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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 26 décembre 2020

Sainte Famille - 27 décembre 2020

 Le père et la mère de l'enfant s'étonnaient de ce qui était dit de lui.


(Présentation de Jésus au Temple, Source internet)


Le père et la mère de l’enfant s’étonnaient de ce qui était dit de lui. Vraiment ? Comment cela est-il possible ? Enfin, ils savent tous les deux les conditions de la naissance de l’enfant. Ils ont bénéficié tous deux d’une intervention de l’ange Gabriel avant sa naissance, et ils s’étonnent encore de ce que l’on dit lui ! Ben oui, d’après l’évangile de Luc que nous venons d’entendre. Marie et Joseph arrivent encore à être étonnés par cet enfant, par ce que disent de lui ceux qui croisent sa route. Et cela, alors même qu’il n’est encore qu’un bébé. Imaginez ce que cela sera quand il sera grand ! Si le fait qu’ils s’étonnent encore peut sembler curieux, ce n’en est pas moins essentiel et nécessaire qu’ils s’étonnent, et ce pour deux raisons. 

La première raison, c’est que l’ange Gabriel, à l’annonce de la naissance de l’enfant, ne leur a pas tout dit. A Marie, il a annoncé qu’elle allait avoir un fils, qu’elle lui donnera le nom de Jésus, qu’il sera grand, appelé Fils du Très-Haut, qu’il recevra le trône de David son père, qu’il règnera pour toujours sur la maison de Jacob et que son règne n’aura pas de fin. Mais rien sur l’avenir immédiat de l’enfant, rien sur les choix qu’il posera, rien sur sa mort. De même à Joseph, il n’a été dit que les choses suivantes : l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint, Joseph lui donnera le nom de Jésus (c'est-à-dire le Seigneur sauve, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. Rien n’est dit sur la manière dont Jésus réalisera ce projet, rien n’est dit sur le sacrifice nécessaire pour l’accomplissement de ce projet. En fait, l’enfant leur est confié sans mode d’emploi, comme à n’importe quel parent. Quand Dieu se fait enfant, il le fait comme tous les autres et ses parents terrestres n’en savent pas beaucoup plus que les autres. Ils sont juste débarrassés de la question du sexe de l’enfant (ce sera un fils) et de la question du choix du prénom (il s’appellera Jésus). Pour tout le reste, ils apprendront sur le tas, au jour le jour, comme n’importe quelle famille. Nous voyons bien là que Dieu ne joue pas à l’enfant, il ne fait pas l’enfant, il se fait enfant, se confiant à la garde des parents qu’il a choisis. Cela nous montre aussi quelle confiance Dieu fait à l’homme quand il lui confie la réalisation de son projet de salut. Il fait de Marie et de Joseph de vrais parents, avec leurs questions, leurs doutes aussi. Ils auront à accompagner cet enfant comme n’importe quelle famille. Quand Dieu devient humain, il se confie à des humains qui le feront grandir dans son humanité. Il vivra cette humanité parfaitement au point qu’il pourra inviter les hommes à le suivre et à vivre de même pleinement leur humanité. Dieu fait comme nous, mais parfaitement, pour que nous puissions faire comme lui. Nous retrouvons le fameux « Mach’s wie Gott, werde Mensch ! ». 

