Les dernières paroles d'un homme sont considérées souvent comme les plus importantes, celles qui donnent sens à toute son existence, celles qui révèlent ce qu'il a essayé d'être toute sa vie durant. Il en est de même pour Jésus. Le long discours de Jésus, au soir qui le conduit vers sa mort, que Jean nous rapporte en son évangile, est comme une récapitulation de toute sa pensée, de toute sa vie. C'est dans ce cadre si particulier qu'il donne son seul et unique commandement à ses disciples : c'est de vous aimez les uns les autres.
Nous le savons par expérience : rien n'est plus volatile que l'amour, du moins à échelle humaine. L'homme est capable de brûler un jour ce qu'il adorait la veille, simplement pour une question d'humeur. Les grandes tragédies dans l'art théatrale ont toutes pour origine l'amour et ses déviances ou ses faiblesses : la jalousie, l'envie, le désir de possession. L'amour est sans doute la plus belle de toutes les choses terrifiantes en ce bas monde. Et pourtant, l'homme ne saurait se passer d'aimer. La question se pose alors : comment aimer vraiment ?
Lorsque Jésus invite ses disciples à s'aimer les uns les autres, il commence par dire : comme je vous ai aimés. Là est toute la différence entre notre manière d'aimer et celle de Jésus. Nous aimions, ou nous aimons quelquefois encore, comme des hommes. Jésus nous invite à aimer comme lui aime, comme Dieu aime. Et cet amour-là est vrai parce que débarrassé de toute envie, de toute jalousie, de tout désir de posséder. L'amour que Jésus nous porte n'est affecté que par un seul désir : celui de nous savoir sauvés, vivants. Il nous aime jusqu'à donner sa vie pour nous. Il nous aime jusqu'à s'offrir sur la croix en sacrifice pour nous libérer du Mal et de la Mort. Il nous aime jusqu'à nous donner sa propre vie pour que nous puissions vivre et partager la vie de Dieu même. L'amour de Jésus pour l'humanité va supporter la trahison, le reniement, l'abandon, la lâcheté.
Il n'est sans doute pas innocent que ce commandement de l'amour soit donné au moment où Jésus passait de ce monde à son Père. Il va quitter ce monde ; ses disciples ne le verront plus désormais comme au long de ces années à parcourir le pays pour annoncer la Bonne Nouvelle. Pour qu'ils ne soient pas complètement perdus, il leur laisse ce commandement comme un autre signe de sa présence. Jésus sera au milieu d'eux quand sa parole sera annoncée ; Jésus sera avec eux quand le pain sera rompu et partagé ; Jésus vivra à travers eux quand ils aimeront comme lui les a aimés. La présence du Christ est réelle à notre monde dans le partage de sa Parole, de son Eucharistie et de son Amour. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas nous soustraire à cette obligation d'aimer. Jésus l'affirme lui-même : Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour que vous aurez les uns pour les autres. Parole exigeante, certes, mais incontournable !
C'est lorsque l'on a été trahi, rejeté, abandonné et bafoué comme Jésus, que l'on mesure le mieux et pleinement, ce que signifie aimer comme lui. Cela dépasse de loin l'amour humain de nos tragédies anciennes. Cela dépasse de loin souvent nos propres forces. Mais Jésus n'a-t-il pas promis d'être avec nous jusqu'à la fin des temps ? Avec lui, nous pouvons apprendre à aimer vraiment parce que lui nous a aimés jusqu'à l'extrême de l'amour, jusqu'au don suprême de sa vie. Devant la croix, nous mesurons la grandeur de son amour pour nous. Dans le mystère de sa résurrection, nous mesurons la puissance de son amour pour nous. L'amour véritable est bien celui qui nous ouvre toujours à plus de vie.
Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres.
Ne pouvant nous soustraire à ce commandement, demandons à Dieu la grâce d'aimer à la mesure de son amour pour nous. Que son Esprit oriente notre coeur vers Dieu. Ainsi accordés à Dieu à l'image du Christ, nous deviendrons capables d'aimer comme lui nous aime. Amen.
(Merci à Thomas & Titien pour l'autorisation de publier la photo)
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