à reconnaître. C’est la question adressée à tout disciple du Christ, et la réponse à cette question doit être un signe de reconnaissance pour tous ses disciples, sous quelque latitude qu’ils vivent. Je peux voyager n’importe où dans le monde ; si ce texte est proclamé, enseigné, reconnu, je suis chez moi au milieu de ceux qui le disent. Quiconque dit ces mots est chez lui, chez nous. Il est de notre famille, même si son cousin le plus éloigné dans le temps, celui par qui lui a été donné la foi, est Luther si je suis catholique ou n’est pas Luther si je suis protestant. Nous ne partageons peut-être pas la même Eglise, mais nous partageons le même Dieu. N’est-ce pas cela qui importe le plus après tout ? 

        Crois-tu cela ? Si après tant d’années, tant de querelles et tant de déchirures, l’Eglise ne s’est pas effondrée, c’est que Jésus, celui qui la tient et qui y est présent, est bien ce qu’il a affirmé à Marthe. Il est la résurrection et la vie. Il l’est pour les croyants que nous sommes ; il l’est pour nos Eglises qui trouvent en lui, et en lui seulement, le chemin de la réconciliation parfaite, qui est le chemin de la vie parfaite. La foi en Dieu Père, Fils et Esprit Saint vaut plus que les Eglises qui l’enseignent et la confessent. La foi en Dieu Trinité qui nous fait vivre est plus forte que les querelles qui nous séparent encore. Par la grâce de Dieu, un long chemin a été entrepris pour retrouver une pleine communion ; mesurons ces efforts et poursuivons le chemin. A l’heure où le monde moderne semble avoir tiré un trait sur Dieu, nous ne pouvons que reprendre ces mots de Nicée qui nous font chrétiens ; les reprendre, les comprendre, les vivre et les transmettre. Ayons conscience qu’unis dans la diversité, nous vivrons ; mais séparés, enfermés dans nos Eglises respectives, nous mourrons. Tous.

        Crois-tu cela ? La réponse de Marthe est limpide : Oui, Seigneur, je crois que tu es le Messie, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. Elle lui vaut de retrouver, pour un temps, ce frère mort, mais rendu à la vie pour que la gloire de Dieu soit reconnue à l’œuvre en Jésus. Lorsque Thomas est interpellé par Jésus : Cesse d’être incrédule, sois croyant, celui-ci répond par cette profession de foi qu’aucun autre disciple n’avait faite jusque-là : Mon Seigneur et mon Dieu ! Il faudra presque trois cents ans pour que cette première profession de foi se développe et précise pour tous qui est Dieu, qui est Jésus Christ, qui est l’Esprit Saint. Sans rien perdre de la fraîcheur et de la simplicité des mots de Thomas, poursuivons l’œuvre des premiers Pères conciliaires et approfondissons notre foi. La connaissant mieux, nous l’estimerons davantage ; l’estimant mieux, nous la vivrons davantage ; la vivant mieux, nous la partagerons au plus grand nombre, en parole et en acte. Ainsi le monde pourra croire et parvenir à la vie éternelle. Amen. 


vendredi 17 janvier 2025

2ème dimanche du temps ordinaire C - 19 janvier 2025

 Il y eut un mariage à Cana en Galilée.




(Giotto, Les noces de Cana, Source : Suivre notre actualité - Frères Franciscains du Canada)




Après le temps des fêtes, voici le temps ordinaire qui nous fait chercher Dieu dans ce qu’il y a de plus simple, de plus ordinaire : notre vie quotidienne. Quelle que soit cette vie, Dieu y est présent. Cette année, l’Eglise nous fait commencer ce temps ordinaire avec la proclamation d’un texte tiré de l’évangile de Jean : les noces de Cana. Un moment de fête, certes, mais qui fait partie de l’ordinaire d’une société qui a encore des repères stables. 

En ce temps-là, il y eut un mariage à Cana de Galilée. Notez la sobriété de Jean quand il annonce l’événement. Ce n’est rien d’extraordinaire. Juste un événement de la vie célébré dans un village de Galilée. Il ne sera pas le seul mariage célébré cette année-là. C’est sans doute un événement pour le jeune couple et leurs familles, mais pas pour les invités. Il y a bien des chances qu’ils soient invités à d’autres mariages. Pour un village comme Cana, à cette époque, c’est une occasion pour tous de se rassembler. Cela fait partie de la vie simple et ordinaire de célébrer avec d’autres une étape de leur vie. C’est dans ce cadre ordinaire que Jean place deux personnes peut-être moins ordinaires pour ses lecteurs. 

