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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 16 août 2025

20ème dimanche ordinaire C - 17 août 2025

 Le Christ, source de conflits ?




 

            Après voir entendu Marie chanter le Magnificat qui rappelle les merveilles que Dieu fait pour son peuple et pour les petits de la terre, voici une parole curieuse de Jésus qui semble bien loin du poème de Marie : Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division. Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. Cela ne ressemble pas beaucoup au discours auquel Jésus nous avait habitué. Où sont la paix, l’amour, l’unité et le bonheur tant prêchés ? Sommes-nous seulement sûrs que cette parole vient vraiment de Jésus ?

             Je reconnais que cela est déroutant. Mais il n’y a pas de doute : c’est bien là l’enseignement de Jésus, parfaitement aligné avec l’enseignement des prophètes, plus particulièrement le prophète Michée. Nous pouvons l’écouter dans le dernier chapitre de son livre, lorsqu’il dit (Mi 7, 5-6) : 05 Ne mets pas ta foi dans ton ami, ne te confie pas à ton familier ; devant celle qui repose entre tes bras, garde les portes de ta bouche. 06 Car le fils insulte son père, la fille se dresse contre sa mère, la belle-fille contre sa belle-mère, chacun a pour ennemis les gens de sa maison. Et Michée prophétise cela au moment même où il prophétise la venue du Messie. Quand Jésus s’aligne ainsi avec l’enseignement des prophètes que ses auditeurs connaissent bien, il leur fait comprendre que le temps du Messie est venu, que les prophéties se réalisent, et que Dieu n’a jamais parlé en vain. La division, c’est la marque même de la venue du Messie. Et ce n’est pas une division entre des peuples, mais à l’intérieur même de nos familles, entre ceux qui reconnaitront le Messie et ceux qui le refuseront. C’est comme si Jésus voulait nous prévenir que croire en lui, ce n’est pas de tout repos ; croire en lui, c’est exigeant ; croire en lui, c’est prendre réellement parti pour lui ; croire en lui, c’est rejeter tout ce qui n’est pas lui, tout ce qui n’est pas son enseignement. Au bout du compte, faire le choix de Jésus, ce n’est pas le choix de la facilité, mais c’est faire un choix qui passe par la croix. Jésus nous avertit à ce sujet (Lc 14, 27) : Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple. Personne n’est croyant par hasard ou par habitude. Croire, c’est s’engager en connaissance de cause, en acceptant que tous, y compris dans nos propres familles, ne partagent pas nos vues et s’éloignent de nous, à cause de Jésus. Croire, c’est accepter cette part de difficultés, de conflits qui peuvent survenir lorsque nous faisons le choix de vivre comme Jésus. Croire que nous ferons mieux que Jésus qui a connu l’opposition et la discorde, y compris au sein du groupe des Douze, serait nous faire illusion ; nous ne sommes pas plus grand que notre Maître.

             S’il en est ainsi, si nous aussi nous devons accepter cette part de conflits, quel intérêt pour nous à faire le choix de Jésus ? Pourquoi ne pas nous contenter de vivre sans lui, comme les autres ? Si c’est lui la cause des divisions, supprimons la cause et nous n’aurons pas à vivre les effets de la cause ? Là encore, c’est nous faire illusion. Des conflits, il y en a eu avant Jésus. Que Jésus soit là ou pas, n’y changera rien ! Il n’est pas la cause de toutes nos divisions, juste celles liées à sa personne parce que nul ne peut être obligé de le reconnaître et le suivre. L’avantage qu’il y a à vivre comme il nous le demande, c’est que notre monde s’en portera mieux, parce que, au bout du compte, même s’il peut être vu par certains comme source de conflits, il est venu apporter la paix. Pas une paix à moindre frais, mais la paix véritable, la paix profonde du cœur qui nous permet d’entrer en relation avec les autres, qu’ils soient comme nous ou pas, qu’ils croient comme nous ou pas. La paix que le Christ apporte au monde n’est pas juste un accommodement où chacun fait un pas vers l’autre, mais la paix qui suppose que chacun renonce au mal, à la source même du mal. Vivre de la foi en Christ, la liturgie de la nuit de Pâques nous le rappelle, c’est renoncer au mal, à l’auteur du mal, à tout ce qui conduit au mal. Choisir le Christ, c’est faire un choix radical qui transforme la vie pour de bon et pour le bon. Faire le choix du Christ, c’est refuser de voir en l’autre un ennemi pour ne voir en lui qu’un frère à aimer. Faire le choix du Christ, c’est refuser de laisser le mal gagner la partie en construisant résolument un monde de fraternité. Choisir le Christ, c’est tout, sauf vivre tranquille au coin du feu en attendant que le temps passe. Parce que ce monde nouveau que le Christ promet ne se fera pas sans nous. Tu veux un monde plus juste ? Commence par être juste avec les autres. Tu veux un monde plus fraternel ? Commence par vivre la fraternité avec ceux que Dieu met sur ta route. Tu veux un monde dans lequel chacun puisse vivre ? Commence par respecter cette terre où Dieu te donne de vivre. Le pape François nous a rappelé dans Laudato Si que tout était lié, et que le respect de la terre passe aussi par le respect de ceux qui y habitent et par une meilleure justice sociale.

