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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







dimanche 22 juin 2025

Fête du Corps et du Sang du Christ C - 22 juin 2025

 Adoration, communion : pourquoi les opposer ?



 

 

            Tout a commencé le 7 avril de cette année, dans la rubrique A vif, du journal La Croix. Un prêtre témoigne comment le pape Jean-Paul II a marqué des générations de prêtres dans le monde. Il dit entre autres : Jean-Paul II insistait sur la centralité de la prière dans la vie du prêtre. Ma génération cherche à développer une spiritualité, souvent nourrie par l’adoration eucharistique, une forte dévotion mariale et un attachement à la liturgie. Rien de révolutionnaire ni d’extravagant. Cela a pourtant entraîné des réactions de lecteurs interrogeant le positionnement de ce prêtre. Une personne par exemple s’interroge : Qu’est-ce qui est le plus important, la communion eucharistique – qui fait des fidèles le Corps du Christ pour qu’ils témoignent de l’amour de Dieu pour tous –, ou l’adoration eucharistique – pratique individualiste, qui n’est pas sans risque de déviance (fascination pour l’hostie, chosification de la présence réelle dans un morceau de pain) ? La fête du Corps et du Sang du Christ qui nous rassemble, est l’occasion toute trouvée pour éclaircir ce questionnement parce que justement, nous y ferons les deux : communier et adorer !

             Ma première réponse serait de dire : pourquoi opposer communion et adoration ? Parce que la première serait communautaire et la seconde individuelle ? Tout alsacien qui se respecte sait que l’adoration est aussi communautaire. Il peut en faire l’expérience chaque année lorsque son secteur est d’adoration au Mont Sainte Odile. Depuis 1931, les paroisses se relaient dans ce haut-lieu de la foi chrétienne en Alsace pour porter devant le Saint Sacrement exposé la prière pour l’Eglise diocésaine et pour le monde. Jour et nuit, nous nous relayons, deux par deux, pour assurer cette prière devant le Christ présent dans l’Hostie exposée. Est-ce dangereux que de vouloir être présent à Jésus ? Est-ce dangereux que de se mettre à l’écoute de Celui qui a livré sa vie pour notre salut ? Est-ce dangereux de se confier et de confier le diocèse et le monde à l’Amour exposé et adoré ? Je ne crois pas, sinon je n’y entrainerais pas des jeunes chaque année. Adorer le Saint Sacrement, c’est justement croire à cette présence continue du Christ qui nous stimule, stimule notre foi et nous tourne vers les autres. Nous venons devant lui, avec nos peines et nos joies, avec les visages de celles et ceux qui nous ont demandés de prier pour eux. Nous venons devant lui accueillir son amour, non pour le garder jalousement pour nous, mais pour le répandre et le transmettre. Adorer ne sert à rien si cela ne nous relie pas aux autres ; adorer ne sert à rien si cela nous replie sur nous-mêmes. Le « risque de déviance » existe, mais pas plus qu’avec la communion eucharistique !

             Si l’adoration est importante, la communion eucharistique l’est tout autant. Elle nous fait accueillir physiquement à travers ce Pain rompu et partagé, le Christ qui s’est livré pour nous. C’est le sens même voulu par Jésus : Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi. Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi. Faire mémoire, c’est plus que simplement se souvenir ; c’est rendre ce sacrifice unique, contemporain à notre vie. Et ce faisant, nous redisons le cœur de notre foi en Jésus qui s’est livré pour nous et dont nous attendons le retour.  Nous avons entendu Paul l’expliquer aux chrétiens de Corinthe : Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez à cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne. Le risque de chosifier le corps du Christ est tout aussi réel dans la communion que dans l’adoration. Je peux communier en ne pensant qu’à moi et à mon petit Jésus qui se livre pour moi, oubliant qu’il s’est livré pour la multitude ! Que la communion eucharistique construise le corps du Christ est une réalité à laquelle je crois, mais ce n’est pas pour autant que chacun en a conscience, ni même que chacun ait le désir de grandir dans l’Eglise et de la servir. La communion ne garantit pas davantage une ouverture et une attention aux autres. C’est toujours une question personnelle : est-ce que je reçois l’Hostie pour moi tout seul ou pour que le Christ nourrisse ma foi et me rende courageux sur le chemin de la mission, à la rencontre des frères et sœurs en humanité qu’il met sur ma route ?

             En cette solennité du Saint Sacrement, nous allons communier, non parce que nous l’avons mérité, mais pour redire notre attachement profond au Christ et notre désir de nous laisser envoyer par lui, dans le monde, pour y vivre notre foi. Il est le Pain qui nous fait vivre et nous met en relation avec lui et les autres. En cette solennité du Saint Sacrement, nous allons aussi processionner et prendre un temps d’adoration, à l’issue de la messe. Nous porterons le Christ au cœur de cette cité, au cœur de la vie des hommes et des femmes de notre temps. Ils nous regarderont ou pas ; ils apprécieront ou pas. Cela les concerne et ne nous empêchera pas de rappeler que l’homme, à cause de Jésus, vaut plus que ce qu’il pense, qu’il est appelé à une vie qui le dépasse et le fait grandir jusqu’à être capable d’assumer Dieu. Parce que oui, l’homme est capable de Dieu. Capable de l’accueillir dans sa vie par la communion ; capable de le laisser transformer sa vie par l’adoration. Communion et adoration nous rapprochent du Christ qui nous renvoie toujours vers nos frères et sœurs en humanité qui sont comme un reflet de sa présence à notre monde. La communion comme l’adoration nous renvoie vers l’humanité pour que nous la servions comme nous essayons de servir Dieu. Que cette solennité nous le fasse comprendre davantage. Amen.

 



dimanche 15 juin 2025

Très Sainte Trinité c - 15 juin 2025

Notre Dieu n'est pas un Dieu seul et solitaire.







 

            A peine sortis du temps pascal, nous allons, pendant deux dimanches, comme prolonger l’esprit de fête et l’approfondissement de la foi chrétienne. La fête de la Trinité qui nous réunit est l’obstacle majeur à un rapprochement avec les autres religions monothéistes. Leur argument principal : nous serions idolâtres et polythéistes. Nous attentons, avec cette affirmation que Dieu est UN en trois personnes, à l’unicité et la sainteté de Dieu. Autrement dit, le Dieu UN ne peut être que seul et solitaire.

             Autant le dire tout de suite : chrétiens, nous croyons au Dieu UN. C’est notre héritage judaïque d’abord. Nous partageons avec nos frères juifs, la foi en Dieu qui se révèle comme l’Unique. Avec les prophètes, nous redisons que Dieu est le seul Dieu, et qu’il n’y en a pas d’autres en face de lui. Il est le Dieu créateur de tout ce qui vit et Père de tous les hommes. Cela ne se discute pas. Et nous voyons bien, dans l’Ancien Testament, comment ce Dieu qui s’est révélé d’abord comme le Dieu d’un peuple particulier qu’il avait choisi, devient peu à peu le Dieu de tous les hommes. Israël est le peuple particulier de Dieu pour que les nations païennes, voyant Israël vivre avec le Dieu UN, soient séduites et choisissent de rejoindre le peuple que Dieu se donne. Les prophètes du retour d’exil ont cette certitude que Dieu appelle toutes les nations à s’unir autour de lui. C’est notre foi la plus profonde. Nous avons entendu, dans la première lecture, comment la Sagesse (autre nom de l’Esprit Saint) et Dieu ne font qu’un. A toutes les étapes de la création, la Sagesse est présente et fait la joie de Dieu : Je grandissais à ses côtés. Je faisais ses délices jour après jour, jouant pour lui à tout moment, jouant dans l’univers, sur sa terre, et trouvant mes délices avec les fils des hommes. Un Dieu en deux êtres distincts : le Créateur et l’Esprit du Créateur qui va à la rencontre des hommes pour qu’ils puissent connaître Dieu.