La deuxième raison de l’étonnement des parents, c’est qu’ils ne se considèrent pas comme les propriétaires de l’enfant. Ils en ont reçu la garde, ils savent qu’il aura une mission à accomplir. Le reste ne dépend pas d’eux. Puisque l’ange n’a pas tout dit, ils ne savent pas tout. D’autres ont reçus des bouts de vérité au sujet de leur enfant. Ils acceptent ce fait et accueillent ces bouts de vérité qui sont autant de signe qu’ils n’ont pas rêvé leur mission. Puisque que Dieu a révélé à d’autres des choses au sujet de cet enfant, tout ce qui a été dit à Marie et à Joseph avant la naissance va donc se réaliser, bien au-delà de la seule naissance de Jésus. Et c’est bien ainsi. Marie et Joseph devront apprendre à accompagner leur enfant, comme tout parent est censé le faire. Quand l’enfant est accepté pour ce qu’il est, un être en devenir, un être qui devra faire ses propres choix, alors l’enfant peut grandir et se fortifier. Quand les adultes ne cherchent pas à s’imposer à l’enfant, ni à imposer à l’enfant leur propre vue, alors la grâce de Dieu peut être sur lui. Alors surtout il peut être ouvert à cette grâce et se laisser guider par elle. Même après la parole mystérieuse du vieux Syméon sur l’avenir de l’enfant, Marie n’emballe pas Jésus dans du papier de soie pour le protéger. Nous ne savons pas grand-chose d’autre sur l’éducation reçu par Jésus, mais nous pouvons déduire de sa vie qu’il aura appris auprès de ses parents comment vivre quand on est membre du peuple que Dieu s’est choisi. Joseph lui aura sans doute appris à être juste devant Dieu et devant les hommes, comme il l’était lui-même ; Marie lui aura appris à accueillir les grâces que Dieu accorde comme elle-même avait accueilli la grâce d’être choisi pour être la mère de Jésus. Marie et Joseph auront donné à Jésus le meilleur d’eux pour qu’il puisse donner un jour le meilleur de lui. 

En célébrant cette fête de la Sainte Famille, nous reconnaissons nous aussi que nous ne savons pas tout de Jésus et que nous devons nous-aussi nous laisser surprendre toujours et encore sur ce que les hommes disent à son sujet. Nous devons accueillir Jésus dans notre vie, reconnaître en lui le salut que Dieu prépare et nous laisser éclairer de sa lumière. Avec Syméon et Anne, puissions-nous bénir Dieu à cause de Jésus ; avec Marie et Joseph, puissions-nous rentrer chez nous avec Jésus, confiant en l’avenir ; avec Jésus, laissons la grâce de Dieu reposer sur nous et nous pourrons à notre tour accomplir ce que Dieu attend de nous. Amen.   

jeudi 24 décembre 2020

Noël - 25 décembre 2020

 Fais comme Dieu, deviens humain !



(Tableau d'Arcabas, Source internet)



Après quatre dimanches de préparation, voici donc le temps de Noël que nous inaugurons (nous avons inauguré[1]) cette nuit. Les quatre messes de Noël, dont les formulaires sont utilisés en fonction de l’heure à laquelle la communauté célèbre, nous font entendre quantité de textes bibliques différents. Je ne peux que vous encourager à prendre le temps de les lire tous durant ces jours. Ils éclairent ce mystère de Noël chacun à leur manière. 

Si nous ne prenons que les évangiles par exemple, nous lirons (avons lu), dans l’ordre des messes de cette solennité, la généalogie de Jésus telle que l’a établie Matthieu (première messe de Noël) nous rappelant la grande famille de ses ancêtres, de nos ancêtres dans la foi et indiquant par-là que Jésus s’inscrit bien dans ce peuple de l’Alliance que Dieu rassemble depuis qu’il a appelé Abraham ; la naissance de Jésus bien sûr (messe de minuit) telle que la rapporte saint Luc dans son Evangile, avec ce côté merveilleux qui nous met relation presque instantanément avec la puissance de Dieu, tout en soulignant le contraste entre Dieu qui vient dans le monde alors même que les hommes ne sont pas prêts à le recevoir ; la visite des bergers à la crèche selon Luc (messe de l’aurore) avec le témoignage qu’ils rendent au sujet de cet Enfant et leur louange à Dieu ; et enfin le prologue de l’Evangile de Jean (messe du jour) qui nous fait sortir du merveilleux pour nous plonger dans une vue plus théologique. Ce dernier nous rappelle aussi que la naissance de cet Enfant a une conséquence inouïe pour ceux qui le reçoivent : ils deviennent enfants de Dieu. Cette succession de textes a provoqué en moi une question que je vous livre : Dieu fait-il quelque chose d’extraordinaire en se faisant enfant ? 

