Qui a dit que le Christ était
mièvre ? Qui croit encore que l’Evangile est romantique ? En quelques
mots bien frappés, Jésus vient redire aujourd’hui le but de sa mission, et
force est de constater que c’est tout, sauf romantique : je suis venu
apporter un feu sur la terre ; je dois recevoir un baptême et il m’en
coûte d’attendre qu’il soit accompli ! Je suis venu mettre la division
dans le monde. Quand j’étais enfant, j’avais tellement entendu parler de
Jésus comme d’une espèce de chevelu parlant sans cesse d’amour, que ces
paroles-là passaient mal. En trois phrases, Jésus détruisait lui-même la belle
image que j’avais de lui. Avec le recul, je m’aperçois que c’était une
opération salutaire. Nous pouvons si facilement nous tromper sur le Christ et
ne retenir de lui que ce qui nous arrange.
Je suis venu apporter un feu
sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! Avec ces
mots, Jésus rappelle à ces disciples le but de sa venue. Donner au monde
l’Esprit Saint, ce feu qui vient du cœur de Dieu. Et l’on comprend qu’il ait
hâte que cela se réalise puisque ce feu refait toutes choses nouvelles. Notre
liturgie nous fait dire la même chose lorsque nous chantons par exemple : 0 Seigneur, envoie ton Esprit, qu’il
renouvelle la face de la terre. L’Esprit est comme un feu qui brûle en nous
la trace du mal jusque dans ces germes. Si nous accueillons véritablement
l’Esprit Saint, don de Dieu, nous devenons capables de lutter contre l’esprit
du mal qui ronge tant d’hommes et détruit tant de vie. Nous comprenons mieux
alors l’appel pressant de l’auteur de la lettre aux Hébreux : Débarrassons-nous de tout ce qui nous
alourdit, et d’abord du péché qui nous entrave si bien. Il a bien
conscience que, sans l’aide de Dieu, sans l’exemple de ceux qui nous ont
précédés et qui sont maintenant dans la gloire de Dieu, cela est difficile.
Nous avons besoin de ce feu, de cet Esprit que Jésus appelle de ses vœux. En
détruisant par le feu le mal qui ronge nos cœurs, l’Esprit Saint ne laisse pas
de vide derrière lui. Il remplit nos cœurs de ce feu de Dieu, feu qui nous
consume d’amour pour Dieu et pour nos frères. En réduisant à néant l’emprise du
mal sur nos vies, l’Esprit Saint vient remplir nos cœurs d’amour. Nous comprenons
alors mieux pourquoi Jésus s’impatiente de voir ce feu allumé. Il annonce le
commencement d’un règne de paix, de justice et de liberté ! Et il en
connaît le prix.
Je dois recevoir un baptême,
et comme il m’en coûte d’attendre qu’il soit accompli ! Le baptême
dont parle Jésus, c’est sa mort sur la croix. Il faut que Jésus passe par la
croix pour que l’Esprit Saint soit donné au monde. Et nous comprenons alors
pourquoi Jésus a hâte d’accomplir sa mission. Seule sa mort en croix pourra
offrir aux hommes la libération définitive du pouvoir de la mort. Seule sa mort
en croix, mort d’un innocent au milieu des coupables, pourra racheter les
péchés de l’humanité. Ceux qui avaient imaginé qu’une autre fin serait possible
se trompent. Les paroles curieuses de Jésus sur la paix et la division prennent
sens ainsi au pied de la croix. Face à l’homme crucifié, chacun doit se
prononcer : est-il celui qui vient donner la paix véritable au
monde ? Est-il le sauveur que Dieu nous a promis ? Personne ne peut
répondre à la place d’un autre ; nous pouvons simplement témoigner de ce
que nous vivons à la suite du Crucifié Ressuscité. Lorsque nous sommes
affaiblis par le péché, assaillis par les épreuves, nous pouvons, comme le
suggère si bien la lettre aux Hébreux, méditer
l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité, et
nous ne serons pas accablés par le
découragement. La méditation de la passion doit nous faire comprendre
l’immense amour de Dieu pour nous qui va jusqu’à la mort pour nous offrir sa
vie, la vie qui ne finit jamais.
Je suis venu apporter un feu
sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! Je dois
recevoir un baptême, et comme il m’en coûte d’attendre qu’il soit
accompli ! A bien y réfléchir, ces paroles devraient être lues à
chaque célébration de baptême. Nous serions ainsi remis face à l’essentiel de
la mission du Christ qui devient, par ce sacrement, la mission de tout
baptisé : lutter contre le mal et demander à Dieu que l’Esprit Saint
change le cœur des hommes, change notre cœur, en profondeur. La vie de baptisé
est tout, sauf paisible et tranquille. Marcher à la suite du Christ est tout,
sauf reposant. Nous n’aurons jamais fini de lutter contre le mal ; nous ne
devons jamais cesser de demander l’Esprit Saint. Identifiés au Christ par le
baptême, nous sommes morts au péché. Dieu nous a offert son Esprit pour que
nous devenions capables de vivre selon l’Evangile. Que cette eucharistie ravive
notre baptême et nous permette de vivre davantage de l’Esprit que nous avons
reçu ! AMEN.
(Image de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année C, éd. Les Presses d'Ile de France)
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