             Dans l’Evangile, Jésus, le Fils éternel du Père, atteste bien de la dimension trinitaire du Dieu UN. Tout ce que possède le Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. Le Père et le Fils ne font qu’un, ce qui est à l’un est à l’autre ; et l’Esprit se joint à eux, dans cette unité, pour faire connaître Dieu et sa Parole aux hommes. Si Dieu ne se révèle pas, comment les hommes le connaîtraient-ils ? Si Dieu n’est pas relation en lui-même, comment serait-il relation avec les hommes ? Si Dieu n’est pas relation d’amour en lui-même, comment l’amour de Dieu se communiquerait-il aux hommes ? Si Dieu était seul et solitaire, il n’engagerait pas sa vie avec l’humanité. Il resterait seul et solitaire. Et les hommes n’auraient aucun modèle valable pour les élever, les pacifier, les inviter à aimer plus que tout. L’amour solitaire est un amour replié sur soi, et non pas ouvert aux autres. C’est bien parce que le Père aime son Fils Jésus et qu’ils sont unis par le lien d’amour de l’Esprit Saint, que cet amour de Dieu peut nous être communiqué. Si Dieu n’est pas en lui-même amour vécu et partagé, les hommes n’apprendront pas de lui à être, à leur tour, amour vécu et partagé. Heureusement que Dieu est UN en trois personnes, s’aimant d’un amour absolu et éternel. Il permet ainsi aux hommes de comprendre la grandeur de l’amour quand il est partagé. Il est un exemple humain qui nous fait comprendre la Trinité : le mariage. L’homme et la femme, qui se sont librement choisis pour vivre ensemble, dans l’amour, ne font plus qu’un, tout en restant deux personnes distinctes. Ils partagent un amour qui les unit, mais ont chacun leur manière d’être présent au monde, qui les reconnaît différents, mais unis dans un même amour. Cette certitude vient de la foi en Dieu UN et Trine. Un seul Dieu qui a choisi différentes manières d’être présent au monde. Il est le Père de tous qui envoie son Fils en messager de sa Parole unique. Je ne dis rien de moi-même, dira Jésus ; ce que je dis, je l’ai entendu de mon Père. Et l’Esprit confirme, répand et fait comprendre cette Parole donnée par le Fils, dite à lui par le Père. Ils sont UN, ces trois-là, unis dans un même amour, unis dans une même divinité. Rien ne sépare le Père du Fils et de l’Esprit.

             Pour les chrétiens, célébrer la Trinité, c’est célébrer la grandeur et la bonté de Dieu qui se révèle à nous selon ce que nous pouvons recevoir et porter. Cette révélation de Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, est la pédagogie choisie par Dieu pour nous faire comprendre à quel point il nous aime, à quel point il est engagé définitivement avec toute l’humanité. Rien n’est impossible à Dieu. Il n’est pas Dieu seul et solitaire, mais Dieu de relation et d’amour, en lui et avec nous. Et c’est parce qu’il nous aime comme il aime son Fils, que nous devenons, à notre tour, fils et filles de Dieu, unis à lui par l’Esprit que le Fils a promis et qui a été répandu à la Pentecôte. Croyants au Dieu UN, il nous est impossible de renoncer à la foi en la Très Sainte Trinité, le Dieu Père, Fils et Esprit Saint, sauf à vouloir courir le risque de ne plus nous savoir aimés d’un amour plus fort que la mort, aimés d’un amour qui est allé jusqu’à la mort pour notre salut et pour le salut de tous les hommes. Ce qu’à Dieu ne plaise. Amen. 


lundi 9 juin 2025

Pentecôte - 08 juin 2025

 Pâques, l'expérience de la vie dans l'Esprit Saint.






 

            Aujourd’hui s’achève le temps de Pâques. Durant cinquante jours, nous avons approfondi ce mystère pascal à travers les différentes expériences qu’il nous propose de vivre. Avec la Pentecôte et le don de l’Esprit Saint, nous découvrons que le mystère de Pâques se poursuit dans notre vie quotidienne, car Pâques, c’est aussi l’expérience de la vie dans l’Esprit Saint, donné pour faire de nous d’authentiques disciples du Ressuscité, capables de rendre compte de l’originalité de la foi chrétienne.

            Lorsque nous lisons les évangiles qui relatent la vie des disciples à partir du matin de Pâques et que nous ouvrons le livre des Actes des Apôtres, nous pouvons presque pousser un ouf de soulagement quand vient le jour de la Pentecôte. Tout change avec cet événement singulier : un violent coup de vent, des langues qu’on aurait dites de feu qui se partageaient et se posèrent sur chaque Apôtre. Vous aurez noté que Luc ne parle pas de flamme, mais bien de langues de feu. La conséquence est immédiate : les bouches s’ouvrent, les langues se délient, la Bonne Nouvelle est annoncée. Chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit, si bien que chacun qui les écoute, les entend dans son propre dialecte, sa langue maternelle. Nous comprenons immédiatement ce que Jésus disait au soir de sa mort quand il affirmait à ses disciples que l’Esprit Saint que le Père enverra en [son] nom enseignera tout et il [nous] fera souvenir de tout ce que [Jésus nous a] dit. C’est la première conséquence d’une vie dans l’Esprit Saint : nous comprenons la Bonne Nouvelle et nous sommes capables de la répandre, de la dire à notre tour. 

            Nous pouvons alors faire un pas de plus et entendre ce que dit Paul aux chrétiens de Rome. L’Esprit Saint nous libère de l’emprise de la chair. Il nous fait vivre selon l’esprit du Christ. Vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Nous avons donc en nous, par le don de l’Esprit, toute la force nécessaire pour rester ce que nous sommes devenus par la mort et la résurrection du Christ : des fils et des filles de Dieu. L’Esprit [nous] fait vivre de la vie même de Dieu. Et cela ouvre notre espérance de vivre désormais pour toujours avec Dieu, mais si la mort limitera toujours notre passage sur terre. Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. La vie dans l’Esprit, c’est la vie dans cette espérance de vivre pour toute éternité avec Dieu et en Dieu, parce que le Christ, mort et ressuscité, vit en nous. La conséquence de cette vie dans l’Esprit, c’est le rejet, par tout croyant, de tout ce qui conduit au mal et à la mort. Croire en Dieu, c’est refuser de vivre dans le mal. Croire en Dieu, c’est refuser de rendre le mal pour le mal. Il n’est pas possible de dire, sous la conduite de l’Esprit Saint, que Dieu est notre Père, et en même temps de continuer à répandre le mal, le mensonge, la haine… Vivre dans l’Esprit, c’est aligner toute notre vie, nos paroles et nos actes, sur l’enseignement de Jésus donné dans l’Evangile.

            Un dernier mot concernant l’Esprit Saint. Il n’est pas donné pour nous accuser si d’aventure nous tombions malgré tout sur le chemin. Il n’est pas donné pour nous condamner. Il est donné pour prendre soin de nous. Il est notre Défenseur ; c’est ainsi que Jésus l’appelle, et non pas notre procureur. Il est le feu qui ravive en nous le désir de vivre selon notre baptême ; il est la force qui nous relève lorsque nous succombons à la tentation ; il est le vent qui nous pousse lorsque le chemin se fait difficile ; il est la lumière qui éclaire nos décisions ; il est l’huile qui assouplit nos relations ; il est le parfum agréable de la présence permanente de Dieu dans notre vie. Quand l’Esprit vous saisit, ne luttez pas contre lui, mais luttez avec lui et votre vie sera belle, et votre vie aura un avenir radieux.

            En cette fête de la Pentecôte, que l’Esprit renouvelle notre manière d’être disciples du Christ, pour qu’à travers nous, il puisse renouveler la face de ce monde qui en a bien besoin, dans les crises successives qu’il connaît. Invoquons chaque jour sa présence à notre monde, à notre vie, pour que nous puissions vivre cette expérience d’une vie dans l’Esprit Saint. Que notre prière quotidienne nous fasse implorer sa présence : Viens, Esprit Saint, en nos cœurs et envoie du haut du ciel un rayon de ta lumière. Amen.

samedi 31 mai 2025

7ème dimanche de Pâques C - 01er juin 2025

 Pâques, l'expérience du désir d'être avec Dieu.







 

            C’est un curieux dimanche que ce septième dimanche de Pâques. Coincé entre les deux solennités de l’Ascension et de la Pentecôte, on pourrait le prendre pour un petit dimanche sans importance, et pourtant les lectures qui lui sont affectées nous rappellent que le mystère de Pâques, c’est aussi l’expérience du désir d’être avec Dieu.