Certains diront : ben oui, ce n’est quand même pas courant ; la preuve, ce n’est arrivé qu’une seule fois selon la foi des chrétiens. C’est vrai ; cela n’est arrivé qu’une fois, comme pour nous. Nous aussi, nous sommes entrés dans ce monde enfant, et nous ne le faisons qu’une seule fois. Parce que mis à part l’étrange histoire de Benjamin Button que nous a raconté David Fincher, le cours normal de toute vie commence par l’enfance et finit par la vieillesse. Encore une fois, il n’y a là rien d’extraordinaire. Ni pour nous, ni pour Dieu. Par contre de toutes les divinités que se partagent les hommes à cette époque, je n’en connais pas d’autre qui ait fait ce choix audacieux de devenir humain, non pour se jouer des hommes, mais pour vivre leur vie, avec tout ce qu’elle a d’ordinaire, avec tout ce qu’elle peut comporter d’épreuves, de trahisons, de souffrances, allant jusqu’à la mort même. Et pas n’importe laquelle puisque nous savons que cet Enfant, né sur le bois d’une mangeoire mourra sur le bois d’une croix. Ce qui est audacieux aussi, me semble-t-il, de la part de Dieu, c’est de prendre ce chemin d’humanité pour nous sauver et nous inviter à le suivre sur ce chemin qu’il a pris.  En fait, pour nous sauver, Dieu nous invite à l’humanité. Puisqu’il s’est fait humain, nous devons nous faire humains à notre tour, nous devons nous humaniser. C’est ce que nous invite à faire un évêque allemand, Mgr Franz KAMPHAUS qui a donné comme titre à l’un de ses ouvrages : Mach’s wie Gott, werde Mensch ! Fais comme Dieu, deviens humain ! 

Nous qui cherchions le chemin de la sainteté en essayant d’être parfait comme Dieu, voici qu’à Noël Dieu vient nous dire que notre chemin de sainteté, c’est notre humanité. Et donc que plus nous deviendrons humains, plus nous serons comme Dieu. Plus nous deviendrons humains, plus nous serons saints. Il n’y a pas à chercher hors de nous la trace de Dieu dans notre vie ; en se faisant humain, Dieu nous dit de le chercher au plus profond de nous, de le chercher là où nous ne penserions pas le trouver. Or Dieu est bien en nous, avec nous. Ne croyons-nous pas que nous accueillons Dieu en nous lorsque nous partageons le Pain de l’Eucharistie ? Cet Enfant nouveau-né, couché dans une mangeoire, tout Dieu qu’il est, prend le chemin ordinaire des humains pour se faire proche d’eux. Le plus grand miracle de Jésus, c’est peut-être d’avoir fait preuve d’humanité en toutes circonstances. Quelqu’un de malade venait à lui le jour du sabbat ? Il se trouvait guéri, sans attendre, parce que le salut n’attend pas ; parce que Dieu n’attend pas et ne nous fait pas attendre. Le discours programmatique de Jésus que nous connaissons sous le nom de béatitude n’exprime-t-il pas ce que devrait être notre humanité ? Tous les gestes posés par cet Enfant quand il sera grand ne sont-ils pas d’abord des gestes d’humanité envers ceux qui viennent vers lui ? Son refus de juger, de coller des étiquettes sur les gens, tout cela ne devrait-il pas être le comportement normal d’un humain ? L’attention bienveillante aux pauvres, aux malades, aux étrangers, aux exclus… n’est-ce pas une caractéristique de notre humanité ? Si les hommes et les femmes de notre temps ne sont pas humains, si nous ne sommes pas humains, à quoi servons-nous ? Si les hommes et les femmes de notre temps ne sont pas humains, si nous ne sommes pas humains, comment notre monde deviendra-t-il meilleur ? Si nous, qui croyons en Dieu, ne sommes pas humains, comment pouvons-nous nous plaindre de la dureté de notre monde ? Seule l’humanité des hommes pourra adoucir ce monde que l’humanité de Dieu est venue sauver. 

Dieu, quand son Fils est entré dans le monde, a trouvé porte close et s’est réfugié dans une étable. Il aurait pu déclencher le feu du ciel pour se venger ; il est resté humain. Il a trouvé quelques bergers à qui la nouvelle de la naissance a été transmise ; et ils sont venus, eux les exclus, les sans domiciles, rendre visite à ce petit d’homme, à ce petit de Dieu. C’est même par son humanité qu’il nous dit le mieux qu’il est le seul Dieu, le vrai Dieu. Toutes les divinités qui, à l’époque de Jésus, exigeaient des sacrifices humains, exigeaient donc l’inhumanité, ont disparu. Seul est resté et reste le Dieu qui s’est fait homme, le Dieu qui a pris part à notre humanité, le Dieu qui a refusé l’inhumanité et la violence. Tu sais donc maintenant ce qu’il te reste à faire pour partager son éternité : Fais comme Dieu, deviens humain ! Amen.