             La parole que Jésus nous adresse aujourd’hui peut sembler dure, mais elle est porteuse de promesses de vie meilleure si nous, qui croyons en lui, commençons par vivre de l’Evangile. Que certains ne soient pas d’accord avec nous, voire s’opposent à nous, ne doit ni nous décourager, ni nous empêcher de vivre du Christ. Il est Bonne nouvelle pour nous et pour la terre. Il est le chemin à suivre pour parvenir à la vie et à la paix véritables. Amen.

jeudi 14 août 2025

Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie - 15 août 2025

 Il se souvient de son amour.





(Tableau de Francesco GRANACCI, Assomption de la Vierge Marie, 
réalisé entre 1517 et 1519, pour la chapelle des Médicis, 
église San Piero Maggiore, Florence)


 

            Chaque année, la fête de l’Assomption nous donne d’entendre le cantique de la Vierge qui chante l’œuvre de Dieu pour son peuple. Ce chant est repris par l’Eglise chaque jour dans l’office des vêpres. Il y a un verset qui m’intéresse particulièrement aujourd’hui alors que nous célébrons l’entrée de Marie dans la gloire de Dieu, parce qu’il nous souligne un aspect de l’œuvre de Dieu aussi bien qu’un aspect du caractère de Marie. Ce verset, c’est le suivant : il se souvient de son amour.

             Il suffit de lire l’intégralité du Magnificat pour découvrir l’œuvre de Dieu pour l’humanité et son amour privilégié pour les humbles, ceux qui le craignent et tout son peuple Israël. A qui voudrait approfondir cette découverte, il faudrait alors tourner les pages de la Bible pour découvrir les alliances successives de Dieu et comment toujours il se souvient de son amour. Même quand il décide de laver la terre à grandes eaux au moment du déluge, il se souvient encore de son amour et sauve Noé et les siens, ainsi que des représentants de toutes les espèces animales. Parvenu aux dernières pages de notre Bible, un chrétien ne pourrait que conclure qu’il n’y a pas de limite à l’amour de Dieu pour nous et que toujours, vraiment, il se souvient de son amour. Même quand les hommes ont osé l’impensable, à savoir la mise en croix de l’Innocent, Dieu encore fait preuve d’amour, non seulement en ressuscitant son Fils Jésus, mais aussi en permettant que ce sacrifice serve au salut de tous, à la fois ceux qui étaient témoins de cette tragédie et ceux qui viendraient à la vie dans les siècles à venir. Et nous voici, au premier quart du vingt-et-unième siècle, à bénéficier toujours et encore de ce salut, par le sacrifice unique du Christ, dont nous faisons mémoire en cette eucharistie. La fête de l’Assomption de Marie n’est pas que le signe de l’amour de Dieu pour son humble servante, mais pour nous tous. Ce qui advient de Marie nous concerne effectivement puisque c’est une annonce claire de ce qui nous attend : une vie d’éternité dans le Royaume de Dieu, non pas parce que nous l’aurions mérité, mais parce que Dieu se souvient de son amour et nous offre de vivre auprès de lui, avec son Fils, avec Marie, et la foule nombreuse de ceux que nous appelons les saints.

             En cette fête de l’Assomption, nous pouvons décliner ce il se souvient de son amour au féminin. Parce que Marie, à l’image de Dieu, s’est toujours souvenu de l’amour que Dieu lui a manifesté quand il l’a choisie pour être la Mère de son Fils. Voyez dans l’évangile de Luc cette mention faite plusieurs fois : Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. Elle ne perd rien de ce que l’amour de Dieu fait pour elle ; et elle s’en souviendra quand la jeune communauté croyante va grandir après Pâques. Elle transmettra ce qu’elle sait de son Fils, ce qu’elle a vécu avec lui pour que cela parvienne encore à nos oreilles aujourd’hui. Au terme de la vie terrestre de Marie, Dieu se souvient de son amour, se souvient de son humble servante, et l’appelle dans sa gloire sans qu’elle ait eu à connaître la dégradation du tombeau. Celle qui était sans péché et qui, par son oui, a rendu l’humanité capable d’accueillir Dieu, ne pouvait pas juste suivre le chemin ordinaire de notre humanité parvenue à son terme. Puisqu’elle a vécu toute sa vie dans le souvenir de l’amour de Dieu pour l’humanité, et qu’elle a permis à celle-ci de rencontrer face à face le Fils de Dieu, elle accèdera à la gloire de son Fils, sans passer par la tombe. Quand Dieu se souvient de son amour, de grandes choses sont possibles pour nous.

             Ce qui m’amène à vous proposer de faire un pas de plus. Nous avons vu qu’avec Marie, nous pouvions mettre cette phrase au féminin. Il nous faut maintenant envisager de la mettre aussi à la première personne : je me souviens de son amour. En tous les cas, nous devrions nous exercer à la vivre ainsi. Parce que si Dieu se souvient de son amour pour nous, il serait juste et bon que nous gardions mémoire de ce que l’amour de Dieu fait pour nous ; pas seulement en reprenant le Magnificat avec toute l’Eglise, mais en étant capables de l’illustrer par des moments de notre vie. Cela nous oblige à ne pas être des enfants ingrats qui profitent de l’amour de Dieu mais jamais n’en font mémoire. L’Eglise le fait à merveille dans sa prière, notamment à travers les préfaces qui ouvrent chacune de nos liturgies eucharistiques.  La préface, c’est cette prière que le prêtre dit au nom de l’assemblée et qui commence ainsi : Vraiment, il est juste et bon, pour ta gloire et notre salut, de t’offrir notre action de grâce, toujours et en tout lieu, Seigneur, Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant. Si l’on prend les 74 préfaces proposées dans l’année, qu’on y ajoute celles des messes rituelles (ordinations, mariages, enterrements, les préfaces du missel des messes de la Vierge Marie) et quelques particulières, nous dépassons la centaine d’occasions de nous souvenir de l’amour de Dieu pour nous, puisque chaque préface nous fait chanter une merveille que Dieu fait pour nous par amour. Si la préface est réservée au prêtre pendant la messe, rien ne nous empêche de prendre l’habitude de prier avec ces beaux textes au long de l’année pour redire à Dieu que, s’il se souvient de son amour, nous aussi nous voulons nous en souvenir et le remercier de nous aimer autant.

             En prenant exemple sur Marie, qui chante les merveilles de l’amour de Dieu pour nous, apprenons à nous souvenir que Dieu nous aime. Apprenons à le remercier pour cet amour. Apprenons à noter les merveilles que Dieu fait concrètement pour nous. Cela ne fera peut-être jamais une préface officielle de la prière de l’Eglise ; mais ces souvenirs de ce que l’amour de Dieu fait pour nous aujourd’hui, constitueront notre part à la louange que nous devons à Dieu qui nous aime ainsi. En cette fête de l’Assomption, que monte au ciel avec Marie, notre merci pour tout ce que Dieu fait, lui qui nous appelle à partager sa gloire, simplement parce qu’il nous aime et non parce que nous l’aurions mérité. Amen.

samedi 9 août 2025

19ème dimanche ordinaire C - 10 août 2025

 La tenue de service, le vêtement baptismal.







 

            Est-ce de l’humour ou de l’ironie de la part de l’Eglise de nous faire entendre, au milieu de nos vacances, cette affirmation de Jésus : Restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins et vos lampes allumées ? Elle ne connaîtrait donc pas le concept même de vacances, ce temps où justement nous quittons le vêtement de service, le vêtement de travail ? Aurait-elle quelque chose contre le fait que nous nous prélassions sur la plage, ou que nous randonnions en forêt ou en montagne ? Si nous restons braqués sur la tenue de service qu’il ne faudrait jamais quitter, nous risquons bien de passer à côté de cette autre affirmation de Jésus, dans ce même passage : Amen, je vous le dis : c’est lui qui, la ceinture autour des reins, les fera prendre place à table et passera pour les servir. Vous avez bien entendu : Dieu servira les hommes à table. Pour bien comprendre ce renversement, il faut nous interroger sur cette tenue de service. C’est quoi au juste ?