             La première lecture nous relate la fin tragique d’Etienne, le diacre, premier martyr à cause de sa foi au Christ Sauveur. Luc souligne habilement l’identification d’Etienne avec Jésus dans sa mort : les mêmes paroles prononcées que Jésus sur la croix, une mort violente en haine de son attachement à la personne de Jésus. Ceux qui pensaient être débarrassés de Jésus après l’avoir cloué en croix, ne peuvent qu’être excités contre ce prédicateur qui accomplissait parmi le peuple des prodiges et des signes éclatants. Manquant peut-être d’imagination, ou parce que cela avait bien fonctionné avec Jésus, ils ressortent les mêmes vieilles accusations : Cet individu ne cesse de proférer des paroles contre le Lieu saint et contre la Loi. Nous l’avons entendu affirmer que ce Jésus, le Nazaréen, détruirait le Lieu saint et changerait les coutumes que Moïse nous a transmises. La justice est expéditive, les pierres se mettent à voler et Etienne s’effondre avant de s’endormir dans la mort après avoir invoqué le nom du Seigneur : Seigneur Jésus, reçois mon esprit. Le désir profond d’Etienne est ainsi manifeste : il veut vivre pour toujours avec Celui qu’il a annoncé et servi. Il va à sa rencontre, sans haine pour ses persécuteurs ; seul compte Jésus et la vie avec lui.

             L’extrait du Livre de l’Apocalypse nous donnait alors à entendre quelques-uns des versets qui concluent ce livre, et donc toute la Bible. Cette annonce du retour du Christ dans la gloire, au jour du jugement, s’achève sur ce cri : Amen ! Viens, Seigneur Jésus ! C’est l’espérance chrétienne qui est ainsi exprimée. Nous désirons ardemment ce retour qui fera toute chose nouvelle. Là où Etienne allait à la rencontre de son Sauveur dans sa mort, les témoins de l’Apocalypse appellent le Christ à revenir. Le mouvement peut sembler contraire, mais c’est la même réalité qui est exprimée : le désir de l’humanité de vivre avec Jésus. Que nous allions vers lui ou qu’il vienne vers nous, le résultat est le même : une communion entre l’humanité sauvée et le Christ Sauveur. La question qui se pose alors à chacun est bien celle-ci : désires-tu être avec Jésus ?

             Dans sa grande prière sacerdotale au soir de sa mort, Jésus adresse déjà à son Père ce même désir pour l’humanité : Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Autrement dit, cette communion de l’humanité avec Dieu est fondatrice de la foi. Nul ne peut croire quand la division règne ; nul ne peut croire et être agent de division. Croire, c’est fondamentalement prendre le parti de Dieu, vivre avec lui, en lui, pas seulement au-delà de cette vie, dans le paradis, mais dès ici et maintenant. Et Jésus d’insister : Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. Notre désir d’être avec Dieu, avec le Christ, Jésus le fait sien : Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire. Et voilà comment notre désir profond d’être avec Jésus devient notre destinée, quand le Christ légitime notre désir et le fait sien. Rien ne pourra désormais jamais nous séparer de lui. Ce que nous osions à peine imaginer, il le veut et il le demande à Dieu. Parce que Dieu aime son Fils par-dessus tout, il l’exausera. Il ne lui a jamais rien refusé ; il ne va pas commencer maintenant ; nous pouvons en avoir la certitude.

             Désirer plus que tout être avec Dieu, avec Jésus. Voilà un noble désir à cultiver. Il est le fruit de ce temps pascal qui nous a donné de méditer le cœur de notre foi. Nous ne sommes pas obligés d’attendre le jour de notre mort pour confier notre âme à Jésus. Dès maintenant, nous pouvons lui demander de nous garder en communion avec lui pour que notre vie terrestre soit un témoignage de la puissance de son amour pour tous les hommes. Avec l’Esprit et l’Eglise, nous pouvons dire à Jésus, le Christ : Viens ! Viens dans ma vie ! Viens dans ce monde qui semble si souvent vivre comme si tu n’existais pas ! Viens, le monde a tant besoin de toi ! Viens, j’ai besoin de toi ! Amen.

mercredi 28 mai 2025

Ascension de notre Seigneur - 29 mai 2025

 Pâques, l'expérience d'un avenir possible. 




(L'Ascension, Andréa della Robbia, Terre cuite, vers 1495)



 

            Quarante jours ! Quarante jours que nous vivons de la joie pascale et que nous comprenons mieux la force de cet événement radicalement nouveau ! Et nous voici au jour de l’Ascension qui nous fait célébrer le retour du Christ, victorieux de la mort, auprès de son Père. Un événement qui marque à la fois une continuité et une rupture.

             Du point de vue de la vie de Jésus, l’Ascension est la continuité normale du mystère de Pâques. En fait, on peut dire que c’est un seul et même mystère. Après sa mort et sa résurrection, la demeure de Jésus ne peut plus être terrestre ; sa divinité ayant été pleinement révélée dans sa victoire sur la mort, sa place est désormais à la droite de Dieu, cette droite à laquelle il avait renoncé en venant dans le monde. S’étant abaissé en devenant homme, il est élevé au-dessus de tout, retrouvant la place qui était la sienne depuis toujours. Le Fils de l’homme, pour reprendre un des titres que les évangélistes attribuent à Jésus, est le Fils de Dieu. Et c’est bien l’événement de Pâques qui nous révèle cela.

             La rupture opérée par l’Ascension nous concerne, nous. Avec le retour du Christ auprès de son Père, nous ne le verrons plus avec nos yeux de chair. Le Christ est soustrait à [nos] yeux, pour reprendre l’expression du livre des Actes des Apôtres. Il ne nous reste de Jésus que sa Parole, le témoignage des Apôtres, l’eucharistie célébrée en mémoire de lui, et bientôt la venue du Défenseur, de l’Esprit Saint, que Jésus a promis d’envoyer quand il serait de retour chez son Père. Nous devons donc apprendre à vivre cette absence physique de Jésus en aiguisant le regard de notre foi qui nous le rend présent dans sa Parole et dans le Pain et le Vin partagés. Jésus est là, au milieu de nous dès lors que deux ou trois sont réunis en son nom. Jésus est là, dans sa Parole proclamée, expliquée et vécue par la communauté croyante. Jésus est là, dans le pain consacré et rompu, signe de sa présence éternelle et réelle à nos côtés. Avec son départ d’au milieu de nous, il nous faut désormais reconnaître sa présence dans sa Parole, dans les sacrements et dans le frère qu’il met sur notre route. Nous ne sommes pas orphelins ; nous devons juste apprendre à regarder autrement, à regarder mieux, pour découvrir Jésus et son visage dans celles et ceux qui croisent notre route. Nous sommes tous, les uns pour les autres, des Christo-phores, des porteurs du Christ au cœur de ce monde.

            Cette continuité et cette rupture que nous fait vivre l’Ascension, nous la vivons au cœur même de notre existence lorsque nous faisons le choix de devenir disciples du Christ et que nous recevons le baptême. Continuité parce que notre vie ne change pas ; c’est la vie que nous avons reçue de nos parents qui s’ouvre à quelque chose de neuf, à la présence de Dieu dans cette unique et même vie. Nous ne recevons pas une nouvelle vie, mais notre vie devient vie nouvelle, plus grande, plus accomplie parce que désormais, par le baptême, Dieu y est présent, Dieu y est reconnu. Par le baptême, Dieu est chez lui en étant présent en nous. Nous continuons notre vie, mais avec Dieu et son Christ, présents en nous par l’Esprit. Mais notre baptême est aussi une rupture parce que, ayant choisis Dieu, nous avons renoncé au Mal, nous avons rompu avec l’esprit du monde. Nous vivons dans le monde sans être du monde, selon l’enseignement de Jésus dans l’évangile de Jean. Nous vivons dans le monde, tel qu’il est, à notre époque que nous n’avons pas choisie. Mais nous ne partageons pas l’esprit du monde quand celui-ci s’oppose à Dieu ; nous ne partageons pas l’esprit du monde quand celui-ci s’oppose à la Vie ; nous ne partageons pas l’esprit du monde quand celui-ci s’oppose à le Vérité ; nous ne partageons pas l’esprit du monde quand celui-ci réduit l’homme à une simple donnée économique, voire à une variable d’ajustement. L’homme, tout homme, a la grandeur même de Dieu puisque le Christ s’est livré, non pas seulement pour ses disciples, mais pour toute l’humanité qui désormais peut partager la grandeur de Dieu. En ce sens, Pâques est l’expérience d’un avenir possible. Au plus sombre de notre vie est révélée la grandeur de l’humanité créée à l’image et à la ressemblance de Dieu. Le Christ, en se livrant pour notre salut, nous ouvre à cet avenir désormais possible pour chacun d’une vie auprès du Père, là où le Christ entre aujourd’hui justement.