[1] Les indications entre () sont pour la messe du jour de Noël

samedi 19 décembre 2020

4ème dimanche de l'Avent B - 20 décembre 2020

 Notre Dieu est Dieu-avec-nous.



(Tableau d'Arcabas, l'Annonciation, Source internet)


               S’il est une conviction qui ne doit jamais nous quitter, pas seulement en temps de crise comme c’est le cas actuellement, mais en tout temps, c’est cette conviction rappelée par l’ange Gabriel à Marie dans sa salutation : Le Seigneur est avec toi. Le Dieu qui se révèle dans la Bible, de sa première à sa dernière page, est Dieu-avec-nous. C’est pour cela que l’histoire que nous vivons est une histoire sainte, car marquée par la présence de Dieu à nos côtés, toujours. 

            Cette conviction est l’expérience fondatrice de notre foi. Elle est à la fondation même de l’humanité. Dieu crée l’homme pour être avec lui. Nous le voyons dès la Genèse, lorsque le Seigneur fait le tour de son jardin et n’y trouve plus l’homme, celui-ci s’étant caché de lui après avoir découvert qu’il était nu. La question de Dieu, adressée à chacun de nous, résonne encore à nos oreilles : Homme, où es-tu ? Comprenons dans cette question toute la surprise de Dieu, son étonnement, (sa déception ?) devant l’absence de l’homme qu’il est venu visiter. Le Dieu-avec-nous se retrouve seul, dans ce jardin planté pour l’homme. Depuis ce jour, il n’est pas un homme, une femme, un enfant de la Bible, qui n’ait pas fait cette expérience de Dieu-avec-nous. 

            David, le grand roi, l’a fait dans sa vie depuis que Dieu est allé le prendre pour en faire un roi pour Israël, le peuple que Dieu s’est choisi. Il a connu cette présence de Dieu alors même que Saül était encore roi et cherchait à lui nuire. Il est devenu ce grand roi grâce à la présence de Dieu dans sa vie. C’est moi qui t’ai pris au pâturage, derrière le troupeau pour que tu sois le chef de mon peuple Israël. J’ai été avec toi partout où tu es allé… le Seigneur t’annonce qu’il te fera lui-même une maison. Même quand David ne sera plus de ce monde, Dieu sera toujours Dieu-avec-lui et continuera d’agir pour lui : Quand tes jours seront accomplis et que tu reposeras auprès de tes pères, je te susciterai dans ta descendance un successeur, qui naîtra de toi, et je rendrai stable sa royauté. Cette présence de Dieu au cœur de la vie de l’homme n’est pas la présence d’un instant, c’est une présence pour toute éternité. 

            En ce sens, la finale de la salutation adressée par l’ange à Marie n’a donc rien d’exceptionnelle. Elle pourrait nous être adressée à tous puisque Dieu est avec nous depuis le jour où il nous appelé à la vie. Ce qui est particulier à Marie, c’est le nom que l’ange lui adresse : Comblée-de-grâce. Non seulement Marie peut avoir la certitude, comme tout un chacun, que Dieu est avec elle, mais en plus elle est la Comblée-de-grâce. En elle, la présence de Dieu-avec-nous atteint des sommets parce que le cœur de Marie est tout entier en Dieu. En fait, l’annonce de l’ange est possible, non parce qu’il a été envoyé par Dieu pour la faire, mais parce que là, devant lui, se tient l’humanité-avec-Dieu. Dans cette scène de l’Annonciation, Dieu-avec-nous se lie avec l’humanité-avec-Dieu. La naissance de l’Enfant-Dieu peut être annoncée parce que chacune des parties concernées (Dieu et l’humanité) sont l’un avec l’autre. Le « Oui » de Marie vaut pour elle bien sûr, mais il vaut aussi pour toute l’humanité qui, reconnaissant que Dieu est Dieu-avec-nous, choisit à son tour d’être humanité-avec-Dieu.

