Nous n’aimons pas en
général parler de la mort ou des catastrophes qui peuvent survenir dans une vie
humaine. Nous n’aimons pas davantage parler de la fin des temps et du jugement
dernier. Pour certains, cela rappelle de mauvais souvenirs, et cela déforme
surtout l’image du gentil petit Jésus, né dans la crèche, parlant d’amour et de
pardon, mort pour nous sauver justement de ce que la vie a de plus sombre et de
plus triste. Alors pourquoi encore lire ces passages de l’Ecriture qui ne parle
que de désastre, de compte à rendre, de souffrance. N’y a-t-il pas plus
urgent ? En ces temps de crise et de violence, ne peut-on pas, au moins à
l’église, parler de choses plus joyeuses ? Deux raisons de lire encore ces
textes difficiles et sombres militent en faveur du choix fait par les
liturgistes et par l’Eglise.
Première raison : nous ne
vivons pas dans un monde parfait. La souffrance, le malheur, les catastrophes
et les guerres font partie de notre vie. Les événements en Syrie, en divers
pays d’Afrique, en Asie, nous le démontrent avec force et cruauté. Il nous est
rappelé que tout peut finir à l’instant, à cause de la folie d’un seul. Il nous
est jeté à la figure la faiblesse et la fragilité d’une vie, de notre vie. Il
n’y a qu’à lire les journaux pour s’en convaincre.
La religion ou la foi, selon
l’angle par lequel on aborde la question, ne nous font pas sortir de ce monde
d’humanité. La foi ne nous préserve pas de ce qui touche l’homme au plus profond
de lui. La foi ne nous protège pas du mal et de la souffrance. La foi n’a
jamais empêché quelqu’un de faire du mal. Cela plaît ou non, mais c’est la
réalité ! Parce que la foi, loin de nous isoler sur un nuage de tendresse
et de bonheur, nous renvoie d’abord à ce
qui fait une vie d’homme. La foi nous oblige à regarder ce monde dans lequel
nous vivons, et à le regarder bien en face, sans complaisance, sans angélisme.
Si nous croyons au Christ
sauveur, alors nous croyons aussi qu’il a passé par cette vie humaine, avec
tout ce qu’elle comporte de beau, mais aussi avec tout ce qu’elle peut avoir de
pire. Il a subi l’injustice, il a subi la mort programmée, au nom du Dieu des
hommes qui l’ont condamné ! Par sa passion, par sa mort en croix, il a donné
sens à tous ces non-sens que sont la violence, la haine, la destruction. Il
leur a donné sens en rappelant qu’ils n’étaient pas un passage obligé, que le
monde pouvait changer, pouvait devenir meilleur, si le monde, (c’est à dire
nous), le voulait. Il est allé jusqu’à la croix pour nous montrer le chemin
d’une autre humanité que celle de la vengeance et de la haine. Il est allé
jusqu’à la croix pour prouver aux hommes la force de l’amour vécu jusqu’au don
de la vie. Grâce au Christ, il y a toujours un espoir pour le monde ;
grâce au Christ, même l’homme le plus méchant, le plus abject, sait qu’il peut
changer, se transformer, s’il se laisse toucher par la parole du Christ et sa
puissance d’amour. Grâce au Christ,
celui qui est pris dans les turbulences de l’histoire et de la haine, peut
trouver un chemin d’espérance et de salut. Grâce au Christ, même la souffrance
et la mort ne peuvent plus détruire une vie.
La deuxième raison de lire encore
les textes que nous avons entendu réside justement dans cela que le Christ nous
accompagne dans nos vies, si bouleversées, si catastrophiques
soient-elles ! Jésus n’annonce pas les catastrophes pour dérouter les
hommes, mais pour leur rappeler qu’il est toujours présent à la vie humaine,
même quand les événements semblent affirmer le contraire. Il nous redit que pas un cheveu de notre tête ne sera perdu.
Il nous invite encore et toujours à l’espérance et à la foi.
Pour difficile qu’il soit à
entendre et à comprendre, le message est clair : au plus profond de la
nuit des hommes, Dieu est encore présent. Cela signifie que Dieu souffre avec
nous sur nos lits d’hôpitaux ; Dieu meurt avec nous dans nos conflits sans fin ; Dieu est assassiné
avec ceux qui meurent par la folie des hommes. Dieu vit jusqu’à l’extrême nos
vies d’hommes et de femmes pour mieux nous entraîner dans son Royaume et nous
faire vivre avec lui. Il n’est pas celui qui vient quand tout est fini ;
il n’est pas non plus le magicien qui nous préserve du mal. Il ne change pas
notre vie pour la rendre meilleure parce qu’il s’est pris au piège de notre
liberté, liberté qu’il nous a lui-même offerte. Mais il est celui qui sans
cesse marche avec nous, nous soutient sur nos routes de souffrance et nous
invite à changer. Il est celui qui se tient sur le bord de nos chemins, nous
rappelant son amour. Il est celui qui peut nous rendre espérance et force au
milieu des difficultés et des faiblesses que nous connaissons.
Quand avons-nous senti pour
la dernière fois sa présence aimante et agissante au cœur de notre vie au point
de nous laisser bouleverser par lui et changer de comportements ? Quand
avons-nous accueilli sa parole pour qu’elle nous transforme ? Dieu ne peut
rien sans nous ; mais il peut tout si nous lui laissons la place et les
moyens pour agir. Oui, il viendra le jour
de Dieu ; il se lèvera le soleil de justice. C’est une certitude.
Qu’elle devienne nôtre, et nous pourrons continuer de croire, malgré tout. AMEN.
(Photo prise à Berlin, Morceau du Mur qui séparait l'Allemagne)
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