        En ce temps-là, il y eut un mariage à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus aussi avait été invité au mariage avec ses disciples. Remarquez l’ordre : d’abord Marie, puis Jésus avec ses disciples. J’en déduis que Marie est veuve. Elle est invitée et elle vient avec ce fils qui, selon la loi, veille sur sa mère. Cela nous indique aussi que Jésus n’est pas encore connu pour son métier de prédicateur ; Cana sera un commencement pour lui, un tournant dans sa vie, un tournant dans la vie des hommes. Grâce à ce mariage (ou à cause de ce mariage), Jésus va se faire connaître ; désormais on va parler de lui. Pourquoi ? A cause d’un incident malheureux, une chose qui n’arrive que rarement sans doute.

        En ce temps-là, il y eut un mariage à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus aussi avait été invité au mariage avec ses disciples. Or, on manqua de vin. Si nous sommes au début du mariage, c’est un drame ! Si c’est à la fin de la noce, cela signifie surtout que les invités auront bien bu. Quoi qu’il en soi, l’affaire semble sérieuse. Cela risque de gâcher la fête et la réputation des familles qui auront été chiches dans leurs prévisions et leur commande. Le cœur de Marie, cœur d’une mère qui aura sans doute renoncé à marier son propre fils, la pousse à intervenir : La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. » La première réaction de tout observateur de la scène serait de dire : de quoi se mêle-t-elle ? Et qu’est-ce que son fils peut bien y faire ? A moins qu’il ne soit négociant en vin et que sa boutique ne soit pas trop éloignée, on ne voit pas trop l’intérêt de la remarque. Ce n’est pas elle qui a organisé le mariage ; elle est une invitée comme les autres. Personne ne s’attend à ce qu’elle porte à l’attention de tous ce qui est embarrassant pour ses hôtes. Certes, c’est une noce ; il y a de la musique, des danses. Mais elle pourrait quand même être entendu par d’autres, et la mauvaise nouvelle pourrait faire taire musiciens et chanteurs pour faire parler les mauvaises langues et se répandre les rumeurs sur les familles invitantes. Ce n’est pas là l’objectif de Marie ! Nous connaissons sa discrétion ! Mais là où les hôtes n’attendent plus rien qu’une fin précipitée de la joie des noces, Marie attend quelque chose de son fils. D’où son intervention. 

        Ce qui surprend souvent, pour ne pas dire toujours, c’est la réponse de Jésus à sa mère : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. » Je n’ai pas beaucoup d’explication sur cette apparente sècheresse de la réponse. Mais il y a cette indication à retenir pour l’avenir : il y aura bien un jour une heure de Jésus. Il y aura un temps où il interviendra et où les choses changeront définitivement pour tous. Mais ce n’est pas ici et maintenant, à Cana en Galilée. Cette réponse ne démonte pas Marie. C’est une mère, elle connaît son fils.  Sa mère dit à ceux qui servaient : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. » Elle nous ouvre à l’espérance en nous invitant à l’obéissance. Et le signe que l’on connaît désormais sous le nom de signe de Cana peut avoir lieu. L’eau puisée est changée en vin ; la fête est sauvée ; la joie des hommes peut continuer. Ce premier signe de Jésus nous dit une chose fondamentale sur Dieu : il veut notre joie ! Il veut notre bonheur ! Et nous trouvons ce bonheur dans l’obéissance à sa parole. La parole de Marie (Tout ce qu’il vous dira, faites-le !), n’est pas une parole dite au hasard ; ce n’est pas une parole en l’air. C’est d’abord une parole qu’elle a vécue depuis toujours ; c’est la parole qu’elle a vécue quand l’ange lui a annoncé qu’elle serait la mère du Sauveur. C’est la parole qu’a vécue Joseph quand il a pris chez lui Marie, son épouse, toujours sur la parole de l’ange. Tous deux ont trouvé leur joie profonde dans cette obéissance à la parole de Dieu qui leur avait été adressée. En nous donnant cette parole, elle nous donne la voie à suivre pour trouver notre bonheur. 