            Notre Dieu est Dieu-avec-nous. La liturgie nous le rappelle quatre fois au cours de l’Eucharistie qui nous rassemble, avec cette salutation adressée par le prêtre à l’assemblée : le Seigneur soit avec vous. Elle n’est rien d’autre que cette affirmation de la présence du Seigneur à l’assemblée des fidèles. Elle redit aussi que nous ne nous rassemblons pas en vain, mais bien pour être en présence du Ressuscité qui nous livre sa Parole et son Pain, et pour vivre de Lui et avec Lui jusqu’à notre prochain rassemblement. C’est un prêtre qui vous adresse cette salutation, sous forme de souhait, pour vous rappeler que c’est le Christ qui vous rassemble, vous enseigne, vous nourrit et vous renvoie chez vous. Et votre réponse, sous forme de souhait également (Et avec votre esprit) renvoie au prêtre cette même certitude dont il doit vivre aussi et qui le met en attitude de service : que le Seigneur soit avec le souffle qu’il t’a donné et qui fait de toi un prêtre pour l’accomplissement de ton service. A chacun est rappelé l’unique essentiel : le Christ, que l’assemblée est venue entendre et recevoir, et que le prêtre doit veiller à servir au mieux dans le peuple qui lui est confié. 

            Le Seigneur est avec toi. Comme Marie, accueillons cette salutation. Comme Marie, soyons attentifs à ce que Dieu attend de nous. Comme Marie, sachons répondre et dire notre désir d’être humanité-avec-Dieu. Alors tout peut advenir selon la parole du Seigneur. Amen.

samedi 12 décembre 2020

3ème dimanche de l'Avent B - 13 décembre 2020

Notre Dieu est le Dieu qui nous invite à la joie véritable.


(Tableau de Sieger Köder)


Soyez toujours dans la joie ! Cette invitation de Paul aux chrétiens de Thessalonique prend une coloration toute particulière, me semble-t-il, en cette année où nos vies sont bouleversées par la pandémie qui met nos vies entre parenthèses depuis neuf mois déjà et sans doute encore pour quelques temps. Les recommandations faites pour les fêtes de Noël, fêtes heureuses par essence, contrarient cet appel à la joie, du moins la restreignent aux quelques heureux que nous aurons le droit d’inviter. La déprime et l’angoisse grandissante qui gagnent une part non négligeable de la population ne favorisent guère ce sentiment de joie profonde. Bien au contraire ! 

Pourtant, nous devons plus que jamais faire entendre cet appel. Il est fondamental, parce qu’il est l’appel de Dieu adressé à toute l’humanité. La Bonne Nouvelle qui est au cœur de notre foi est une Nouvelle heureuse, une Nouvelle qui rend la joie au peuple qui marchait dans les ténèbres.  Quand Dieu vient à la rencontre de l’homme, ce n’est pas pour être un embêtement de plus. Quand Dieu vient à la rencontre de l’homme, c’est pour le conduire à cette joie que nul ne pourra lui enlever. La joie de Dieu n’est ni une mièvrerie, ni un peu d’eau sucrée pour faire passer la potion amère de nos vies atrophiées. Non, la joie de Dieu pour nous est la joie véritable, celle qui fait exulter le psalmiste. L’origine de cette joie, c’est la reconnaissance de tout ce que Dieu a fait et ne cesse de faire pour l’homme. Le Magnificat, dont nous avons chanté un extrait après la première lecture, est un bel exemple de cette joie qui prend aux tripes et qui jaillit comme un cri de bonheur à la face du monde. Dans son cantique, Marie n’a rien inventé ; elle se situe simplement mais réellement, dans l’expérience millénaire de son peuple, avec une conscience aigüe que c’est Dieu qui mène la barque, Dieu qui veille sur chacun, en particulier les plus petits, les plus pauvres. La Bonne Nouvelle du Salut, c’est la Justice restaurée, c’est l’homme, tout homme, rendu à sa dignité. 

