S’il nous fallait choisir une seule
phrase de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, ce serait assurément ce double
commandement qu’il livre aujourd’hui à ses contradicteurs qu’il nous faudrait
retenir. L’amour de Dieu et du prochain, irrémédiablement lié, éternellement
associé. Depuis que Jésus a été interrogé sur le cœur de la Loi, nul ne peut
ignorer qu’il s’agit, dans un même mouvement, d’aimer Dieu et le prochain. Et
pour ceux qui n’auraient pas tout compris, saint Jean, dans l’une de ses
lettres, enfonce le clou en proclamant : Celui qui dit qu’il aime Dieu qu’il ne voit pas et qui n’aime pas son
frère qu’il voit, celui-là est un menteur ! Il nous faut donc tenir
pour acquis que notre amour de Dieu se vérifie dans l’amour des frères, et que
notre amour des frères renforce notre amour de Dieu.
Faisons un pas de plus. A
l’origine de l’amour, il y a Dieu. J’aime à le croire. Et ma conviction en est
renforcée chaque fois que je vois les hommes incapables d’aimer par eux-mêmes.
Je parle là de cette qualité d’amour qui nous fait accepter l’autre tel qu’il
est ; cette qualité d’amour qui me pousse au pardon lorsque l’autre me
blesse ; cette qualité d’amour qui me permet de comprendre que l’autre
n’est pas mon objet, ma possession, mais un être libre, avec son histoire
propre, ses qualités et ses défauts. Nos réflexes humains nous poussent le plus
souvent à aimer qui nous aime, le temps qu’il nous aime ou qu’il nous plaît, et
à ignorer l’autre le jour où il nous blesse, ou simplement parce qu’il ne
correspond plus à ce que nous avions entrevu ou imaginé à son sujet. Mais là
n’est pas le véritable amour. Pour apprendre comment aimer, il me faut regarder
vers la source de l’amour. Rien ne vaut alors la fréquentation des textes
bibliques, qui ne sont finalement que la mise en page de l’amour immense de
Dieu pour nous. De la première aube jusqu’à la fin des temps, Dieu aime
passionnément l’humanité. Toute la Bible en témoigne. C’est l’amour de Dieu qui
est créateur ; c’est l’amour de Dieu pour l’humanité qui suscite les
patriarches, les rois et les prophètes. C’est l’amour de Dieu pour l’humanité
qui engendre le Christ en Marie, offrant au monde la Source du salut en cet
enfant, Dieu fait homme. C’est l’amour de Dieu pour l’humanité qui se livre sur
la croix, alors que tous, croyants et païens, rejettent ce Dieu Sauveur, venu
annoncer aux hommes qu’ils sont faits pour vivre ! C’est encore l’amour de
Dieu pour l’humanité qui ressuscite ce Fils unique et propose à tout homme qui
croit en lui d’être libéré à son tour du mal et de la mort. Il n’y a pas de
place, en Dieu, pour la vengeance, l’humiliation, la revanche. Seul l’amour est
vrai. Seul l’amour donne vie. Et c’est à cet amour-là que nous sommes invités à
nous conformer ; c’est de cet amour-là dont parle Jésus ; c’est cet
amour-là qu’il nous invite à vivre. Un amour qui est de toujours et pour
toujours.
L’amour devient ainsi comme la
marque de fabrique du croyant. Jésus le dira à ses disciples : C’est à l’amour que vous aurez les uns pour
les autres que le monde saura que vous êtes mes disciples. Non pas que nous
soyons meilleurs que les autres, mais nous avons, perpétuellement devant les
yeux, et au plus profond de notre cœur, l’exemple de Jésus qui nous a aimés
jusqu’à donner sa vie pour nous. Comment, ayant bénéficié d’un tel amour, ne
pas chercher à en faire bénéficier d’autres ? Si notre baptême nous
configure bien au Christ Sauveur, nous avons reçu de lui ce qui est nécessaire
pour vivre et aimer comme lui. N’est-ce pas son Esprit qui habite en
nous ? N’est-ce pas son Esprit qui nous fait vivre ? Peut-être nous
faut-il revenir à la source même de notre baptême pour y puiser la force
d’aimer ! Et si notre amour est quelquefois défaillant, nous pouvons
puiser encore à la source du pardon que Dieu nous offre, pour goûter ainsi à la
joie qu’il y a d’être aimé, malgré nos faiblesses. Nous pouvons aussi nous
approcher de la table de l’Eucharistie où Dieu rend actuel le sacrifice de son
Unique : nous pouvons recevoir ici la vie même de Dieu et faire mémoire de
son amour pour nous. Nous le voyons : Dieu nous demande d’aimer comme il
aime, parfaitement. Mais il nous donne aussi, à travers ses sacrements, les
moyens nécessaires pour vivre et faire grandir un tel amour. Dieu ne nous
demande rien d’impossible ! Agissant pour nous dans ses sacrements, il éveille
en nous la possibilité d’aimer vraiment.
Rassemblés pour célébrer
l’Eucharistie, nous pouvons rendre grâce pour ce que l’amour de Dieu réalise
pour nous chaque jour ; et nous pouvons faire nôtre l’exclamation du
psalmiste : Je t’aime,
Seigneur ! L’aimant lui de tout notre cœur, nous verrons
s’ouvrir devant nous les chemins qui nous mènent vers nos frères en humanité
pour construire avec eux un monde de paix et d’amour. Amen.
(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire