La
fête de Noël a quelque chose de paradoxale. Tout nous porte à la fête :
que ce soit les lumières de la ville, le sapin dans nos maisons, les cadeaux
échangés hier soir ou ce matin, la naissance d’un enfant au cœur de notre
nuit ; et pourtant, il se joue un vrai drame en cette fête, lié à notre
inconstance, à notre incapacité à savoir vraiment ce que nous voulons.
Peut-être notre côté : Hans em schnockeloch ! Ce que nous avons, nous
ne le voulons pas ; ce que nous voulons, nous ne l’avons pas !
N’est-ce
pas déjà ce que soulignait saint Jean dans le prologue de son Evangile ? il est venu chez les siens, et les siens ne
l’ont pas reçu. Quel drame pour Dieu, peut-être ; quel drame pour
l’homme surtout. Il attendait un Messie, envoyé par Dieu, pour sauver son
peuple ; et quand Dieu en envoie un, il est refusé, car il ne correspond
pas à l’article demandé. Imaginez la déception de Dieu ! Elle ressemble à
celle de tout parent qui fait un cadeau à son enfant et que celui-ci n’accepte
pas, ne reconnaît pas comme un don, parce qu’il voulait autre chose. Oh, il va
le déballer son cadeau, même risquer un timide merci, mais il ne joue pas avec
son cadeau, il n’en profite pas vraiment. Le cadeau n’est pas reçu pour ce
qu’il est : un signe de l’amour que ses parents lui portent. Ne
sommes-nous pas avec Dieu comme cet enfant qui fait la tête parce qu’il n’a pas
reçu en cadeau ce qu’il espérait, et ne reçoit pas vraiment le cadeau qui lui
est fait ?
Nous
avons tous appris qu’il fallait donner : donner de son temps, donner de son argent, donner de sa personne. Le
partage est élevé au rang de vertu. Mais savons-nous recevoir les dons que
d’autres nous font ? Savons-nous recevoir les dons que Dieu nous
fait ? Nous sommes venus à la crèche en cette nuit, avec les bergers des
environs. Mais qu’avons-nous vu ? Qu’avons-nous reçu ? Avons-nous
reconnu avec les bergers celui que les anges chantaient ? Ou n’avons-nous
vu qu’un enfant, une bouche de plus à nourrir, un cadeau empoisonné ?
Avons-nous reconnu avec les anges en cet enfant toute la puissance de Dieu,
toute la vie de Dieu qui s’abaissait jusqu’à devenir comme nous ? Ou
n’avons-nous vu qu’un pauvre enfant, obligé de coucher dans une mangeoire parce
que tous les hôtels sont pleins, suite au recensement ordonné par l’envahisseur
étranger ? Avons-nous partagé la joie des troupes célestes ou sommes-nous restés figés devant cet enfant
qui ressemble à tout, sauf à Dieu.
Pourtant,
si la fête de Noël nous apprend quelque chose, c’est bien celle-là :
savoir recevoir ce que Dieu veut nous donner, savoir le recevoir et savoir
ensuite en vivre. Dieu sait ce dont nous avons besoin, et il nous le donne
toujours. Mais souvent, nous ne reconnaissons pas les dons que Dieu nous fait
parce que nous en attendons d’autres. En cette nuit, il y a eu un don :
celui d’une vie nouvelle faisant irruption dans notre vie. Puisque nous
n’arrivons pas à vivre à l’image et à la ressemblance de Dieu, voilà que Dieu
se fait l’un de nous, se fait comme nous pour nous attirer vers lui. Il n’y
aura pas d’autre don que ce signe d’un enfant nouvellement né. Avec cet enfant, Dieu a tout donné puisque cet enfant
est la parole vivante de Dieu, la parole incarnée de Dieu. Le Verbe s’est fait chair, et il a établi sa demeure parmi nous. Dieu
habite au milieu des hommes ! Nous pouvons discerner sa présence dans
celles et ceux qui nous entourent, celles et ceux dont nous croisons la route,
même subrepticement. Pour ne pas passer à côté, pour ne pas le refuser quand il
se manifeste à nous, nous devons apprendre à recevoir ce que Dieu nous donne.
Sinon nous continuerons de demander des choses que nous avons déjà reçues mais
que nous n’avons pas vraiment acceptées. Un cadeau à peine déballé, aussitôt
rangé au rayon des inutiles, des invendus,
des sans intérêts. Et avec cela, c’est Dieu qui passait dans nos
vies ; c’est Dieu qui était mis de côté.
Apprendre
à recevoir de Dieu ce qu’il veut nous donner, c’est entrer dans le mystère de
Noël par la grande porte. C’est reconnaître que Dieu me parle par ces dons,
qu’il est attentif à ma prière et qu’il veille sur moi. Apprendre à recevoir,
c’est reconnaître que les dons faits ne sont peut-être pas ceux que nous
attendions, mais qu’ils peuvent transformer notre vie, en mieux, malgré le
manque de n’avoir pas eu ce que nous espérions. Apprendre à recevoir de Dieu ce
qu’il veut nous donner, c’est entrer dans son projet d’amour pour nous, et nous
laisser transformer par lui, en profondeur : à ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu.
Apprendre à recevoir de Dieu ce qu’il veut nous donner, c’est entrer dans une
plus grande intimité avec lui.
Nous
pouvons arrêter le drame de Noël en recevant vraiment cet Enfant pour ce qu’il
est, le Fils de Dieu venu dans le monde, dans notre monde. Nous pouvons recevoir ce cadeau et lui faire la place
qui lui revient dans notre vie. Il veut habiter
chez nous ; accueillons-le. Il veut changer notre vie : laissons-le
faire pour notre plus grand bien. Au cœur de notre vie, Dieu s’est fait homme
pour que l’homme puisse retrouver en lui la trace de son passage. Recevons ce
don, vivons-en chaque instant, pour la gloire de Dieu et le salut du monde.
Amen.
(Photo de l'auteur)
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