             Il est particulièrement heureux que Marcel soit baptisé au cours de cette eucharistie en jour solennel. Il nous permet d’être témoins de cette continuité et de cette rupture qu’instaure l’Ascension de Jésus. Au cœur de notre rassemblement, il sera reconnu pour ce qu’il est depuis sa naissance : fils de Dieu. Et nous redirons ensemble, avec ses parents, parrain et marraine, que nous voulons vivre loin du mal et que nous voulons être pour lui et avec lui témoins qu’une vie libérée du mal est possible. Cette rupture est fondatrice de ce nouveau monde que le Christ inaugure dans sa mort et sa résurrection et que nous avons à rendre présent ici-bas déjà. Notre vie auprès du Père, c’est ici-bas que nous la commençons. Un monde libéré du mal et tourné vers Dieu, c’est ici-bas que nous le construisons. Entre rupture et continuité, notre avenir est possible, l’Ascension qui nous rassemble nous le confirme. Amen.

samedi 24 mai 2025

6ème dimanche de Pâques C - 25 mai 2025

 Pâques, l'expérience de la paix retrouvée.







 

            Il n’y a pas à en douter : les événements qui ont eu lieu autour de la Pâque juive qui a vu la mort de Jésus, ont profondément bouleversé les disciples, au point que la tranquillité d’esprit et la paix du cœur les ont quittés. Les témoignages ne manquent pas au sujet des disciples craintifs et désemparés au lendemain de la mort de leur Maître. Les premiers mots du Ressuscité apparaissant à ses disciples au soir de Pâques exprimaient le souhait profond du Christ pour les hommes : La paix soit avec vous.

         Lors de son dernier repas avec ses disciples, juste avant son procès, Jésus les avait préparés à ce chambardement. Dans son long discours, il avait déjà offert le don de la paix à ses amis qui auraient à affronter l’injustice et la violence des hommes. Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Une parole dont Jean se souviendra quand il écrira son Evangile des années plus tard, comprenant l’importance de ce don. Au moment où Jésus prononce ces mots, ils sont noyés au milieu d’autres mots ; mais ils feront pleinement sens après la résurrection de Jésus, quand l’angoisse et la peur de subir ce qu’a subi le Maître seront au plus fort. Pâques, c’est aussi l’expérience de la paix retrouvée dès lors que les disciples reconnaissent que la croix n’est pas la fin de l’histoire de Jésus. Cette paix que Jésus laisse à ses Apôtres, ce n’est pas juste l’absence de conflits, mais la certitude que nous ne sommes pas seuls quand survient l’épreuve. C’est la paix de ceux et celles qui savent que les événements du monde sont dans la main de Dieu. C’est cette noble assurance que rien, pas même la mort, ne peut nous séparer de Dieu. C’est une paix profonde qui s’installe dans notre cœur et qui nous garde dans l’espérance de jours meilleurs. Elle n’empêche pas les conflits, y compris au sein de la communauté des croyants ; elle permet de les dépasser et de trouver une issue à ceux-ci. Plus que jamais, il nous faut cultiver ce don que Dieu nous offre en Jésus, mort et ressuscité pour nous.

 A ceux qui ne savent comment faire, est laissé l’exemple de la jeune communauté chrétienne lorsqu’elle est troublée par quelques-uns qui voudraient imposer la circoncision selon la coutume qui vient de Moïse. Ce n’est pas juste une querelle entre anciens et modernes, entre tenants de la Tradition et tenants d’une voie nouvelle. Ce qui est en cause, c’est l’existence même de la jeune communauté qui appartient au Christ, et la foi en la résurrection. Ce qui est questionné par ce trouble, c’est de savoir qui sauve : un acte (la circoncision) ou une personne (Jésus, le Fils de Dieu). Si c’est l’acte qui l’emporte, alors Jésus est mort pour rien et notre foi est vaine. Devant ce trouble majeur, qu’a fait la jeune communauté ? Elle s’est réunie, elle a écouté les uns et les autres, elle a cherché à comprendre mieux ce que Dieu lui a dit à travers les récents événements : Pierre invité chez Corneille, le centurion romain ; Paul et Barnabé et leur premier voyage missionnaire aux périphéries du monde juif. Les croyants ont prié, se sont mis à l’école de l’Esprit Saint et ils ont décidé avec lui : L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé… osent-ils écrire ! Et ils ont pris cette décision à l’unanimité.  Voici comment la jeune communauté troublée a retrouvé le don de la paix que le Christ lui a laissé. Non pas en excluant, non pas en jetant des anathèmes, mais en écoutant, en priant, en décidant ensemble. La paix qui vient de Dieu se construit ainsi. Toujours. Il n’y a ni vainqueur, ni vaincu, mais un grand gagnant : l’Esprit Saint que les disciples laissent agir, et une récompense : la paix retrouvée. Et ça, c’est l’œuvre du mystère de Pâques, puisque l’Esprit Saint et la paix sont les dons promis par Jésus lui-même au soir de sa mort : Le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. La paix à la manière du monde, c’est le triomphe du plus fort en gueule sur le plus faible ; la paix à la manière de Jésus, c’est un chemin cherché et accepté ensemble.

 Le huit mai dernier, au moment où le monde célébrait la fin de la seconde guerre mondiale, l’Esprit Saint donnait à l’Eglise un nouveau pasteur qui a repris, comme ses tous premiers mots au monde, le souhait du Ressuscité à ses disciples au soir de Pâques : La paix soit avec vous. Et il ajoutait : Ceci est le premier salut du Christ ressuscité, le bon berger qui a donné sa vie pour le troupeau de Dieu. Je voudrais moi aussi que ce salut de paix entre dans nos cœurs, qu'il parvienne à vos familles, à toutes les personnes, où qu'elles soient, à tous les peuples, à toute la terre. Que la paix soit avec vous. C'est la paix du Christ ressuscité, une paix désarmée, et une paix désarmante, humble et persévérante, elle vient de Dieu, Dieu qui nous aime tous, inconditionnellement. A la suite du Ressuscité, le pape Léon XIV fait de la paix la feuille de route de l’Eglise pour les années à venir. Prions pour que cette paix du Ressuscité envahisse le cœur des hommes et transforme notre monde. Amen.

 

5ème dimanche de Pâques C - 18 mai 2025

 Pâques, l'expérience d'un amour à accueillir et à vivre.




(Source : Aimez-vous ! | 1001 versets)

 

            Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. C’est peu dire que Jésus insiste, lourdement, lorsqu’il offre à ses disciples, au soir de sa mort, ce nouveau commandement, son unique commandement. Nous n’avons entendu que quelques versets de cette commande à aimer, mais ils suffisent à nous faire comprendre l’urgence de nous laisser aimer et l’obligation d’aimer à notre tour. Parce que depuis que Jésus a donné sa vie sur la croix, depuis que son Père l’a ressuscité, nous n’avons plus le choix : nous devons aimer. La fête de Pâques que nous célébrons durant cinquante jours, et dont nous faisons mémoire en chaque eucharistie, c’est l’expérience d’un amour à accueillir et à vivre.

             L’amour que Jésus nous commande d’avoir, c’est d’abord un amour à accueillir. C’est un don, le don ultime de Jésus aux hommes lorsqu’il marche vers sa mort. Il nous dit ainsi que sa mort n’est pas sa défaite et donc la victoire de ses adversaires. Non, sa mort est une offrande libre pour notre vie, pour la vie de toute l’humanité, à travers le temps et l’Histoire. En levant les yeux vers la croix, discernons-nous bien cet amour immense de Dieu pour les hommes ? Et acceptons-nous que Dieu nous aime jusque-là, c'est-à-dire jusqu’à offrir son Fils pour que nous puissions vivre ? Quand quelqu’un dit qu’il ne croit pas, il dit en réalité qu’il ne veut pas être aimé de Dieu, il ne veut pas de cet amour qui va jusqu’à donner sa vie. Car si les hommes acceptaient cet amour de Dieu, ils croiraient ! Ne pas reconnaître l’existence de Dieu, c’est refuser la force d’un amour qui aime à en mourir. Ne pas reconnaître l’existence de Dieu, c’est faire de l’amour un simple sentiment humain, passager et vague, qui disparait quelquefois aussi vite, sinon plus vite, qu’il est apparu. Reconnaître l’existence de Dieu, c’est reconnaître que l’amour n’est pas un sentiment, mais un don à accueillir, un don qui nous précède toujours, un don qui ne s’efface jamais. L’homme qui croit en Dieu, reconnait qu’il est aimé de Dieu, malgré ses faiblesses, malgré son péché. Dieu ne peut pas s’empêcher d’aimer l’humanité. Et il n’y a pas de péché assez grand que l’humanité puisse faire qui empêcherait Dieu de l’aimer. C’est cela, aimer à en mourir !