        A quelqu’un qui m’interrogeait récemment sur l’utilité de la religion, ma réponse fut celle-ci : la religion permet à l’humanité de s’accomplir ; puisque Dieu lui-même a pris le chemin de notre humanité, c’est par notre humanité que nous parviendrons à Dieu. Et notre humanité n’est pas faite pour le malheur ; elle est faite pour la joie. Cet évangile qui nous relate les noces de Cana, commencement des signes que Jésus accomplit, nous le rappelle avec brio. Jésus n’est pas un embêtement de plus dans notre vie ; il est celui qui nous aide à sortir de nos embêtements et à retrouver la joie profonde qui devrait être notre quotidien, notre ordinaire. Dieu nous envoie vers les hommes, non pas pour les juger et les condamner, mais pour leur faire retrouver la joie profonde, la joie initiale que l’homme connaissait avant que le péché n’envahisse son cœur. 

        En ce temps-là, il y eut un mariage à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus aussi avait été invité au mariage avec ses disciples. Rassurez-vous, je ne vais pas reprendre l’histoire ; je viens de la parcourir avec vous. Mais si, au terme de mon homélie, je reprends le début de l’histoire, c’est pour nous rappeler à tous qu’il peut être le début de notre histoire avec Jésus. Il nous revient d’inviter Marie, Jésus et ses disciples dans notre vie, comme une présence discrète, mais agissante. En faisant tout ce qu’il nous dira, notre vie parviendra à son accomplissement : la joie véritable ; elle chantera la gloire de Jésus, et celles et ceux que nous côtoyons pourront croire en lui. Que se poursuivent donc les noces de Cana à travers nous ! Amen. 


samedi 11 janvier 2025

Baptême du Seigneur C - 12 janvier 2025

Le baptême de Jésus, une fête pour nous.







Avec le baptême du Seigneur, nous terminons le cycle des révélations ou des épiphanies de Jésus, Dieu fait homme. A Noël, il était révélé aux petits de son peuple ; à l’Epiphanie, les peuples du monde le découvraient, humble et caché, et l’adoraient. Aujourd’hui, Dieu le Père révèle Jésus à lui-même avec cette parole : Tu es mon Fils bien-aimé. Nous sommes bien loin de la crèche, le temps a passé, Jésus est adulte, il va commencer sa mission. L’évangéliste Luc poursuit sobrement le passage entendu par ces mots : Quand il commença, Jésus avait environ trente ans ; il était, à ce que l’on pensait, fils de Joseph, fils d’Éli, et se poursuit alors la généalogie de Jésus jusqu’à la mention fils d’Adam, fils de Dieu. Matthieu commençait son évangile par cette généalogie en partant d’Abraham ; Luc conclut toute la partie qui préparait Jésus à sa mission, depuis l’annonce de la naissance de Jean le Baptiste jusqu’à sa prédication dans le désert et le baptême de Jésus, par cette généalogie remontant le temps jusqu’au commencement. Il s’agit, dans l’un et l’autre cas, de bien inscrire Jésus dans l’histoire de son peuple. 

Peut-être faut-il rapidement rappeler ici que le baptême que Jésus reçoit de son cousin ne fait pas de lui un chrétien. Le baptême donné par Jean est un baptême de conversion, qui marque le désir de celui qui le reçoit de revenir vers Dieu. Nous en avons eu l’écho durant le temps de l’Avent, au deuxième et troisième dimanche. Jésus reçoit ce baptême, non pas parce qu’il a besoin de se convertir ; il reçoit ce baptême pour confirmer la mission de Jean. Ainsi, ceux qui sont venus vers lui peuvent être assurés d’avoir fait le bon choix, et que c’était la chose à faire pour se préparer à ce que Jésus va révéler aux hommes de Dieu, de sa miséricorde et de son amour. Jésus, en venant à Jean, reçoit la révélation de la part de Dieu, son Père, que ce qu’il a pu découvrir de lui est vrai. Souvenez-vous : c’est Luc déjà qui nous donnait à contempler Jésus au Temple au milieu des docteurs de la Loi, et affirmant à ses parents qu’il devait être chez son Père. Si entre temps cette pensée s’était estompée, Dieu vient lui redire qui il est et ce qu’il attend de lui. 