En ces jours difficiles que nous vivons, c’est toujours de cette même joie que nous devons témoigner. Pour la partager, il faut d’abord peut-être en être habité. La Bonne Nouvelle de Jésus Christ venu dans le monde pour notre salut, est-elle une vraie Bonne Nouvelle pour nous ? Nous ouvre-t-elle à cette joie, même en ce temps particulier de restrictions sociales ? La prudence dont nous devons faire preuve pour lutter contre le virus et éviter sa propagation n’a rien à voir avec la peur panique qui a envahi certains de nos contemporains ; la prudence n’a rien à voir non plus avec le fait de s’isoler, de se couper du monde. Prendre de la distance, ce n’est pas couper les ponts. Chrétiens, héritiers de cette joie libératrice qu’annonçait déjà le prophète Isaïe, nous ne pouvons nous laisser aller à la désespérance devant l’incertitude de notre époque. Plus que jamais, nous devons demander à Dieu la grâce de tenir fermes dans la foi, la grâce de savoir reconnaître encore les signes de sa venue et de sa présence au milieu de nous, la grâce d’en témoigner résolument et joyeusement. Plus que jamais, nous devons être les relais de cette présence auprès des plus fragiles pour qui ce Noël risque d’être encore plus triste et plus difficile que les précédents. 

Nous pouvons prendre exemple sur le prophète Isaïe. En l’écoutant parler de la mission qui lui est confiée en un temps difficile pour son peuple, nous pouvons ressentir chez lui une joie contagieuse. Ce qu’il doit annoncer le rend lui-même profondément heureux d’abord : je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. La joie de Dieu, ce n’est pas quelques bons mots ; la joie de Dieu à transmettre, c’est une vie transformée : les cœurs brisés seront guéris, les captifs délivrés, les prisonniers libérés, une année de bienfait accordée. N’est-ce pas ce dont nous avons le plus besoin aujourd’hui ? Nous entendre dire que notre vie sera transformée pour quelque chose de mieux ? La joie que Dieu nous invite à vivre, a quelque chose à voir avec la confiance que nous plaçons en lui. Si nous ne croyons plus qu’il puisse toujours quelque chose pour nous, alors le Salut annoncé n’est plus une Bonne Nouvelle, et la joie à venir loin d’être une réalité. Comme Isaïe, nous avons été saisis par l’Esprit de Dieu. Cet Esprit fait de nous des prêtres, des prophètes et des rois. En célébrant notre foi, en proclamant la Bonne Nouvelle du Salut, en la vivant au quotidien, nous accueillerons toujours plus cette joie de Dieu et nous en serons les témoins auprès de tous. 

En cette période particulière de notre vie, soyons pour nos proches, en famille, au travail, dans notre quartier, de ceux qui rayonnent de cette joie de Dieu. Soyons les témoins et les relais de la Bonne Nouvelle du Salut que Dieu réalise en son Fils Jésus Christ. Il a fait des merveilles pour nous ; il en fera encore. Isaïe, Marie et Jean le Baptiste en ont été les témoins pour leur époque ; soyons-en les témoins authentiques pour aujourd’hui. Amen. 

samedi 5 décembre 2020

2ème dimanche de l'Avent B - 06 décembre 2020

 Notre Dieu est le Dieu qui nous conduit.


(Source internet)




          Préparez le chemin du Seigneur ! C’est chaque année le mot d’ordre de ce temps de l’Avent. Nous l’avons entendu par la bouche d’Isaïe dans la première lecture ; Jean, dans l’évangile, a confirmé la prophétie et lui donnait même un caractère urgent avec son activité de baptiste ; enfin Pierre nous a rappelé, dans la seconde lecture, qu’en effet le Seigneur viendra. Quant à savoir quand, cela ne nous est pas connu. Il nous reste donc cet ordre à mettre en œuvre : Préparez le chemin du Seigneur. Mais alors se pose une question : pourquoi ? Question à entendre dans un double sens. D’abord, puisque personne ne peut me dire quand il viendra, puisque pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour, pourquoi semble-t-il plus urgent aujourd’hui qu’hier de préparer le chemin du Seigneur ? Et surtout pour quelle raison ai-je à préparer ce chemin ? 

