Pour nous ou pas pour nous ?
Il arrive, en lisant les évangiles, qu’on se dise : telle parole est vraiment pour moi ; elle correspond bien à ce que je vis en ce moment. Il arrive aussi, peut-être même plus souvent, qu’on se dise, toujours en lisant les mêmes évangiles, que cette parole, elle est pour untel qui, décidément, gagnerait à ouvrir sa bible de temps en temps. Je pense que l’évangile entendu aujourd’hui en fait partie. Ces paroles de Jésus à ses disciples, c’est pour les autres ! Et nous en connaissons tous, de ces autres, qui feraient bien de relire les paroles de Jésus.
Pourquoi ces paroles ne seraient-elles pas pour nous ? Parce que nous allons à l’église, et que nous sommes des gens bien, nous ! Et même si l’introduction liturgique dit : En ce temps-là, Jésus déclarait à ses disciples, il suffit d’ouvrir l’évangile de Luc pour comprendre que Jésus ne parle pas qu’aux Douze qu’il vient d’appeler, mais aussi à cette foule nombreuse qui se colle à lui. Ecoutons le verset 17 de ce chapitre : Il y avait là un grand nombre de ses disciples et une grande multitude de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon. Sans nul doute, c’est à cette multitude qu’il doit s’adresser. Car un vrai disciple n’a pas besoin que Jésus lui dise tout cela, si ?
Si, justement ! Parce que disciple de Jésus, nous avons à le devenir toujours plus, toujours mieux. Et nous avons sans doute chacun en tête un visage, un prénom, de quelqu’un qui nous insupporte et qui se rapproche de ce que Jésus appelle vos ennemis. Tel parent, plus ou moins éloigné après un partage d’héritage qui s’est mal passé ; tel voisin dont le chien ne fait qu’aboyer à nous rompre les oreilles ; tel collègue qui ne comprend rien à rien, qui fait gaffe sur gaffe et qui met tout le monde en retard ; tel étranger qui profite, parait-il, des avantages sociaux que la France lui donne généreusement alors que pour les « vrais Français » il n’y a jamais rien ; tel élu qui ne nous a pas accordé la faveur qu’on lui demandait ; tel fonctionnaire qui a volontairement rejeté notre dossier alors qu’il ne sait même pas ce que c’est que de travailler ; tel enseignant qui n’aime pas notre enfant et le sous-note exprès ; tel chauffard sur la route qui n’avance pas ou qui ne nous laisse pas le dépasser… la liste est longue, des ennemis supposés ou réels que Jésus nous invite à aimer. Car voyez-vous, à élever des murs, à classer les gens entre les bons et les mauvais, on ne construit pas une société, on divise, on active la haine. Regardez de l’autre côté de l’Atlantique et vous comprendrez !
De cette page d’évangile, exigeante mais belle, retenons peut-être ces trois mots qui ont pu passer totalement inaperçu : Faites du bien. Ils sont le condensé de la pensée de Jésus exprimée dans ce discours. Faites du bien à tous, faut-il préciser, car si vous faites du bien seulement à ceux qui vous en font, quelle récompense méritez-vous ? Même les pécheurs en font autant, avertit Jésus. Le disciple véritable de Jésus ne peut non seulement se lasser de faire le bien, mais il ne devrait même pas être capable d’envisager de faire le mal. Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera. Les paroles qui peuvent sembler dures du début du discours ne doivent pas nous empêcher d’entendre cette fin du discours. De la manière dont nous traitons nos frères et sœurs en humanité, c'est-à-dire chacun de ceux qui croisent notre route, Dieu nous traitera quand viendra le moment du jugement. Seul celui qui est sans péché peut différencier le bon grain de l’ivraie. Aucun de nous ne peut y prétendre.
Faire du bien. Voilà qui devrait être notre ligne de conduite, notre devise en toute circonstance. Et nous savons tous, par expérience, que c’est plus facile à dire ou à écrire qu’à faire. L’autre est tellement compliqué, n’est-ce pas ! Mais ne sommes-nous pas tous l’autre de quelqu’un ? Nous sommes tous l’ami de quelqu’un ; nous sommes tous l’ennemi de quelqu’un. Nous pouvons choisir entre nous taper dessus ou nous réconcilier et faire grandir l’humanité et le monde. C’est cela, je crois, que Jésus vient nous rappeler aujourd’hui. Pour faire du bien, il faut haïr faire le mal ; mais jamais celui qui fait le mal. Parce qu’il est l’un de nous, il est comme nous : capable du pire et du meilleur. Ne l’oublions pas. Amen.
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