             En relisant mes homélies des années passées pour ce même dimanche, je m’aperçois que j’ai souvent identifié cette tenue de service avec la nécessité de la charité qui doit rester active, même pendant nos vacances ; ou encore avec l’amour du prochain qui ne prend jamais de vacances non plus. Mais, sans doute parce que je vieillis, je me dis que plus fondamentalement, la tenue de service, c’est le vêtement blanc de notre baptême, le vêtement qui nous a été donné quand nous sommes devenus fils de Dieu, participant à la mort et à la résurrection de Jésus. Gardez la tenue de service, c’est se souvenir à chaque instant de notre vie, ce que nous sommes devenus par le baptême, et vivre selon l’Esprit reçu en ce jour. Ce vêtement blanc a été lavé dans le sang de l’Agneau selon le livre de l’Apocalypse. C’est le vêtement de notre participation à la victoire du Christ sur les forces de mal et de mort qui envahissent notre vie. C’est le vêtement resplendissant du Ressuscité, passé par la mort pour nous appeler à la vie. Depuis Pâques, depuis sa victoire définitive sur le mal et la mort, le Christ est au service de l’humanité pour la conduire à la vie éternelle. Et le signe que nous sommes dignes d’être servis par lui, c’est justement que nous portons ce vêtement blanc, tenue pour le service de Dieu et des frères.

            Ceci nous rappelle que le baptême, ce n’est pas juste être mouillé par quelques gouttes d’eau qui tombent sur notre tête. Le baptême, c’est d’abord un état d’esprit, un art de vivre qui commence toujours par le renoncement au mal et l’accueil de Dieu lui-même au cœur de notre vie. Pour que Dieu puisse nous accueillir à sa table, il faut que notre tenue de service manifeste notre volonté de fuir le mal et de nous attacher à Dieu. Il n’y a pas à craindre de salir ce vêtement blanc en nous frottant à la réalité de notre existence ou à la dureté du cœur de l’homme. La tenue de service ne salit pas parce que j’ose encore me dire chrétien dans un monde qui ne l’est plus, ni parce que j’ose vivre encore en chrétien dans un monde qui nous voit souvent comme une survivance d’un passé révolu. Nous salissons notre tenue de service lorsque nous sacrifions à l’esprit du monde, lorsque nous oublions quel sang nous a rachetés, lorsque nous refusons de voir en chaque humain un frère ou une sœur à aimer.  Nous salissons notre tenue de service en n’étant plus ce que nous sommes devenus par le baptême. Nous sommes faits pour Dieu ; nous sommes faits pour les autres. Si nous nous recroquevillons sur nous-mêmes, nous rétrécissons notre tenue de service jusqu’à la faire disparaître.

             Rester en tenue de service, c’est donc rester chrétien en toutes choses, en chaque instant, même pendant les vacances. Cela nous invite à une réelle créativité, pour témoigner de ce que nous sommes dans les diverses situations de notre vie. Que nous soyons en famille, entre amis, au travail, en vacances, sur un lit d’hôpital ou que sais-je encore, nous avons à porter sans honte notre tenue de service pour que le Christ lui-même puisse nous servir à travers l’Esprit Saint que nous avons reçu par l’onction au jour de notre baptême. D’une certaine manière, notre tenue de service, c’est le Christ lui-même. Il suffit d’entendre Paul quand il écrit aux Galates : Vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ (Ga 3, 27-28). A ceux qui s’interrogeaient comment Dieu pouvait servir l’homme, la réponse est donnée ici. Dieu sert l’homme, parce qu’il sert son Fils qui a donné sa vie pour tout homme et qui vit en tout homme qui a passé avec lui la grande épreuve. C’est une autre manière de dire qu’il nous ressuscitera avec son Fils qu’il a ressuscité des morts.

             L’invitation à garder la tenue de service est donc une invitation à garder vive et active notre foi, en cultivant la mémoire de notre baptême. C’est une invitation à garder vive notre espérance en la vie avec Dieu pour toujours ; il nous attend dans son Royaume. C’est une invitation à garder active notre charité par l’Esprit reçu, parce que le baptême, ce n’est pas juste un jour de notre vie, c’est toute notre vie.  Que l’eucharistie reçue en nourriture fortifie notre désir de rester en tenue de service, pour la plus grande joie de Dieu. Amen.


samedi 2 août 2025

18ème dimanche ordinaire C - 03 août 2025

 Vanité des vanités, tout est vanité : vraiment ?



