Deux larrons, Jésus et nous.
Trois hommes. Trois
condamnés. Trois réactions face à la mort. Voilà ce que nous présente la
liturgie en la fête du Christ, roi de l’univers. Car, pour étonnant que cela
paraisse, cette page d’évangile rapportant la crucifixion nous parle bien de la
royauté de Jésus. Et c’est justement face à la mort que nous pouvons le mieux
approcher cette affirmation de notre foi.
Deux des condamnés sont des
malfaiteurs. Leur style de vie, leurs actions passées les ont menés logiquement
jusqu’au gibet. Ils ont joué, ils ont perdu, ils paient. Leur réaction face à
ce qui arrive est pourtant fort différente. L’un d’eux, véhément, s’en prend au
troisième condamné, qui n’est pourtant ni leur complice, ni celui par qui ils
se sont fait prendre. Il le met au défi de les sauver, malgré les apparences.
Il se place ainsi au même niveau que tous ceux qui regardent la scène et
interpellent eux-aussi ce troisième condamné : Si tu es le roi des juifs, sauve-toi toi même ! Ils
attendent un signe éclatant, qui prouverait leur folie et leur aveuglement. Ils
attendent, en espérant certainement que cela ne se fasse pas. Si Jésus, parce
que c’est lui le troisième condamné, si
Jésus donc avait véritablement été le Messie, ils l’auraient reconnu, à coup
sûr, et ne l’auraient pas condamné. Celui-là ne peut être qu’un
imposteur !
Le deuxième condamné, s’il a
suivi son compère tout au long de sa vie, ne peut plus être d’accord avec lui.
Il sait Jésus innocent. Il reconnaît que lui a mérité ce qui lui arrive. Il
médite un peu tard sur le sens de sa vie et se tourne vers Jésus avec cette
phrase surprenante : Jésus,
souviens-toi de moi quand tu reviendras comme roi ! Entendez
bien : quand tu reviendras, et non pas quand tu seras dans
ton paradis. Il a découvert, sur le tard, que ce Jésus, qui est condamné avec
eux, est bien le Roi des Juifs, celui que l’espérance d’Israël leur faisait
attendre. Et devant ce Roi couronné d’épine et cloué en croix, il reconnaît le
vide de sa vie, espérant le pardon que les hommes lui ont refusé. Il ne crane
pas comme l’autre condamné ; il ne hurle pas avec la foule. Il regarde sa
vie et se reconnaît misérable. Sans doute est-ce dans cette attitude qu’il faut
trouver le qualificatif de « bon » que la tradition attribue à ce
larron. Il devient bon au seuil de sa mort. Trop tard, me direz-vous ! Je
ne crois pas. En relisant les Ecritures, ne trouvons-nous pas, dans les
prophètes, cette affirmation : Quand
le méchant se détourne de la méchanceté qu’il avait commise et qu’il accomplit
droit et justice, il obtiendra la vie (Ez 18, 27) ? C’est bien ce qui
advient à ce malfaiteur. Il a rencontré en Jésus, son Sauveur ; il le
confesse comme tel. Jésus peut désormais l’assurer qu’aujourd’hui même, il sera
avec lui. Ce faisant, Jésus révèle sa puissance et sa royauté. Il est celui qui
combat le mal, il est celui qui fait vivre, il est celui qui relève et protège
le pauvre. Il est roi pour celles et ceux qui laissent sa Parole d’amour et de
pardon gouverner leur vie. Il est roi pour celles et ceux qui reconnaissent que
Jésus est mort sur la croix, librement, pour définitivement vaincre la mort et
le péché. Il est roi pour celles et ceux qui reconnaissent que Jésus peut
encore quelque chose pour eux, malgré ce qu’ils ont pu dire, faire ou vivre
dans le passé. Il est roi pour celles et ceux qui pensent qu’il n’est jamais
trop tard pour bien faire, ou pour faire mieux. Il est roi pour celles et ceux
qui se reconnaissent assez humbles pour n’être pas leur propre roi et laisser
leur vie entre les mains de ce condamné. Il est roi parce qu’il aime jusqu’à ce
moment crucial où tout semble perdu. Il est roi parce que, même là, sur la
croix, il ne veut que le bonheur et la vie des hommes.
En assurant le deuxième
condamné de sa présence, dès ce jour, aux côtés de lui, Jésus nous fait
entrevoir notre propre destin. Comme ce malfaiteur, nous sommes appelés à vivre
avec Dieu. Comme pour ce malfaiteur, il n’est jamais trop tard pour nous mettre
à l’école du Christ et changer de vie. Puissions-nous, dès aujourd’hui et tous
les dimanches à venir, nous tourner avec foi vers le Crucifié, le Roi de notre
vie, et reconnaître en lui celui qui vient nous sauver. Alors nous aussi, dès
aujourd’hui, nous serons avec lui dans le
Royaume. Amen.
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