Le Christ, source de conflits ?
Après voir entendu Marie chanter le
Magnificat qui rappelle les merveilles que Dieu fait pour son peuple et pour
les petits de la terre, voici une parole curieuse de Jésus qui semble bien loin
du poème de Marie : Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la
terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division. Car désormais
cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père
contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille
contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la
belle-mère. Cela ne ressemble pas beaucoup au discours auquel Jésus nous
avait habitué. Où sont la paix, l’amour, l’unité et le bonheur tant prêchés ?
Sommes-nous seulement sûrs que cette parole vient vraiment de Jésus ?
Je reconnais que cela est déroutant.
Mais il n’y a pas de doute : c’est bien là l’enseignement de Jésus,
parfaitement aligné avec l’enseignement des prophètes, plus particulièrement le
prophète Michée. Nous pouvons l’écouter dans le dernier chapitre de son livre,
lorsqu’il dit (Mi 7, 5-6) : 05 Ne mets pas ta foi
dans ton ami, ne te confie pas à ton familier ; devant celle qui repose
entre tes bras, garde les portes de ta bouche. 06 Car le fils
insulte son père, la fille se dresse contre sa mère, la belle-fille contre sa
belle-mère, chacun a pour ennemis les gens de sa maison. Et Michée
prophétise cela au moment même où il prophétise la venue du Messie. Quand Jésus
s’aligne ainsi avec l’enseignement des prophètes que ses auditeurs connaissent
bien, il leur fait comprendre que le temps du Messie est venu, que les
prophéties se réalisent, et que Dieu n’a jamais parlé en vain. La division, c’est
la marque même de la venue du Messie. Et ce n’est pas une division entre des
peuples, mais à l’intérieur même de nos familles, entre ceux qui reconnaitront
le Messie et ceux qui le refuseront. C’est comme si Jésus voulait nous prévenir
que croire en lui, ce n’est pas de tout repos ; croire en lui, c’est
exigeant ; croire en lui, c’est prendre réellement parti pour lui ;
croire en lui, c’est rejeter tout ce qui n’est pas lui, tout ce qui n’est pas
son enseignement. Au bout du compte, faire le choix de Jésus, ce n’est pas le
choix de la facilité, mais c’est faire un choix qui passe par la croix. Jésus nous
avertit à ce sujet (Lc 14, 27) : Celui qui ne porte pas sa croix pour
marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple. Personne n’est croyant par
hasard ou par habitude. Croire, c’est s’engager en connaissance de cause, en
acceptant que tous, y compris dans nos propres familles, ne partagent pas nos
vues et s’éloignent de nous, à cause de Jésus. Croire, c’est accepter
cette part de difficultés, de conflits qui peuvent survenir lorsque nous
faisons le choix de vivre comme Jésus. Croire que nous ferons mieux que Jésus qui
a connu l’opposition et la discorde, y compris au sein du groupe des Douze,
serait nous faire illusion ; nous ne sommes pas plus grand que notre
Maître.
S’il en est ainsi, si nous aussi
nous devons accepter cette part de conflits, quel intérêt pour nous à faire le
choix de Jésus ? Pourquoi ne pas nous contenter de vivre sans lui, comme
les autres ? Si c’est lui la cause des divisions, supprimons la cause et
nous n’aurons pas à vivre les effets de la cause ? Là encore, c’est nous
faire illusion. Des conflits, il y en a eu avant Jésus. Que Jésus soit là ou
pas, n’y changera rien ! Il n’est pas la cause de toutes nos divisions,
juste celles liées à sa personne parce que nul ne peut être obligé de le reconnaître
et le suivre. L’avantage qu’il y a à vivre comme il nous le demande, c’est que
notre monde s’en portera mieux, parce que, au bout du compte, même s’il peut
être vu par certains comme source de conflits, il est venu apporter la paix. Pas
une paix à moindre frais, mais la paix véritable, la paix profonde du cœur qui nous
permet d’entrer en relation avec les autres, qu’ils soient comme nous ou pas,
qu’ils croient comme nous ou pas. La paix que le Christ apporte au monde n’est
pas juste un accommodement où chacun fait un pas vers l’autre, mais la paix qui
suppose que chacun renonce au mal, à la source même du mal. Vivre de la foi en Christ,
la liturgie de la nuit de Pâques nous le rappelle, c’est renoncer au mal, à l’auteur
du mal, à tout ce qui conduit au mal. Choisir le Christ, c’est faire un choix
radical qui transforme la vie pour de bon et pour le bon. Faire le choix du Christ,
c’est refuser de voir en l’autre un ennemi pour ne voir en lui qu’un frère à
aimer. Faire le choix du Christ, c’est refuser de laisser le mal gagner la
partie en construisant résolument un monde de fraternité. Choisir le Christ, c’est
tout, sauf vivre tranquille au coin du feu en attendant que le temps passe. Parce
que ce monde nouveau que le Christ promet ne se fera pas sans nous. Tu veux un
monde plus juste ? Commence par être juste avec les autres. Tu veux un
monde plus fraternel ? Commence par vivre la fraternité avec ceux que Dieu
met sur ta route. Tu veux un monde dans lequel chacun puisse vivre ?
Commence par respecter cette terre où Dieu te donne de vivre. Le pape François
nous a rappelé dans Laudato Si que tout était lié, et que le respect de
la terre passe aussi par le respect de ceux qui y habitent et par une meilleure
justice sociale.
La parole que Jésus nous adresse
aujourd’hui peut sembler dure, mais elle est porteuse de promesses de vie
meilleure si nous, qui croyons en lui, commençons par vivre de l’Evangile. Que
certains ne soient pas d’accord avec nous, voire s’opposent à nous, ne doit ni
nous décourager, ni nous empêcher de vivre du Christ. Il est Bonne nouvelle
pour nous et pour la terre. Il est le chemin à suivre pour parvenir à la vie et
à la paix véritables. Amen.
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