             Cet amour qu’il nous faut accueillir, nous ne pouvons le garder pour nous. Ce n’est pas un don égoïste ; c’est un don à partager, largement. L’amour de Dieu pour nous ne diminue pas à force de le partager ; au contraire, il augmente. Plus nous donnons à d’autres l’amour que nous aurons accueilli, plus cet amour grandira. L’amour dont Dieu nous aime est inépuisable, inaltérable. Nous serons toujours aimés de Dieu, car Dieu est amour. C’est le grand enseignement de l’Apôtre Jean. Il signifie que parler de Dieu, c’est répandre l’amour. Agir au nom de Dieu, c’est répandre l’amour. Si donc quelqu’un prétend parler ou agir au nom de Dieu alors que ce qu’il dit ou fait ne pousse pas les hommes à aimer mieux, celui-là ne parle pas et n’agit pas au nom de Dieu. Le nom de Dieu ne peut pas servir à répandre la haine. Le nom de Dieu ne peut pas servir à répandre la division. Le nom de Dieu ne peut pas servir à répandre le mal. Le nom de Dieu ne peut pas servir à donner la mort. Le nom de Dieu, c’est Amour. Dieu est Amour ; Dieu = Amour. Tout ce qui n’est pas amour, n’est pas de Dieu. Point. Il faut que cela soit clair pour tous. L’amour est le critère ultime de la qualité de disciple : A ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. Et pas seulement pour les autres qui nous sont semblables, qui croient comme nous, vivent comme nous, mangent comme nous, votent comme nous… Il nous faut bien entendre les uns pour les autres, comme les uns pour [tous] les autres [que Dieu met sur la route des uns et des autres]. L’enseignement de Jésus à ses disciples, dès le début de son ministère, ne disait -il pas qu’il fallait aussi aimer nos ennemis ? Il y a une continuité et une logique évidente dans son enseignement.

             Et je me rends compte soudain qu’il devient difficile, voire risqué de terminer cette homélie. Je ne voudrais pas laisser croire qu’en arrêtant l’homélie, nous puissions arrêter pareillement d’aimer. Il n’est jamais possible d’arrêter d’aimer de cet amour dont Dieu nous aime, et si je vais, pour aujourd’hui, taire mon propos, je ne vais arrêter ni d’accueillir l’amour dont Dieu m’aime, ni de partager cet amour dont je me sais aimé. Aimons, puisque l’amour vient de Dieu et que notre prétention est d’être à lui. Aimer n’est donc pas un choix, c’est un devoir d’état. Amen.

samedi 10 mai 2025

4ème dimanche de Pâques C - 11 mai 2025

 Pâques, l'expérience de l'unité retrouvée.





 

            Christ est ressuscité, alléluia ! Ce cri est le moyen le plus sûr, le plus efficace de dire le mystère de Pâques. Celui qui était mort, désormais il est vivant. Et nous voyons, dimanche après dimanche, ce que Pâques signifie. Ce cri du premier jour de la semaine, nous devons en comprendre toutes les conséquences pour notre vie, ou alors le mystère de Pâques ne nous concerne pas et Jésus est mort pour rien. Pâques, c’est un cri, c’est une rencontre, c’est un amour qui s’ajuste à nous. Ce quatrième dimanche de Pâques vient nous dire que Pâques, c’est aussi l’expérience de l’unité retrouvée.

             Jésus l’affirme dans l’évangile de Jean : Le Père et moi, nous sommes UN. Il aura l’occasion, lors de son grand discours au soir de sa mort d’expliquer aux Apôtres la portée de cette affirmation. Pour faire simple, rien de ce que dit ou fait Jésus n’a son origine en-dehors de sa relation à son Père. Ecouter Jésus, c’est écouter Dieu. Voir Jésus, c’est voir Dieu. Vivre avec Jésus, c’est vivre avec Dieu. Il n’y a pas l’ombre d’un écart entre le Père et le Fils. Le Fils fait et dit ce que demande le Père ; le Père approuve ce que dit et fait le Fils. Ne cherchez pas à les séparer, vous n’y réussirez pas. Par sa résurrection, Jésus, en nous faisant entrer dans la vie divine, nous fait entrer aussi dans cette unité. Si nous sommes frères et sœurs de Jésus par la foi, nous sommes fils et filles de Dieu par la même foi. Notre art de vivre doit dire désormais quelque chose de cette unité que nous partageons avec le Père et le Fils. Il faut bien écouter Jésus quand il dit : Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent… Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père. Le pape Léon XIV qui vient de nous être donné le proclame à sa manière quand il dit dans son premier discours : Dieu nous aime tous, et le mal ne prévaudra pas, comprenons bien : le mal ne gagnera pas ! Il ne peut pas gagner parce que par sa mort et sa résurrection, le Christ nous a définitivement fait entrer dans cette unité qui existe en Dieu.

             Dans les Actes des Apôtres, nous voyons petit à petit comment cette unité, qui est en Dieu, s’étend à toute l’humanité au fur et à mesure que les Apôtres ouvrent leur prédication à tous ceux et celles qui veulent entendre leur parole et se laissent toucher par elle, quand bien même ils ne sont pas du peuple premier que Dieu s’est choisi. Pierre le rappelle dans son discours, et nous ferions bien de prendre ce discours pour nous. Parce que l’Eglise n’a pas remplacé la Synagogue et que le reproche que Pierre fait aux Juifs de son temps, il pourrait sans doute le refaire à nous aujourd’hui. Le commandement que le Seigneur nous a donné est le même : J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. Nous portons, avec nos pères dans la foi que sont les Juifs, la responsabilité de dire Dieu aux hommes. Notre baptême nous en donne mission. Vivre cette unité qui vient de Dieu, et accueillir dans cette unité, c’est le sens même de la mission de l’Eglise, et donc de la mission de chaque baptisé. Comme le disait en son temps le pape François, nous ne pouvons pas être les douaniers de la foi, nous devons être les hérauts de l’Evangile. Ce n’est pas quand une vie est enfin ajustée à Dieu, qu’il faut dorénavant lui parler de l’Evangile. Mais c’est parce que nous parlons et nous vivons de l’Evangile, que nos vies, et les vies de ceux qui nous voient et nous écoutent, peuvent s’ajuster à Dieu. Jésus peut affirmer qu’il est Un avec Dieu parce qu’il ne cesse de dire la Bonne Nouvelle du Salut. Dans les Actes des Apôtres, ceux qui entendent Pierre ne sont pas dans la joie parce qu’il leur dit qu’ils ont une vie parfaite, mais parce qu’ils entendent une parole : en entendant cela, les païens étaient dans la joie et rendaient gloire à la parole du Seigneur. C’est parce qu’ils entendent cette Bonne Nouvelle qu’ils deviennent croyants.

             Nous avons encore une belle image de ce mystère de Pâques comme expérience de l’unité retrouvée dans le livre de l’Apocalypse. Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, et le servent, jour et nuit, dans son sanctuaire. Celui qui siège sur le Trône établira sa demeure chez eux. Peut-on mieux dire l’unité que par cette image de Dieu qui habite chez nous ? C’est le mystère de Pâques, le mystère du sang répandu de l’Agneau, qui fait cela. Ce n’est pas en vain que l’Eglise affirme que le mystère de Pâques est au cœur de notre foi. De lui, tout découle : notre foi, notre art de vivre avec Dieu, notre art de vivre avec les autres en qui Dieu est présent. L’unité des croyants, et par-delà l’unité du genre humain, n’est donc ni une lubie, ni un luxe, ni un détail : elle est un marqueur du disciple authentique du Christ, qui a livré sa vie pour tous les hommes, afin qu’ils croient et se convertissent, c'est-à-dire qu’ils ajustent leur vie à l’œuvre de Dieu.

