Il
y a de nombreuses manières de parler de l’Eglise. Dire ce qu’elle est, dire son
mystère, passe nécessairement par une multitude d’images variées, se complétant l’une l’autre. Si l’Evangile de
dimanche dernier nous invitait à découvrir Jésus, le bon Berger, il exprimait
aussi une partie du mystère de l’Eglise, comprise comme bergerie du Christ. Ce
matin, la liturgie nous propose la méditation d’un extrait de la lettre de
Pierre qui nous rappelle qu’il existe un lien puissant entre Jésus et les
croyants : le baptême. Le baptême nous identifie au Christ et nous
introduit dans cette Eglise de Jésus Christ. Cette Eglise, affirme Pierre, est
Temple de l’Esprit (demeure spirituelle dans la nouvelle traduction
liturgique) que nous sommes invités à construire par notre vie. Je voudrais
méditer avec vous cette affirmation de l’Eglise au sujet d’elle-même.
Voilà
une belle expression pour exprimer quelque chose du mystère de l’Eglise :
Temple de l’Esprit Saint. Elle signifie que l’Esprit Saint y habite, que nous
avons la certitude d’être guidé par lui, accompagné à chaque instant. L’Eglise
n’est pas Temple de l’Esprit Saint parce qu’elle serait meilleure que les
autres institutions humaines, mais parce qu’elle vient de Dieu. Dieu a établi
sa demeure au milieu de son peuple. Puisque l’Eglise est ce peuple de
Dieu, elle est aussi le lieu où il demeure !
Dire
que l’Eglise est Temple de l’Esprit Saint, c’est aussi affirmer une des
missions essentielles de l’Eglise – et donc de chaque croyant – : sanctifier
le monde. Autrement dit, on y prie, dans cette Eglise. « Prier, c’est
établir une relation d’amour, une relation personnelle entre Dieu et moi ».
Cela a quelque chose à voir avec ma vie privée.
Mais cela a quelque chose à voir aussi avec la prière
communautaire ! Si un chrétien seul est un chrétien en danger, on peut
dire, par analogie, qu’il en va de même pour le priant. Un priant solitaire
peut être en danger si sa prière ne rejoint jamais celle d’une
communauté priante. Si la prière personnelle est vitale parce qu’elle met le
croyant en relation personnelle avec Dieu, la prière communautaire l’est tout
autant, parce qu’elle fait entrer le croyant dans la prière de l’Eglise, et le
met ainsi en relation avec ses frères. Je ne prie plus alors avec mes seuls
mots et selon mes humeurs, mais avec les mots et les gestes que me donne
l’Eglise. La prière de l’Eglise, c’est bien sûr la célébration des sacrements,
et en particulier l’Eucharistie, mais c’est aussi la liturgie des heures,
c’est-à-dire la sanctification du temps qui passe. Quelle que soit l’heure du
jour ou de la nuit, il y a ainsi toujours quelqu’un, quelque part dans le
monde, en train d’adresser à Dieu la louange qui lui revient ! Et l’homme
ne prie plus ainsi seulement pour lui selon les trois mots fondamentaux de la
prière (pardon, s’il te plaît, merci), mais il prie avec les autres, pour la
sanctification de l’Eglise et du monde, avec les mots que l’Esprit Saint confie
à l’Eglise. C’est une des missions fondamentales de l’Eglise avec
l’enseignement et la charité, et non pas l’affaire de spécialistes reclus dans
nos monastères ! Par notre baptême, nous participons au sacerdoce commun
de tous les fidèles, et nous avons donc notre part à prendre dans la louange
des merveilles que Dieu réalise pour nous.
Affirmer
que l’Eglise est Temple de l’Esprit Saint, c’est aussi reconnaître la chance
que nous avons d’être soutenus par la
prière des autres. Nous le savons bien : la vie spirituelle est une longue
route. Tous n’ont pas la même avancée. Tous ne courent pas avec la même foulée.
Il y a aussi des jours où l’on a envie de s’asseoir, de se reposer. C’est dans
ses moments-là, quand rien ne va plus, que nous pouvons le mieux faire
l’expérience de l’Eglise comme Temple de l’Esprit Saint, car si nous y prêtons
attention, nous pouvons nous sentir portés par la prière des autres. Les
mots de la prière qui m’échappent parce que je n’en peux plus sont comme
entraînés par la prière de l’Eglise. Et si je ne trouve plus les mots de la
prière, je sais que quelqu’un, un frère, une sœur en Christ, prie avec les mots
de l’Eglise, pour celles et ceux qui ne savent plus prier ou qui ne savent pas
prier. Je peux donc reprendre pied dans ma vie spirituelle en sachant qu’un
jour, j’aurai à rendre à mon tour ce service de la prière pour quelqu’un qui
sera resté au bord du chemin. La prière de l’Eglise, la prière pour
l’Eglise est certainement un des signes les plus forts de la
fraternité spirituelle que nous sommes appelés à vivre ! Si nous
avons bien compris que la prière, personnelle ou/et communautaire, n’est pas
une échappatoire, mais un puissant levier pour transformer les cœurs et le
monde, alors nous éviterons la principale limite de cette image de l’Eglise,
limite qui consisterait à fuir dans un spiritualisme forcené, déconnecté de la
réalité. L’Eglise est Temple de l’Esprit
Saint et nous sommes les pierres vivantes qui forment cette Eglise. Nous
sommes le sacerdoce royal chargé de célébrer les louanges de Dieu. Avant
d’être un titre de gloire, c’est une grande responsabilité, puisque nous avons
à témoigner devant les autres de ce que Dieu réalise pour nous, en nous, par
nous.
Par
le baptême, chacun fait son entrée dans ce Temple vivant. Il est de notre
responsabilité à tous d’éveiller chaque baptisé à ce grand mystère pour que chacun
trouve un jour sa place au milieu de nous et chante à son tour les merveilles
de Dieu pour les hommes. Aucun croyant ne saurait se soustraire à ce devoir.
Aucun croyant ne saurait garder pour lui ce que Dieu réalise dans sa vie. Si
nous sommes vraiment au Christ, cela doit se voir ; si nous sommes
vraiment au Christ, cela doit se traduire dans une vie conforme à l’Esprit du
Christ. Que la célébration de cette eucharistie soit l’occasion de renouveler notre
attachement au Christ Sauveur ! AMEN.
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