Mais si le baptême de Jésus n’est pas le baptême chrétien, pourquoi avoir invité aux différentes messes les familles qui ont célébré un baptême dans l’année écoulée ? Parce que le baptême de Jésus inaugure un temps nouveau et que nous entrons dans ce temps par notre baptême. Le baptême que nous recevons commence à faire de nous des chrétiens, des disciples qui appartiennent au Christ ; il nous identifie au Christ. Paul le rappelle à son ami Tite, dans l’extrait entendu en deuxième lecture : Par le bain du baptême, il nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint. Cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous en abondance, par Jésus Christ notre Sauveur, afin que, rendus justes par sa grâce, nous devenions en espérance héritiers de la vie éternelle. En renaissant et en étant renouvelés, nous recevons cette dignité nouvelle de fils et de filles de Dieu, et nous devenons en espérance héritiers de la vie éternelle. Cela veut dire que la vie éternelle, qui est la vie même de Dieu, est déjà en nous depuis notre baptême, mais pas totalement. Parce que si elle était totalement en nous, nous vivrions comme Dieu et Jésus, c'est-à-dire non marqués par le péché et la mort. Nous serons totalement dans cette vie éternelle, totalement plongés en lui, lorsqu’il nous appellera à partager sa gloire, grâce à son amour et à sa miséricorde. Paul le redit aussi à Tite : Lorsque Dieu, notre Sauveur, a manifesté sa bonté et son amour pour les hommes, il nous a sauvés, non pas à cause de la justice de nos propres actes, mais par sa miséricorde. C’est Dieu qui fait de nous ses enfants, par grâce, en exerçant sa miséricorde, et non parce que nous serions particulièrement bons ou gentils. Notre vie ici-bas consiste donc à vivre toujours plus, toujours mieux, cette vie qui nous vient de Dieu. Quand Dieu se fait homme en Jésus Christ, il nous redit que le chemin vers lui, c’est notre humanité, mais notre humanité marchant à la suite de Jésus ; notre humanité se laissant aimer par Dieu totalement ; notre humanité entendant l’appel à devenir, comme Jésus l’était depuis le commencement, son Fils bien-aimé ; notre humanité en qui Dieu trouve sa joie. Il n’y a pas d’autre chemin pour devenir saint que celui qui passe par une humanité qui cherche toujours plus et toujours mieux à s’accomplir telle que Dieu la veut. Le baptême qui fait de nous des disciples du Christ ne nous évade pas de notre condition humaine ; il nous y plonge pour que nous la menions à sa perfection en suivant Jésus et en accueillant la miséricorde de Dieu. 

En reprenant ce matin le rite de l’aspersion en mémoire de notre baptême, en proclamant dans un instant notre foi avec le credo baptismal, nous voulons marquer l’importance de ce jour où nous avons été appelés à la vie avec Dieu, et demander à Dieu de renouveler ainsi en nous la grâce de notre baptême. Qu’en cette fête du baptême de son Fils, il nous accorde de nous redécouvrir ses enfants, et nous donne une ferveur renouvelée pour marcher à la suite de Jésus, en qui il trouve sa joie. Que la joie de Dieu d’avoir Jésus pour Fils devienne notre joie de marcher avec ce Fils à la rencontre de notre Père commun. Amen.


 

samedi 4 janvier 2025

Epiphanie du Seigneur - 5 janvier 2025


 Soyons de ces étoiles qui se lèvent.




(Les mages suivant une étoile, image trouvée sur internet)




Le mystère de Noël, qui célèbre la révélation de Jésus à son peuple, représenté par les bergers, peuple qui attendait un Messie Sauveur, se poursuit aujourd’hui avec cette solennité de l’Epiphanie du Seigneur. Un moment tout à fait important pour nous, parce que ce mystère d’un Dieu fait homme se double d’un autre mystère que Paul nous explique dans sa lettre aux Ephésiens.

