Qui
a eu cette idée folle de réunir en une même célébration deux Apôtres aussi
dissemblables que Pierre et Paul ? Avouez que c’est une chose surprenante ;
c’est comme une alliance entre l’eau et le feu, entre l’impétuosité et la
raison pure. Deux personnalités différentes, voire opposées si ce n’est en ce
qui concerne leur amour du Christ. C’est lui qui fait leur unité, c’est lui qui
fait leur force.
Commençons
par Pierre. Pour le définir, il faudrait relever sa propension à parler trop
vite, à réfléchir trop peu. Cela lui vaut de se faire traiter de satan par Jésus
lui-même, lorsqu’ayant annoncé sa mort prochaine, Pierre l’assure que lui
vivant, cela n’arrivera pas ! Cela lui vaut de renier Jésus, trois fois,
alors qu’il s’était engagé à ne pas abandonner son Maître ! Mais il est
aussi l’homme de la confiance, qui sur une parole de Jésus, remet ses filets à
l’eau au petit matin après une pèche infructueuse. Il reste l’homme de la
confiance, après son reniement, lorsque croisant le regard de Jésus que l’on
emmène, il se met à pleurer amèrement.
Sans doute est-ce pour cela qu’il s’est vu établir comme gardien de
cette Eglise que Jésus lui confie.
Paul
est plus réfléchi que Pierre, assurément. Il l’a toujours été. Avant sa
conversion, sa réflexion l’avait amené à comprendre le danger que pouvait
représenter cette communauté atypique qui ne cessait de proclamer que Jésus était
vivant alors même que les chefs des prêtres l’avaient fait condamner à la
croix. Après sa conversion, il sera tout aussi réfléchi quand il expliquera en
quoi la résurrection du Christ et la proclamation de sa résurrection sont non seulement
une grande joie, mais aussi une grande chance pour Israël d’abord, pour tous
les hommes, sans distinction de race, de religion ou de culture après. Il explique
la foi chrétienne avec tant d’assurance et tant de clarté que l’on comprend son
titre d’Apôtre alors même qu’il n’a pas connu Jésus de son vivant et n’a donc
pas entendu son enseignement. Tout ce qu’il sait de Jésus, c’est ce qu’il en a
entendu dire. Mesurez-vous quelle intelligence il faut pour passer de on dit à
une certitude absolue qui rend capable de fixer les choses de la foi dans un
discours cohérent ?
Ces
deux saints si différents sont animés par un même amour du Christ. Pierre
serait l’Obélix de la foi chrétienne : il est tombé dedans quand Jésus l’a
appelé ; son impétuosité a fait le reste ; il a suivi Jésus, assumant
ses paroles hâtives, ses gestes guère plus réfléchis (c’est lui qui tranche l’oreille
d’un serviteur au moment de l’arrestation de Jésus, comme s’il pouvait ainsi
tout arrêter !). Paul a appris à passer de la haine du Christ qui lui fait
pourchasser les adeptes de cette doctrine nouvelle à l’amour total et
inconditionnel, cet amour qui lui fait braver tous les dangers qui se dressent
sur sa route dès lors qu’il part évangéliser. Oui, Pierre et Paul aiment tous
deux profondément et sincèrement le Christ, même si leur rapport au divin
Maître est différent. C’est certainement la préface que nous entendrons tout à
l’heure qui souligne le mieux à la fois ce qui oppose ces deux-là et celui qui
les rapproche au point que l’Eglise les célèbre ensemble en ce jour. Tu nous donnes de fêter en ce jour les deux
Apôtres Pierre et Paul : celui qui fut le premier à confesser la foi, et
celui qui l’a mise en lumière ; Pierre qui constitua l’Eglise en s’adressant
d’abord aux fils d’Israël, et Paul qui fit connaître aux nations l’évangile du
salut ; l’un et l’autre ont travaillé, chacun selon sa grâce, à rassembler
l’unique famille du Christ… La prière de l’Eglise ne nie pas les
difficultés qui ont pu surgir entre ces deux. Vous pouvez entendre en arrière
fond de cette préface les passages difficiles des Actes des Apôtres qui
auraient pu conduire à la rupture au sein de la communauté chrétienne lorsque
Paul a commencé à se tourner vers les païens sans leur demander de devenir fils
d’Abraham par la circoncision. Il a fallu toute la sagesse des Apôtres et la
force de l’Esprit Saint pour arriver à un compromis permettant à tous de se
reconnaître d’une même Eglise et de travailler ensemble, chacun selon son
charisme, à faire connaître l’Evangile du salut.
Pierre
et Paul ont eu des chemins différents, mais un même amour et un même destin :
chacun a donné sa vie pour le Christ. Si l’Eglise les célèbre ensemble, c’est
peut-être pour nous faire comprendre qu’aujourd’hui encore l’évangile doit être
adressé ad intra comme le fait Pierre ( qui se tourne vers ceux qui croient déjà et qui sans cesse doivent manifester
leur fidélité au Christ) et ad extra comme le fera Paul
(qui va vers ceux qui ne connaissent pas encore Jésus et qui ont soif de sa Parole de vie).
Peut-être veut-elle aussi nous faire comprendre que l’Eglise a besoin de gens
impétueux comme Pierre et de gens réfléchis comme Paul. Si ces deux-là ont pu s’entendre
et trouver leur mission, alors chacun peut trouver sa place et sa mission dans
la communauté croyante.
En
ce jour où nous vénérons ensemble Pierre et Paul, demandons au Seigneur la
grâce d’une fidélité parfaite à leur
enseignement : ainsi nous pourrons poursuivre l’annonce du Christ à
tous les hommes et faire vivre cette Eglise dont ils sont les promoteurs et les
hérauts. Amen.
(Icône des Saints Pierre et Paul)
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