La tenue de service, le vêtement baptismal.

Est-ce de l’humour ou de l’ironie de
la part de l’Eglise de nous faire entendre, au milieu de nos vacances, cette
affirmation de Jésus : Restez en tenue de service, votre ceinture
autour des reins et vos lampes allumées ? Elle ne connaîtrait donc pas
le concept même de vacances, ce temps où justement nous quittons le vêtement de
service, le vêtement de travail ? Aurait-elle quelque chose contre le fait
que nous nous prélassions sur la plage, ou que nous randonnions en forêt ou en
montagne ? Si nous restons braqués sur la tenue de service qu’il ne
faudrait jamais quitter, nous risquons bien de passer à côté de cette autre
affirmation de Jésus, dans ce même passage : Amen, je vous le dis :
c’est lui qui, la ceinture autour des reins, les fera prendre place à table et
passera pour les servir. Vous avez bien entendu : Dieu servira les
hommes à table. Pour bien comprendre ce renversement, il faut nous interroger
sur cette tenue de service. C’est quoi au juste ?
En relisant mes homélies des années
passées pour ce même dimanche, je m’aperçois que j’ai souvent identifié cette tenue
de service avec la nécessité de la charité qui doit rester active, même
pendant nos vacances ; ou encore avec l’amour du prochain qui ne prend jamais
de vacances non plus. Mais, sans doute parce que je vieillis, je me dis que
plus fondamentalement, la tenue de service, c’est le vêtement blanc de
notre baptême, le vêtement qui nous a été donné quand nous sommes devenus fils de Dieu, participant
à la mort et à la résurrection de Jésus. Gardez la tenue de service, c’est
se souvenir à chaque instant de notre vie, ce que nous sommes devenus par le baptême,
et vivre selon l’Esprit reçu en ce jour. Ce vêtement blanc a été lavé dans le sang
de l’Agneau selon le livre de l’Apocalypse. C’est le vêtement de notre participation
à la victoire du Christ sur les forces de mal et de mort qui envahissent notre
vie. C’est le vêtement resplendissant du Ressuscité, passé par la mort pour nous
appeler à la vie. Depuis Pâques, depuis sa victoire définitive sur le mal et la
mort, le Christ est au service de l’humanité pour la conduire à la vie
éternelle. Et le signe que nous sommes dignes d’être servis par lui, c’est
justement que nous portons ce vêtement blanc, tenue pour le service de
Dieu et des frères.
Ceci nous rappelle que le baptême,
ce n’est pas juste être mouillé par quelques gouttes d’eau qui tombent sur notre tête. Le baptême,
c’est d’abord un état d’esprit, un art de vivre qui commence toujours par le
renoncement au mal et l’accueil de Dieu lui-même au cœur de notre vie. Pour que
Dieu puisse nous accueillir à sa table, il faut que notre tenue de service
manifeste notre volonté de fuir le mal et de nous attacher à Dieu. Il n’y a pas
à craindre de salir ce vêtement blanc en nous frottant à la réalité de notre
existence ou à la dureté du cœur de l’homme. La tenue de service ne
salit pas parce que j’ose encore me dire chrétien dans un monde qui ne l’est
plus, ni parce que j’ose vivre encore en chrétien dans un monde qui nous voit
souvent comme une survivance d’un passé révolu. Nous salissons notre tenue
de service lorsque nous sacrifions à l’esprit du monde, lorsque nous
oublions quel sang nous a rachetés, lorsque nous refusons de voir en
chaque humain un frère ou une sœur à aimer. Nous salissons notre tenue de service
en n’étant plus ce que nous sommes devenus par le baptême. Nous sommes faits
pour Dieu ; nous sommes faits pour les autres. Si nous nous
recroquevillons sur nous-mêmes, nous rétrécissons notre tenue de service
jusqu’à la faire disparaître.
Rester en tenue de service, c’est
donc rester chrétien en toutes choses, en chaque instant, même pendant les
vacances. Cela nous invite à une réelle créativité, pour témoigner de ce que
nous sommes dans les diverses situations de notre vie. Que nous soyons en
famille, entre amis, au travail, en vacances, sur un lit d’hôpital ou que sais-je
encore, nous avons à porter sans honte notre tenue de service pour que
le Christ lui-même puisse nous servir à travers l’Esprit Saint que nous avons
reçu par l’onction au jour de notre baptême. D’une certaine manière, notre tenue
de service, c’est le Christ lui-même. Il suffit d’entendre Paul quand il
écrit aux Galates : Vous tous que le baptême a unis au Christ, vous
avez revêtu le Christ ; tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ (Ga
3, 27-28). A ceux qui s’interrogeaient comment Dieu pouvait servir l’homme,
la réponse est donnée ici. Dieu sert l’homme, parce qu’il sert son Fils qui a
donné sa vie pour tout homme et qui vit en tout homme qui a passé avec lui la
grande épreuve. C’est une autre manière de dire qu’il nous ressuscitera
avec son Fils qu’il a ressuscité des morts.
L’invitation à garder la tenue de
service est donc une invitation à garder vive et active notre foi, en
cultivant la mémoire de notre baptême. C’est une invitation à garder vive notre
espérance en la vie avec Dieu pour toujours ; il nous attend dans son
Royaume. C’est une invitation à garder active notre charité par l’Esprit reçu,
parce que le baptême, ce n’est pas juste un jour de notre vie, c’est toute
notre vie. Que l’eucharistie reçue en
nourriture fortifie notre désir de rester en tenue de service, pour la
plus grande joie de Dieu. Amen.
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