(Pieter BOEL, Allégorie des vanités du monde, 1663, Palais des Beaux-Arts, Lille 
Source : Allégorie des vanités du monde / Peintures XVIe - XXIe siècles / Chefs-d'Œuvre / Collections - Palais des Beaux Arts de Lille)




 

            Vanité des vanités, tout est vanité ! Il y a quelque chose de terrifiant dans ce cri de Qohélet, quelque chose de déprimant aussi. Comme si, avec lui, la vie n’avait aucun sens ; comme si tout ce que nous faisons, tout ce que nous vivons, n’était que du vent. Si tel est le cas, nous pourrions nous interroger légitimement : à quoi bon vivre alors ? Si tout est vain, si rien ne sert, pourquoi se fatiguer ?

            Vous l’aurez compris, même si l’affirmation de Qohélet est une parole biblique, nous avons le droit de ne pas être d’accord avec elle. Nous avons le droit de ne pas perdre notre optimisme et de croire que notre vie, avec ses hauts et ses bas, avec ses joies et ses misères, avec ses hauts-faits et ses péchés, non seulement vaut la peine d’être vécue, mais qu’elle a du sens et qu’elle a du prix. Il n’y a rien de plus anti-religieux que le pessimisme. Cela va à l’encontre même de la foi, c'est-à-dire cette confiance inébranlable que notre vie est dans les mains de Dieu, parce qu’elle a été voulue par lui et qu’elle a son sens en lui, avec lui. En ce sens, aucune vie n’est vaine ! Nous avons tous une place à tenir, un rôle à jouer dans ce grand projet de Dieu qui veut le salut pour l’humanité. Et si la tâche peut sembler par moment immense, voire irréaliste, elle n’en est pas moins à conduire à son terme.

 
            Je dois reconnaître, cependant, que Qohélet n’a pas tout-à-fait tort, pas plus que Jésus dans l’évangile. La question de fond qui est posée, c’est celle du pourquoi de nos actions, de nos décisions. Si ma vie ne me tourne que vers moi, vers ce que je peux en tirer pour moi et moi seul, alors oui, je crains que Qohélet et Jésus aient raison. Si j’amasse pour moi, pour être le plus riche, c’est idiot. Un jour, je mourrai, et que deviendra ce que j’ai amassé. Comme le dit Qohélet, il doit laisser son bien à quelqu’un qui ne s’est donné aucune peine. Ou comme le dit Jésus : Cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ? Mais si ma vie est tournée vers les autres, vers le bien commun, ce que je fais, ce que je vis prend du sens, un sens qui me dépasse, un sens qui me survivra. Si je suis tourné vers les autres, ma vie est plus grande que moi. Je n’amasse pas pour moi, je ne vis pas pour moi, je ne produis pas pour moi, mais pour tous.

             Nous pouvons encore faire un pas de plus grâce à Paul qui nous invite à penser aux réalités d’en haut, non à celles de la terre. Il nous invite à voir plus loin que le bout de notre nez, plus haut encore que le seul bien commun. Il nous invite à ne pas oublier qu’il y a un sens à tout cela et que ce sens vient de Dieu, et de la résurrection du Christ. Parce que le Christ a donné sa vie pour nous, nous devons nous attacher à vivre selon son enseignement, pas juste pour être gentil avec les autres, mais parce que quelque chose de plus grand nous attend dans le Royaume : la gloire du Ressuscité à partager pour toujours. Le sens de notre vie n'est pas ici-bas, dans une vie seulement terrestre, qui a commencé sans que nous y soyons pour quelque chose et se terminera à un moment que nous ne définissons pas, en règle générale. Le croyant en Dieu est appelé à vivre les pieds solidement plantés dans cette terre, parce que c’est là qu’il vit et doit agir, mais avec la tête définitivement tournée vers le ciel, en étant attentif à ce que Dieu attend de lui. Nous ne venons pas à la vie terrestre pour mourir ; nous venons à la vie terrestre pour vivre avec Dieu et en Dieu pour toute éternité. Ce n’est pas une promesse vaine, c’est notre espérance, c’est notre foi, et notre charité nous y mènera.

             A ceux qui veulent donner tort à Qohélet, et réaffirmer que notre vie n’est ni vaine ni insensée, il est proposé de vivre dès maintenant et pour toujours avec Dieu, à la suite du Christ, mort et ressuscité pour notre vie. En apprenant de lui à vivre pour les autres, à donner notre vie pour les autres, nous trouverons sens et dignité, nous recevrons récompense et gloire. Il n’est jamais vaniteux de vouloir servir les autres ; il n’est jamais vaniteux de vouloir pour les autres le meilleur ; il n’est jamais vaniteux de donner le meilleur de soi au service de tous. Vanité des vanités, tout est vanité : oui, si je ne vis que pour moi ; mais jamais si je vis pour Dieu et pour les autres. Amen.