En
général, les paraboles, c’est Jésus qui les raconte ; et, reconnaissons-le
tout de suite, nous aimons bien ses paraboles, parce qu’elles nous permettent
de comprendre facilement et rapidement ce qu’il veut nous dire du mystère de
Dieu. Aujourd’hui, pourtant, ce sont ses adversaires qui racontent une
parabole, une petite histoire, non pas pour lui faire comprendre quelque chose,
mais pour le piéger, une fois de plus. Et je l’avoue, je n’aime pas cette
histoire. Trop invraisemblable !
Une
femme épouse un homme et celui-ci vient à mourir, sans lui laisser de
descendance. Selon la loi, elle doit épouser l’un de ses frères !
Jusque-là, ça va. Mais voilà que ce frère vient à mourir aussi. Et le suivant,
et encore le suivant, jusqu’à ce que les sept frères (parce qu’ils étaient
sept) l’aient tous épousée et qu’ils en soient tous morts. Qui va croire
cela ? Qui va surtout croire que cela n’aura éveillé les soupçons de
personne ! Sept frères qui meurent l’un après l’autre, après avoir eu
surtout la même femme pour épouse ! Loi ou pas loi, ce n’est pas très
clair ! C’est même très suspect ! Et la seule chose qui préoccupe nos
sadducéens est de savoir qui elle aura pour mari à la résurrection ! Non
mais, ils ne sont pas nets ! Au lieu de raconter des histoires à faire
peur, ils feraient mieux de se pencher sur le mystère de Dieu. Jésus les y
ramène très vite.
Vous
aurez remarqué, sans doute, qu’il ne répond pas à leur question. Comme si elle
était sans intérêt. Les questionnements des hommes sont à mille lieux de la
grandeur du mystère de Dieu. Ce n’est pas cela l’important, semble dire Jésus.
Ce qui compte, celui qui compte, c’est Dieu. Et ce Dieu est le Dieu de la vie,
le Dieu qui donne la vie. Depuis le premier homme jusqu’à aujourd’hui, c’est
son seul souci ; que l’homme ait la vie. Et une vie en plénitude, une vie
non marquée par la mort. D’ailleurs, nos ancêtres dans la foi nous l’enseignent
bien, puisqu’on parle toujours encore du Dieu d’Abraham, du Dieu d’Isaac et du
Dieu de Jacob. Si nous parlons de Dieu ainsi, c’est bien parce que ces grands
pères de la foi, même s’ils ne sont plus au nombre des vivants de la terre,
sont toujours vivants auprès de ce Dieu qu’ils ont servi et annoncé aux hommes.
Bien avant la venue de Jésus, les hommes pouvaient comprendre que la vie avec
Dieu, la vie en Dieu, était une vie marquée du sceau de l’éternité. La
résurrection de Jésus ouvre cette réalité de Dieu à tout homme qui reconnaît en
Jésus son Sauveur. Comment les sadducéens ont-ils faits pour ne pas comprendre
cela, eux qui prétendent connaître Dieu ?
Le
Dieu que Jésus annonce, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob
est donc le Dieu des vivants et non pas des morts. S’il en est ainsi, pourquoi
s’interroger sur la mort, ou sur l’après mort ? Interrogeons-nous plutôt
sur la vie, sur ce que nous pouvons faire pour la faire progresser, pour la
rendre plus belle. Ce qui compte, c’est ce que je fais de cette vie que Dieu
m’a donnée pour qu’elle fructifie en vie éternelle. Je ne deviens pas plus
croyant en me posant des tas de questions auxquelles personne n’a de réponse.
Mais je deviens assurément plus croyant en calquant ma vie sur la vie de Dieu,
en accueillant en moi la vie du Christ.
En
1999 était sorti un film dont le titre disait : Je règle mon pas sur le pas de mon père. Il raconte l’histoire d’un
jeune homme qui apprend, à la mort de sa mère, l’identité de son père. Il
cherche à savoir qui est cet homme. Le premier contact téléphonique se passant
plutôt mal, il décide de l’approcher incognito ; il va découvrir qui se
cache réellement derrière cet homme, en apprenant en même temps la désillusion.
Quelquefois, je me dis qu’avec Dieu, nous devrions aussi aller de désillusion
en désillusion ; non pas parce que Dieu nous mentirait ou qu’on nous
mentirait sur Dieu, mais parce que nous nous faisons de Dieu des images
fausses, des images à notre mesure, selon notre humeur ; et ces images
nous empêchent de découvrir réellement qui est Dieu. Si nous apprenions la
désillusion sur ce que nous croyons savoir sur Dieu, nous pourrions peut-être
l’approcher en vérité, et croire, tout simplement, c’est-à-dire lui faire
confiance sur parole. Il nous dit qu’il veut notre vie, et pour toujours ?
Eh bien soit ; qu’importe alors le « comment » et le « quand »
et le « pourquoi ». Dieu veut notre vie, cela devrait nous
suffire ; et surtout nous encourager à vivre, en majuscule, une vie à la
mesure de Dieu, une vie à la mesure de son amour pour nous. Il ne s’agit pas de
dire qu’il ne faut pas se poser de question sur la foi, sur Dieu… Il s’agit de
se poser les bonnes questions, celles qui nous permettre de vivre mieux, de
progresser, et non celles qui nous embrouillent l’esprit et nous ferment à la
miséricorde de Dieu. Seul compte Dieu, seul compte comment je vis aujourd’hui
par lui, avec lui, en lui.
Partis
d’une question qui se voulait sans doute très philosophique, nous voici ramenés
à quelque chose de très terre à terre : notre vie aujourd’hui. Car enfin,
on ne gagne pas son ciel à s’embrumer l’esprit de mille questions
inutiles ; on gagne son ciel à vivre aujourd’hui, tout simplement, du
mieux possible, en accord avec la Parole du Dieu des vivants que le Christ n’a
cessé de proclamer. Il n’y a rien d’autre à faire qu’à vivre, en réglant notre pas sur le pas de Dieu, notre Père. Cela vous semble
peu, mais c’est déjà beaucoup. Essayez donc ! Amen.
(Gustave DORE, Dieu crée Eve)
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