Frères, écrit-il, vous avez appris, je pense, en quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée pour vous : par révélation, il m’a fait connaître le mystère… Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Evangile. La naissance de Jésus, qui a eu lieu à un moment précis de l’histoire des hommes, de l’histoire d’un peuple, géographiquement et historiquement bien situé, cette naissance donc ne concerne pas que le peuple à qui il s’est révélé en premier. Il concerne tous les hommes, à travers le monde entier, et à travers le temps et l’Histoire. Jésus n’est pas venu pour sauver seulement ceux qui habitaient la Judée, la Galilée et la Samarie, quand l’empereur Auguste gouvernait à Rome et que Quirinius était gouverneur de Syrie. Non, cet événement de la naissance de Jésus allait concerner toute la terre et tous les temps. Nous sommes concernés par cette naissance au point que nous pouvons dire, plus de deux milles ans plus tard que Jésus est né pour nous sauver aujourd’hui. C’est cette réalité que nous célébrons en cette fête de l’Epiphanie. Jésus n’est pas juste un personnage remarquable du passé ; il a ou peut avoir un impact dans notre vie. Il vient pour nous, aujourd’hui ; il vient nous redire à nous aussi, comme jadis à ses compatriotes, que Dieu nous aime infiniment, que nous pouvons changer notre vie en mieux, que nous sommes sauvés par le sacrifice unique du Christ. Il vient nous dire à nous, aujourd’hui, que rien n’est jamais fini de l’espérance des hommes et que la grâce de sa naissance et de son incarnation s’étend jusqu’à nous, comme elle s’étendra demain aux hommes et aux femmes qui nous suivront. Quand Dieu entre dans le monde, ce n’est pas pour le petit monde d’une époque précise ; quand Dieu entre dans le monde, c’est pour aider ce monde à parvenir à son accomplissement. Et il accompagnera cet accomplissement tant qu’il le faudra. Dieu ne nous laisse plus seul en ce bas monde ; il est venu à notre rencontre en Jésus ; il continue de nous accompagner de son Esprit, jusqu’à la fin des temps, c'est-à-dire jusqu’à ce que nous le voyions tous dans la gloire de son Royaume. 

Dans l’Evangile, cette révélation de la naissance du Sauveur à tous les hommes se fait par la venue et l’adoration de ces mages venus d’Orient. Ils ont vu son étoile à l’orient et sont venus se prosterner devant lui. Les hommes de sciences embrassent la foi et adorent Celui qui leur a été mystérieusement révélé. Il y a des choses qui ne s’expliquent pas, mais qui se vivent. Ils entrent dans un mystère qui leur est étranger, avec joie et confiance. Ils font une longue route pour se prosterner devant lui. C’est le long chemin de la foi que nous sommes invités à faire. Ils n’ont vu qu’un signe lointain, une étoile se lever dans le ciel ; mais ils ont compris, derrière ce signe, que quelque chose de neuf venait de se produire. Leur longue route traduit leur espérance et leur foi. Comme eux, nous n’avons que des signes de la venue du Seigneur. C’est le témoignage de la foi de celles et ceux qui nous ont précédés, l’annonce de la Bonne Nouvelle faite par l’Eglise à travers les siècles, le témoignage de la charité de tant de saints qui ont donné leur vie à cause de Jésus. Tous ces signes nous mettent-ils en route comme eux ? Les mages ont vu une étoile, et cela a suffi. Que nous faut-il aujourd’hui ? Nos contemporains, qui ne croient pas encore ont ces mêmes signes et ils peuvent voir des communautés croyantes ; cela suffit-il à les convertir, à leur donner envie de se prosterner devant Jésus ? Nous pouvons tous être l’étoile de quelqu’un, par nos paroles, par notre témoignage de vie, par notre joie d’être au Christ. Soyons de ceux qui se lèvent pour que d’autres puissent croire et se mettre en route à la rencontre de Celui qui vient dans le monde des hommes pour leur apporter le Salut et la Paix. L’Epiphanie est leur fête, la fête de celles et ceux qui ne croient pas encore, mais qui peuvent se sentir inviter à marcher à la rencontre de Jésus. Ils peuvent aussi en lui, adorer leur Dieu, acclamer leur Roi et reconnaître leur Rédempteur (Préface de la Messe de la Vierge Marie à l’Epiphanie). Il y a encore tant d’hommes et de femmes qui cherchent un sens à leur vie, qui cherchent quelqu’un qui peut leur redonner de l’espérance et de la joie. Jésus est celui-là, mais en sommes-nous convaincus au point d’en témoigner toujours ? 

Si la fête de Noël est passée, l’esprit de cette fête ne peut s’éteindre, car Dieu ne cesse de venir à la rencontre des hommes. Que cette fête de l’Epiphanie nous donne de reconnaître Jésus comme Dieu et Rédempteur à frais nouveau ; qu’elle nous donne d’être des signes, des étoiles qui se lèvent, pour que le monde puisse croire, se convertir et devenir meilleur. Amen.