             L’eucharistie qui nous rassemble est sacrement d’unité parce qu’elle nous fait manger au même pain, boire à la même coupe. Communier, c’est aussi dire par un acte simple (partager le Corps du Christ) que nous voulons vivre l’unité. Que l’eucharistie de ce dimanche renouvelle ce désir d’unité et notre capacité à le vivre concrètement. Amen.


samedi 3 mai 2025

3ème dimanche de Pâques C - 4 mai 2025

Pâques, l'expérience d'un amour qui s'ajuste à moi.






Il a osé, il ne recule devant rien ! En publiant sur son propre réseau social, puis sur celui de la présidence américaine, cette photo où on le voit habillé comme un pape, cet homme prouve à tous ce que l’on supposait déjà : il ne respecte rien, ni personne ; tout ce qui compte, c’est qu’il puisse se mettre en avant et provoquer. Tout le contraire de ce qu’il aimerait incarner. Il l’avait dit la veille à un journaliste qui l’interrogeait : « J’aimerai être pape. Ce serait mon choix numéro un ». Sa mine sévère sur la photo le place à mille lieux de ce que les hommes sont appelés à découvrir de Dieu à travers celui qu’Il donnera comme pasteur à son Eglise. Il n’y a ni amour, ni tendresse, juste de l’arrogance et de la soif de pouvoir. Tout ce que nous ne devons ni imiter, ni désirer. Heureusement pour nous, c’est Dieu qui choisira le prochain pape. 

Il a osé, il ne recule désormais devant rien ! C’est ce que nous pouvons dire en voyant la certitude de Pierre lorsqu’il répond au grand prêtre : Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Il sait maintenant, par expérience, qu’il y a plus à attendre et à espérer de la part de Dieu que des hommes, fussent-ils ceux qui le servent et qui prétendent agir en son nom. Il est loin le temps où Pierre affirmait ne pas connaître celui qui alors passait en jugement avant d’être exécuté sur le bois de la croix. Il a fait l’expérience de l’amour et de la tendresse infinie de Dieu envers lui ; il affirme avec audace que le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus… c’est lui que Dieu, par sa main droite, a élevé, en faisant de lui le Prince et le Sauveur, pour accorder à Israël la conversion et le pardon des péchés. Avec les Apôtres, il est tout joyeux d’avoir été jugé digne de subir des humiliations pour le nom de Jésus. Il a accepté ce que disait Jésus : le disciple n’est pas au-dessus de son maître, et que le chemin que Jésus a emprunté pour nous sauver est chemin de vie pour les hommes qui croient en lui. Rien ne peut faire peur a celui qui se sait déjà sauvé et toujours aimé. 

Il a osé, il ne recule devant rien, Jésus, lorsqu’il parle avec Pierre sur le bord de la mer de Tibériade. Après s’être fait reconnaître par ses disciples et avoir partagé avec eux un repas, il prend à part celui qui avait renié, et par trois fois l’interroge : Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? La première fois en demandant s’il l’aime vraiment, plus que ceux-ci, c'est-à-dire plus que les autres ! La deuxième fois en lui demandant s’il aime vraiment. La dernière fois s’il l’aime, tout simplement, sans rien ajouter de plus. La langue française rend très mal la profondeur de ce dialogue qui joue sur différents verbes grecs qui parlent d’amour. Le texte original nous montre l’audace de Jésus et ce qu’il fait pour nous. En effet, dans sa première question, Jésus demande à Pierre : m’aimes-tu d’amour agapè, autrement dit, de charité, de cet amour qui va jusqu’au don ultime, de cet amour dont Jésus a fait montre sur la croix. Et Pierre répond : je t’aime d’amour philia, c'est-à-dire : je t’aime d’amitié. Ce n’est pas la même chose. D’où sans doute la deuxième question : Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? toujours en parlant de l’amour agapè, histoire de vérifier que Pierre a bien compris la question. Et Pierre de répondre encore qu’il aime Jésus comme un ami. Et l’on entend Jésus qui ne se décourage pas et qui n’abandonne pas. La troisième fois, Jésus l’interroge : Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? en utilisant le verbe qui dit l’amour philia, l’amour d’amitié. Et Pierre, bien que peiné, lui répond : Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime, en utilisant toujours l’amour d’amitié. Comprenez-vous ce que Jésus a fait pour Pierre, et qu’il fait pour chacun de nous ? Il l’interroge d’abord en lui demandant la plus haute forme d’amour, parce que c’est ainsi qu’il aime Pierre, c’est ainsi qu’il nous aime. Et devant l’impossibilité répétée de Pierre, soit de comprendre la question, soit de répondre par le même amour, Jésus abaisse ses prétentions, Jésus se met à portée de Pierre : puisque ce dernier semble bloqué sur le registre de l’amour d’amitié, Jésus va là où est Pierre. Il ne lui reproche pas ce qu’il ne peut pas donner pour l’instant. Il prend ce que Pierre peut lui donner ; il prend l’amour que nous pouvons lui donner, et tant pis si cet amour n’est pas parfait. 

Il a osé, il ne recule devant rien pour nous dire son amour. Et si nous avons du mal à comprendre combien nous sommes aimés de Dieu, et si nous avons du mal à comprendre la croix comme signe de l’amour de Jésus pour nous, Jésus s’abaisse encore. Il nous dit l’idéal à atteindre à travers ses premières questions ; mais il nous offre, avec sa dernière interrogation, une porte de sortie à notre mesure pour que nous ne reculions jamais devant la nécessité d’aimer. En fait, il nous dit qu’il n’est pas nécessaire d’aimer tout de suite d’un amour absolu pour commencer à aimer Dieu, pour commencer à aimer les frères qu’il met sur notre route. Ce qui compte, c’est justement que nous commencions à aimer, même si ce n’est que d’amitié. L’amour s’exerce, l’amour grandit : quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture ; une manière peut-être de nous dire que nous apprendrons, avec l’âge, à faire confiance, à nous laisser faire, à aimer autrement. Alors aimons comme nous pouvons, en attendant d’aimer comme Dieu nous aime. C’est tout ce qui importe. Ne désespérons ni de nous, ni des autres, et surtout pas de Dieu. Il nous accompagne dans notre apprentissage de l’amour ; il nous a donné son Fils en exemple vivant de l’amour parfait. A l’écouter, à le suivre, nous finirons peut-être par savoir aimer comme il nous aime. Et si d’aventure nous n’y arrivions pas, il porterait quand même à notre crédit nos essais d’aimer, même s’ils sont petits, même s’ils peuvent nous paraître insignifiants. En se mettant à portée de Pierre, Jésus nous dit qu’il n’est jamais insignifiant d’aimer, que c’est toujours ce qu’il faut faire, même imparfaitement, même petitement. 

        C’est cela la beauté de Pâques ; c’est la beauté de l’amour divin qui s’ajuste à nos capacités pour que pas un ne se décourage, pour que pas un ne puisse dire : cela ne me sert à rien d’aimer puisque je n’arrive pas à aimer comme Dieu attend que j’aime. Aimer comme Dieu nous aime est le résultat d’un compagnonnage avec Jésus ; il y faut plus ou moins de temps, beaucoup de patience, beaucoup d’essais, beaucoup de pardon aussi. Commencer à aimer par contre est le résultat d’un choix, qui peut se faire ici et maintenant, pour chacun de nous. Et si à notre tour, nous osions et ne reculions devant rien pour aimer toujours, pour aimer chacun, même juste un tout petit peu ? Chiche, on essaie ? Amen. 


samedi 26 avril 2025

2ème dimanche de Pâques C - 27 avril 2025

 Pâques, l'expérience d'une rencontre.


(Jésus ressuscité et Thomas, image trouvée sur internet)



Depuis la nuit de samedi dernier, et pendant toute cette octave, nous avons pu lire dans les évangiles, différents récits d’apparition du Ressuscité à ses disciples. Et nous avons pu constater que malgré le témoignage des bénéficiaires de ces apparitions, la foi en la résurrection était difficile à intégrer. L’évangile de ce deuxième dimanche de Pâques n’échappe pas à cette règle. 

