Frères, quand vous êtes venus vers Dieu… Ainsi commence la seconde lecture que nous avons entendue. Elle est extraite de l’Epître aux Hébreux, une lettre envoyée à des chrétiens qui ont besoin d’être encouragés dans leur foi. Vous le savez sans doute déjà : dans notre vie de foi, il en va comme de bien d’autres engagements : il y a la ferveur des débuts, puis l’installation dans une routine qui conduit souvent à un certain découragement, voire à un abandon. Personne n’est à l’abri de cet enchaînement ; tous, nous avons besoin d’être encouragé dans notre foi pour que nous n’oubliions pas les merveilles que Dieu fait pour nous, par Jésus, son Fils.
Quand vous êtes venus vers Dieu, il en a sans doute été pour vous comme pour les destinataires de la lettre : pas de grand miracle, pas de grand signe, pas de buisson ardent… Vous souvenez-vous seulement du jour où vous êtes venus vers Dieu ? Etait-ce au moment du baptême ? Etait-ce déjà avant ? Ou longtemps après ? Pourquoi avons-nous tant de mal à définir le moment où nous sommes venus vers Dieu ? Ces questions nous font bien comprendre pourquoi il est nécessaire d’être encouragé dans notre foi, pourquoi nous devons être responsables les uns des autres, dans la foi. Les destinataires de la Lettre aux Hébreux avaient là un avantage certain sur nous : ils ont choisi un jour d’aller vers Dieu. Ils ont choisi un jour de devenir chrétiens et ils ont fait cette démarche en connaissance de cause, à une époque où être chrétien n’allait pas de soi, et pouvait avoir des conséquences fâcheuses : devenir chrétien aux premiers temps de l’Eglise, c’était accepter le risque d’être découvert, traduit en justice et exécuté !
Aujourd’hui, alors que nous baptisons encore tant d’enfants qui ne savent même pas parler, le baptême est le sacrement qui marque leur entrée dans la communauté, et leur adoption par Dieu. Mais est-ce vraiment le moment où ils viennent vers Dieu ? Comme je le dis souvent lorsque je baptise un tout petit, il lui faut maintenant grandir, et découvrir par lui-même ce Dieu qui l’appelle à la vie. Il faudra qu’il fasse sien le moment où il viendra vers Dieu. Sinon, il y a fort à parier qu’il n’y reviendra jamais. Nul ne peut vivre toute une vie de foi sur le seul engagement de ses parents et de ses parrains-marraines. Un engagement plus personnel est nécessaire, et il marquera le moment où, en connaissance de cause, le jeune chrétien confirmera le choix qui a été fait pour lui à l’origine de sa vie. Ce moment sera le moment où, jeune adulte, il choisira lui-même d’aller vers Dieu. Plus que le jour même d’une célébration, ce sera le jour où, dans l’intime de sa vie, il aura accepté que Jésus soit son Sauveur, que Dieu soit son Père et que l’Esprit soit celui qui guide et oriente sa vie.
Comment puis-je être encouragé dans ma vie de foi pour aller vers Dieu en vérité ? En participant à la vie de l’Eglise. N’est-elle pas le lieu de rassemblement de tous ceux qui viennent vers Dieu ? A l’époque où la lettre aux Hébreux est écrite, il y a certainement déjà des chrétiens qui ont pris pour habitude de ne plus participer aux rencontres de la communauté. L’auteur de la lettre leur rappelle que quand ils sont venus vers Dieu, ils sont aussi venus vers la Jérusalem céleste, vers l’assemblée des premiers-nés. On ne peut venir vers Dieu et rejeter l’Eglise. On ne peut vouloir s’approcher de Dieu et refuser de rencontrer les frères dans la foi. L’Eglise n’est sans doute pas parfaite, mais elle est composée de ces hommes et de ces femmes, imparfaits comme moi, qui cherchent à vivre humblement avec Dieu. Personne n’y réussira seul. Et choisir d’aller seul vers Dieu, sans les frères, c’est déjà échouer puisque, en Jésus, Dieu a lié sa vie à celle de tous les hommes.
Venir vers Dieu, c’est donc venir vers cette assemblée de frères. C’est aussi venir vers Jésus. Il est celui qui établit dans sa chair la nouvelle alliance qui unit le ciel et la terre, la nouvelle alliance qui redéfinit les liens entre Dieu et les hommes. Ses nombreux appels à vivre selon sa parole sont autant de chemins pour venir vers Dieu sans oublier les frères. Il a rappelé à tous la nécessaire humilité pour s’approcher de Dieu en vérité. Lorsque je viens vers Dieu et que je reconnais Jésus comme celui qui me sauve et me révèle le vrai visage de Dieu, j’entre dans une relation dont je ne suis pas le centre. Dieu peut vraiment prendre la place qui lui revient dans la vie de tout croyant. Et je deviens vraiment son disciple, celui qui marche à sa suite, celui qui écoute et apprend, celui qui reçoit tout de la main de son maître.
Venir vers Dieu, c’est toujours venir vers quelqu’un qui nous appelle, vers quelqu’un qui se révèle à nous, vers quelqu’un qui nous encourage et qui veille sur nous. Faire le choix de venir vers Dieu, c’est un choix à refaire quotidiennement, parce que chaque jour il y a tant d’occasion de renoncer, d’abandonner. La prière de l’Eglise l’a bien compris, elle qui nous a fait prier ainsi au début de notre célébration : Dieu tout-puissant, de qui vient tout don parfait, enracine en nos cœurs l’amour de ton nom ; resserre nos liens avec toi, pour développer ce qui est bon en nous ; veille sur nous avec sollicitude, pour protéger ce que tu as fait grandir. Au moment où nous allons reprendre nos activités pastorales, que cette prière devienne nôtre pour faire grandir encore cette communauté de paroisses que Dieu nous appelle à faire vivre. Puissions-nous aller tous ensemble vers Dieu, le Dieu de notre joie et de notre salut. Amen.