Qui n’a jamais
douté ? Qui n’a jamais été tenté d’accuser Dieu de tous les maux, ou
d’avoir mal fait sa création puisque tant d’imperfections y subsistent ?
L’accusation n’est pas nouvelle. Elle a traversé tous les temps, toutes les
générations. Elle a pris, avec l’horreur des camps de concentration au siècle
dernier, et avec l’horreur des attentats de ces dernières années, une vigueur
nouvelle, d’autant plus que leurs auteurs se réclament de Dieu ! Si Dieu
existe, pourquoi a-t-il permis cela ?
L’homme
de la Bible ne nie pas cette question. Il est, sans doute, le premier à se
débattre avec la question du mal et de la souffrance. Au fur et à mesure qu’il
s’approche de son Dieu et le découvre, s’affine aussi sa réponse à cette
question. Il y a longtemps, alors qu’on ne parlait pas encore de Jésus Christ,
après la terrible épreuve de l’exil, un sage écrira dans la Bible : Dieu
n’a pas fait la mort… Il tentait, à sa manière, de redire à
ses compatriotes, une affirmation essentielle concernant le Dieu des Pères, le
Dieu de l’Alliance. Il n’est pas possible que Dieu ait créé l’homme pour que
celui-ci soit malheureux sur terre. Il n’est pas permis de croire en un tel
Dieu !
La
longue histoire du peuple hébreu nous indique plusieurs fois que Dieu marche
aux côtés de l’homme. La révélation du nom divin à Moïse insiste sur cette
présence de Dieu à la vie des hommes. Je suis celui qui je serai, ce que
l’on peut traduire par : Je suis celui dont tu auras besoin selon ce que
tu vis. Il n’y a pas de manière plus précise de dire la présence de Dieu à son
peuple que celle-ci : quand tu auras besoin de moi, tu verras qui je
suis ! Une telle révélation est possible dès lors que nous nous plaçons
dans la perspective de l’Alliance, la seule perspective valable, parce qu’elle
met en présence non pas un dominant et un dominé, mais deux partenaires qui
s’engagent également l’un envers l’autre. Dieu s’engage envers l’homme en lui
promettant sa présence ; l’homme s’engage envers Dieu en l’assurant de sa
louange. Vous pouvez parcourir l’Ancien Testament dans n’importe quel
sens ; vous en arriverez toujours à ce constat : « tant que
l’homme est fidèle à l’alliance, il connaît un temps de prospérité ; dès
que l’homme se tourne vers les idoles, il sombre dans la folie et les tourments ».
La
critique est facile qui consiste à dire : Voyez ce Dieu ; dès que
l’on se détourne de lui, on ne connaît que peine et misère ! Il faudrait
cependant veiller à ne pas inverser les rôles. Qui a tourné le dos à qui ?
Dieu est-il responsable des libertés que prend l’homme ? Dieu devrait-il
assumer et endosser les responsabilités de mes actes à moi ? L’auteur du
livre de la sagesse a bien compris la question du mal et de la mort. En
réaffirmant avec force sa foi – Dieu n’a pas fait la mort ! – il nous redit en même temps que la mort,
c’est notre jalousie qui l’a faite entrer dans le monde. La liberté de l’homme,
que Dieu a voulu lui laisser, suppose que l’homme peut se détourner du projet
d’amour de Dieu et vouloir autre chose que ce que Dieu veut pour lui. La
liberté humaine comporte la liberté de faire le mal. Et le devoir de
l’assumer !
Lorsque
nous retrouvons Jésus dans l’Evangile de Marc en ce dimanche, nous le voyons
faire œuvre de vie. Lui, le Fils unique de Dieu, venu dans le monde révéler le
véritable visage de Dieu, ne ménage pas sa peine auprès des malades, des
souffrants de toutes sortes. Et pour montrer que Dieu est toujours rangé du
côté du plus faible, et pour dire aux hommes que Dieu n’a pas fait la mort,
il affirme sa puissance sur ces forces de mort en rendant la vie à une enfant,
à quelqu’un qui a la vie devant soi et qui doit encore la mener à son terme. Il
annonce par ce geste, bien sûr, qu’il est plus fort que la mort, et qu’un jour,
il ira battre la mort sur son propre terrain. L’heure n’est pas venue de le
dire clairement ; mais il fallait, dès maintenant, dire aux hommes que
Dieu continue de marcher aux côtés de son peuple, que Dieu n’abandonne pas ceux
qui lui ont fait confiance. Lève-toi, lui dit-il ! Fais
ce pourquoi tout homme est fait : vis !
En
lisant la presse, qu’elle soit locale ou internationale, on peut quelquefois
douter et s’interroger sur le pourquoi de tant de haine, de tant d’actes
barbares. Il nous faut tourner notre questionnement vers nous-mêmes. Que
faisons-nous pour changer les choses ? Prier ? Ce n’est pas si mal,
mais c’est loin d’être suffisant. A quoi cela sert-il de prier pour la paix
là-bas, si je ne suis pas capable d’un acte fraternel ici, dans ma famille
ou sur mon lieu de travail ? A quoi cela sert-il de prier pour que cesse la
faim là-bas, si je ne suis pas capable d’un geste charitable avec celui qui n’a
rien, ici dans nos rues, dans nos quartiers ? Dieu n’agira pas dans le
monde sans notre aide. Dieu n’interviendra pas si je ne lui prête pas mes mains
et mon cœur pour venir en aide à ceux en ont besoin. La toute puissance de Dieu
est battue en brèche par la liberté de l’homme, car Dieu n’ira jamais contre sa
création. Témoin du Dieu vivant, je le deviens lorsque je suis capable de le
rendre présent au monde à travers ce que je fais, ce que je vis. Du chemin
reste à faire pour que le monde puisse croire enfin que notre Dieu nous
accompagne, qu’il est Dieu-pour-la-vie !
Je
te le dis : lève-toi !
Aujourd’hui, ces mots sont pour chacun de nous. Lève-toi et vis, fais ce pour
quoi je t’ai créé ; donne au monde le témoignage de l’amour que j’ai pour
lui à travers l’amour que tu sauras lui manifester. N’épargne pas ta
peine ; donne ton amour à pleines mains car mon amour est infini, mon
amour est pour la vie, pour toute vie. AMEN
(Dessin de M. Leiterer)