Nous sommes au soir de Pâques, au soir d’une journée au cours de laquelle Jésus est apparu à Marie-Madeleine (seule ou accompagnée d’autres femmes selon les évangélistes) ainsi qu’aux disciples en chemin vers Emmaüs. C’est dans la matinée de ce jour que Pierre et Jean ont couru au tombeau, vérifier les dire de la première citée. Cette course au bout de laquelle le disciple que Jésus aimait vit et cru, alors que Pierre restait perplexe, voyant les mêmes signes, à savoir les linges posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. Quelques heures ont donc passé, et nous dit Jean, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Nous aurions pu nous attendre à un « youpi, il est ressuscité », quelques sauts de joies et des confetti, mais rien de tout cela. Au moment où il apparaît, il ne se passe rien. Il faudra une parole de sa part et la vue de ses mains et son côté pour que les disciples soient remplis de joie. Il ne suffit pas qu’il se montre, il faut qu’il se fasse reconnaître par quelques signes extérieurs pour qu’enfin cela fasse tilt dans leurs têtes. Le problème, c’est que Thomas n’était pas avec eux quand Jésus est venu. Ce n’est pas bien grave, me direz-vous, ils sont dix contre un ; ils vont bien arriver à le convaincre. Après tout, Jésus n’a-t-il pas soufflé sur eux l’Esprit Saint ? Et bien, ce qui devait se faire, ne se fait pas ! Thomas s’entête devant la joie débordante des dix autres : Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! Quand on est têtu, on est têtu ! Nous avons entendu la suite, huit jours plus tard, tout est rentré dans l’ordre sans qu’il ne mette ses doigts nulle part, alors même que Jésus l’y invitait. Que s’est-il passé ? Que manquait-il à Thomas ?

Des générations de prédicateurs semblent dire qu’il lui manquait la foi ; Jésus lui-même semble aller dans ce sens quand il dit : Cesse d’être incrédule, sois croyant ; ou encore un peu après : Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. Est-ce vraiment la foi de Thomas qui est en cause ? Pour une part, peut-être ; mais ce qui est plus fondamental pour moi, ce qui est en cause, c’est le témoignage des dix. Il n’a pas permis à Thomas de faire ce que les autres ont fait quand ils ont vu Jésus ce premier soir ; il n’a pas fait l’expérience de Jésus ressuscité. Et Pâques, c’est d’abord cela. Faire l’expérience que Jésus, celui qui était mort, est bien vivant désormais. Quand il fait cette expérience, il n’a plus besoin de mettre ses doigts ou sa main dans les marques de la Passion ; il croit en s’écriant : Mon Seigneur, et mon Dieu, ce qu’aucun autre disciple n’a fait. Je comprends qu’il fallait la figure de Thomas pour les générations à venir. Jésus n’allait pas faire apparition sur apparition pour que les hommes, à travers le temps et l’Histoire croient en lui. Thomas, c’est chacun de nous aujourd’hui, qui n’a pas fait la rencontre en direct live de Jésus ressuscité, mais qui croit sur parole. Toutefois, cet épisode nous rappelle à deux essentiels.

Le premier essentiel, c’est que les mots de la foi que nous avons appris ne restent pas juste des mots appris, enfermés dans notre intelligence ; il faut que ces mots descendent dans notre cœur. Ils doivent devenir les mots qui nous font vivre, quotidiennement. Avant d’être des mots à savoir, ils sont des mots à expérimenter. Apprendre son catéchisme, c’est bien ; vivre de ce que le catéchisme nous apprend, c’est préférable si nous voulons que la foi soit au cœur de notre vie. Le défunt pape François n’a cessé, durant son pontificat, de nous rappeler cela, de remettre la foi au cœur de notre vie, de la faire descendre de notre cerveau vers notre cœur, en passant par nos mains et nos pieds. Quand il nous invitait à aller aux périphéries, il nous invitait à vivre notre foi. Quand il nous pressait à l’accueil des migrants, il nous pressait à vivre notre foi. Quand il nous disait de ne pas juger ceux qui ont une sexualité différente, il nous disait de vivre notre foi. Quand il nous demandait de vivre une Eglise plus synodale, il nous demandait de vivre notre foi. Et la liste est longue encore des moyens très concrets de vivre notre foi, c'est-à-dire de faire en sorte que notre foi descende de notre cerveau vers notre cœur. 

Et cela nous amène au deuxième essentiel. Pour que nos contemporains puissent faire ce chemin d’une foi intellectuellement comprise à une foi vécue, nous devons soigner notre art de vivre et de témoigner de lui. Si pour nous, chrétiens croyants et engagés, Jésus mort et ressuscité est juste une belle idée, nous ne convaincrons pas les Thomas d’aujourd’hui qui veulent des preuves. Si nos visages sont durs, nos mains fermées, nos pieds réticents à la rencontre de l’autre différent, nous ne convaincrons pas les Thomas d’aujourd’hui qui veulent faire une rencontre. Personne ne rencontre la joie de croire en croisant des visages fermés ; personne ne rencontre Jésus qui invite à accueillir l’autre devant des portes closes ; personne ne rencontre le Ressuscité qui offre sa vie devant des comportements mortifères ; personne ne peut croire en la résurrection du Christ si les mots que nous utilisons pour parler de lui planent au-dessus des nuages ou sont vides. Comme les dix disciples qui ont rencontré Jésus au soir du premier jour de la semaine, nous avons reçu l’Esprit Saint qui nous permet de témoigner du Ressuscité. Qu’en avons-nous fait ? Notre vie dit-elle la résurrection de Jésus ? Notre manière d’agir avec les autres leur parle-t-elle de ce Dieu qui aime tout homme, quelle que soit son histoire personnelle ? Pour reprendre une des premières paroles du pape François, sommes-nous témoins du ressuscité, annonçant la Bonne Nouvelle à temps et à contre-temps, ou sommes-nous douaniers de la foi, vérifiant sans cesse d’abord la conformité d’une vie avant d’annoncer Jésus Christ ? Si nous attendons que les autres soient parfaits avant de leur parler du Christ, nous risquons d’attendre longtemps, et nous serions nous-mêmes bien orgueilleux de nous croire parfaits parce que nous pensons avoir la foi. C’est parce que je crois en Jésus qui me sauve par sa mort et sa résurrection que j’essaie patiemment d’ajuster ma vie à son Evangile. Si ceux qui m’ont parlé de Jésus avaient attendu que ma vie soit parfaite, je ne serais pas devant vous aujourd’hui, parce que je n’aurais sans doute pas encore entendu parler de l’Evangile. 

        En relisant l’épisode de Thomas, certains pourraient être tentés de me dire que même les dix disciples n’ont pas réussi avec lui ! Peut-être est-ce parce que ce n’était encore que des mots pour eux, mais pas une expérience qui a radicalement transformé leur vie au point que Thomas s’en rende compte. La preuve, ils sont toujours entre eux, n’osant se confronter aux gens hors de leur groupe. Pâques est et restera toujours l’expérience d’une rencontre à faire et à vivre, pour la faire vivre à d’autres. Ne désespérons ni de nous, ni des autres ; mais apprenons toujours mieux à faire descendre dans notre cœur ce que notre intelligence peut croire. Alors nous vivrons ce que nous aurons découvert, et nous pourrons le faire découvrir et vivre à d’autres. Amen. 


dimanche 20 avril 2025

Saint Jour de Pâques - 20 avril 2025

 Pâques, passage du Jésus de l'Histoire au Christ de la foi.






Quelle nuit nous avons vécu ! Alors que nous étions tristes de la mort de Jésus, voilà que dans la nuit a retentit un cri de joyeuse espérance : il est ressuscité ! L’improbable a eu lieu, comme Jésus l’avait annoncé par trois fois à ses disciples : après trois jours, je ressusciterai. Comment aurions-nous pu le croire quand il annonçait cela ? Jamais, personne ne l’avait fait. En passant victorieux par la mort, Jésus est désormais reconnu comme Jésus, le Christ, celui que Dieu envoie pour sauver son peuple.

Nous avons relu cette nuit la longue histoire du peuple de Dieu, histoire faite d’alliances et de promesses. Et il nous a fallu reconnaître l’évidence : Jésus est celui qui accomplit toutes les promesses faites par Dieu à son peuple ; Jésus est celui qui inaugure l’alliance nouvelle et éternelle que rien ne viendra briser. En Jésus, mort et ressuscité, Dieu a pris le parti de l’homme et l’a libéré de la mort et du péché, par grâce, parce que l’humanité, par elle-même, en était incapable. En lui ouvrant la possibilité de la vie avec Dieu pour toute éternité, Jésus réconcilie Dieu et son peuple qui si souvent s’était détourné de lui. Cette alliance est éternelle parce que signée dans le sang de l’Agneau, le sang du Fils unique de Dieu. Dieu ne peut pas se retourner contre son Fils, contre lui-même. Là où l’homme est faible, Dieu est fort. Là où l’homme se montre si souvent infidèle, Dieu se montre fidèle. Nous avons été rachetés à grand prix, le prix de la mort de l’Innocent, le prix de la mort du Fils de Dieu. En s’abaissant dans l’obéissance au projet d’amour de Dieu pour nous, Jésus est élevé par Dieu et reçoit le nom qui est au-dessus de tout nom. Il sera pour toujours le Christ Jésus, seul médiateur entre Dieu et les hommes. Il était notre victime ; il devient notre sauveur. Il était celui que nous avions rejeté ; il devient celui qui nous attire à lui et au Père. Il était celui que nous avons fait mourir ; il devient celui qui nous donne la vie en plénitude. Comment pourrions-nous ne pas nous attacher à lui et ne pas le suivre désormais là où Dieu nous attend ? 

Le temps de Pâques qui s’ouvre nous invite à passer du Jésus de l’Histoire, celui que les hommes ont croisé, écouté, suivi quelquefois, au Christ de la foi, celui en qui nous sommes invités à croire pour obtenir la vie éternelle. Ceux qui n’avaient vu en lui qu’un grand homme, sont invités à découvrir le Fils unique de Dieu. Ceux qui n’avaient écouté qu’un grand prédicateur, sont invités à écouter la Parole même de Dieu. Ceux qui n’avaient vu en lui qu’un faiseur de miracle, sont invités à reconnaître en lui la source des sacrements de l’Eglise, ces signes que Dieu nous donne pour nous dire son amour de toujours. Il nous faut à tous dépasser ce que nous croyions savoir de Jésus pour découvrir, avec ses disciples, dans la force de l’Esprit Saint, le Christ qui nous ouvre le chemin vers Dieu et nous obtient son pardon. Fini le petit Jésus tout mignon dans sa crèche ; voici le temps du Christ qui nous sauve et nous entraîne dans une nouvelle manière de vivre. Fini le temps où notre réalité était le monde terrestre ; désormais, il nous faut penser aux réalités d’en-haut. Fini le temps où l’homme était esclave du péché ; désormais, il est libre en Jésus Christ, vainqueur de la mort et du péché. Sa victoire rejaillit sur notre vie et la transforme. Nos petites vies participent désormais à la Vie même de Dieu. Finis les horizons bouchés ; avec le Christ, une espérance nouvelle est possible, un monde nouveau se construit ; il n’attend que nous.

Que la joie de cette fête qui nous rend la vie nous convertisse à ce monde nouveau où l’homme est fort de la force même de Dieu. Ils sont finis les jours de la Passion, dit la prière de l’Eglise ; avec eux sont finis les jours où l’homme était démuni et subissait sa vie. Désormais, il est libre ; désormais, il est vivant, pleinement ; désormais, il peut, s’il le veut, être pleinement fils de Dieu, à l’image du Christ Jésus, premier-né d’entre les morts. Nous avions suivi Jésus sur les routes de Judée, Samarie et Galilée ; suivons désormais le Christ sur la route qui mène au Royaume, auprès de Dieu. C’est là que nous sommes attendus ; c’est là qu’est notre vraie vie. Amen. 


samedi 19 avril 2025

Veillée pascale - 19 avril 2025

 Au coeur de toute vie chrétienne, il y a le Christ, Vainqueur de la mort.




(Descente aux enfers, trouvé sur internet)





Nous avions quitté l’église vendredi, accablés de tristesse, sidérés par l’événement de la croix et la cruauté des hommes. Notre espérance se retrouvait mise au tombeau, avec le corps mort de Jésus. Nous nous retrouvons en cette nuit, rassemblés par une affirmation de joyeuse espérance faite devant ce même tombeau : Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. Les anges nous rappellent ainsi qu’au cœur de toute vie chrétienne, il y a le Christ, vainqueur de la mort. 

Comment cela s’est fait ? Nous n’en savons rien. Nous avons juste le témoignage des anges, la longue relecture de l’histoire du salut telle qu’elle est rapportée dans notre Premier Testament, et la certitude d’un Paul par exemple, pour nous faire comprendre que les événements de la Passion et de la Résurrection de Jésus sont conformes aux promesses faites par Dieu. Nous avons le témoignage des disciples après Pâques que nous relirons dans les Actes des Apôtres tout au long de ce temps pascal. Nous avons cette certitude qui va se faire jour peu à peu : Jésus, celui qui est mort, est ressuscité. La mort n’a pu garder sa proie. La mort est morte. Celui qui nous avait dit qu’il était la résurrection et la vie est sorti victorieux du tombeau. Dieu n’a pas cautionné le procès fait à son Fils ; il restaure dans sa gloire celui que nous avions humilié ; il rend à la vie celui que nous avions fait mourir. 

Cet événement de Pâques concerne désormais toute l’humanité. Plutôt que d’être condamnée par Dieu pour la mort de son Fils unique, lui est offerte la possibilité d’un salut, d’une réconciliation avec Dieu, à cause de Jésus, dont nous comprenons maintenant qu’il s’est livré lui-même à la mort pour accomplir les promesses divines. En prenant le chemin de l’humilité, en s’abaissant, le voici relevé, glorifié par Dieu. Et nous pouvons à notre tour participer à ce relèvement en recevant le baptême. Oui, par le baptême, nous avons été unis au Christ Jésus, à sa mort et à sa résurrection, proclame Paul aux chrétiens de Rome. Par le baptême, nous devenons celui que nous avions rejeté, nous devenons des autres Christ. Nous sommes vivants pour Dieu en Jésus Christ. Ne cherchons pas tout de suite à comprendre tout ce que cela veut dire. Goûtons plutôt la joie d’être libérés du péché et de la mort ; goûtons la joie d’être vivants, pleinement. Nous aurons tout le temps pascal pour comprendre ce que cela signifie, ce que cela implique. Ce soir, c’est la joie d’être vivants en Christ qui doit être première ; ce soir, c’est la vie retrouvée que nous devons célébrer ; ce soir, c’est notre attachement au Christ qu’il faut réaffirmer. Car sans cet attachement au Christ mort et ressuscité, notre baptême serait vain, notre foi serait vaine.

Oui, le Christ est ressuscité ; et dans notre monde marqué par la guerre et la souffrance de tant d’hommes, de femmes et d’enfants, cette résurrection nous engage à lutter pour plus de vie, à lutter pour une attention renouvelée à la sacralité de toute vie. Toute vie humaine a du prix aux yeux de Dieu et il ne revient pas aux humains de dire quelle vie est acceptable et quelle vie est supprimable. La résurrection du Christ est un manifeste à faire de la vie, de toute vie, et en particulier des vies plus fragiles, notre priorité pour qu’elles soient protégées, respectées et accompagnées de leur origine jusqu’à leur terme, dont Dieu seul est le maître. Si la mort du Christ, le seul Juste, nous a révoltés, alors toute mort injuste doit désormais nous révolter. La vie en plénitude que le Christ nous obtient par sa mort et sa résurrection est désormais la nôtre puisque l’œuvre de salut qu’il a accompli, il ne l’a pas fait pour lui, mais bien pour chacun de nous, donnant à la vie des hommes un prix infini. 

La joie de la résurrection que nous célébrons ce soir est appelée à se répandre dans nos vies. Heureux pour le Christ vainqueur de la mort, nous pouvons être heureux pour nous qui bénéficions de cette victoire. Rien, ni personne ne pourra jamais nous enlever cette victoire. Ressuscité, le Christ ne meurt plus. Ressuscité, il nous appelle à une vie plus grande et plus belle. Entrons joyeusement dans cette vie, pleins de reconnaissance pour Jésus, qui nous a ouvert la voie et nous rend participant de sa propre vie. C’est notre foi ; embrassons-la ; c’est notre foi, proclamons-la ; c’est notre foi, vivons-la. Amen.