            La question de l’urgence, introduite par le ministère de Jean le Baptiste, se comprenait à son époque. Nous qui savons toute l’histoire, nous n’oublions pas que Jésus vient juste derrière lui. Jésus est celui dont Jean a dit : Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi. A l’époque de la prédication de Jean, le temps n’était plus une affaire. Jésus est déjà né ; Jean le Baptiste annonce le début prochain de son ministère. Mais alors aujourd’hui, qu’en est-il ? Nous préparons-nous juste à cause du souvenir de cette première venue ? Autrement dit, l’Avent est-il le temps anniversaire du ministère de Jean le Baptiste ou a-t-il une réelle signification pour moi, pour chacun de nous ? Puisque la force de la liturgie est de rendre actuelle, contemporaine l’œuvre éternelle de Dieu en faveur des hommes, la préparation du chemin du Seigneur ne peut pas être de l’ordre de la commémoration. Nous ne vivons pas le temps de l’Avent dans le souvenir de Jean le Baptiste. Nous vivons ce temps de l’Avent avec Jean le Baptiste qui nous dit à nous aujourd’hui qu’il vient, Celui que nous attendons. Oui, puisque notre Dieu est le Dieu de la rencontre (c’est ce que nous rappelait la liturgie de dimanche dernier), il vient bien à notre rencontre aujourd’hui. Dieu ne cesse de venir à la rencontre des hommes. Il est le bon berger qui rassemble son troupeau. Il l’a fait au temps d’Isaïe ; il l’a fait au temps de Jean le Baptiste et de Jésus ; il le fait encore aujourd’hui. Cette urgence est perpétuelle parce que personne ne sait quand, mais nous savons qu’il va venir. 

            Alors reste la question de savoir pour quelle raison nous nous devons de préparer aujourd’hui le chemin du Seigneur ? Est-ce pour qu’il puisse venir ? Autrement dit, si nous ne préparons pas le chemin du Seigneur, il ne pourra pas venir ? Dieu, le tout-puissant, ne saurait tracer droit une route, combler un ravin, abaisser une montagne ou une colline ? Préparer le chemin du Seigneur ne serait rien d’autre que de déployer un tapis rouge pour qu’il puisse marcher dessus ? En spiritualisant un peu plus, puisque nous pouvons comprendre que les montagnes à abaisser, les ravins à combler, c’est en nous qu’il faut le faire (c’est de notre péché qu’il faut nous débarrasser), cela signifie-t-il que le Christ ne reviendra que lorsque les hommes seront parfaitement saints ? Freud nous expliquerait que le traumatisme de la croix était tel que désormais Jésus attendrait que nous soyons tous beaux et gentils et bien disposés à son égard pour revenir. Je ne veux effrayer personne, mais, dans ce cas, nous risquons d’attendre encore ! Et longtemps ! Nous comprenons bien que cela n’est pas la raison ; il ne faut pas envisager le retour du Christ de notre perspective, mais de celle du Christ lui-même. 

            Pourquoi le Christ est-il venu dans le monde ? Pourquoi le Christ vient-il toujours dans le monde ? Pourquoi le Christ reviendra-t-il dans le monde ? Pour sauver les hommes. C’est là sa grande mission ; c’est là son grand amour : notre salut ! Notre sainteté n’est pas le préalable à sa venue, mais la conséquence de sa venue. C’est parce que le Christ vient à nous, chaque jour, que nous pouvons devenir saints ; et non pas parce que nous sommes saints que le Christ vient à nous ! Pierre l’assure dans sa deuxième lettre : le retour du Christ est une certitude comme est une certitude sa première venue dans le monde, jadis au temps du roi Hérode. Puisque Jésus est déjà venu, comme en atteste les évangiles qui nous redisent sa vie et son ministère, nous voyons quels hommes nous [devons être] en vivant dans la sainteté et la piété. Non pas une sainteté que nous forgerions à la force de nos poignets, mais la sainteté que le Christ, mort et ressuscité a manifesté et offert à tous. Nous devons vivre du Christ, de son enseignement, de sa charité, de sa sainteté, pour hâter l’avènement du jour de Dieu. Je dois préparer le chemin du Seigneur non pas pour lui, pour qu’il ne s’écorche pas le pied, mais pour moi, pour que, quand il viendra, je ne trébuche pas sur le chemin qu’il m’invitera à prendre à sa suite. Parce que le retour du Christ sera bien ce jour où il rassemblera tous les hommes et les conduira vers son Père. Le Péché, la source du Mal, Jésus l’a vaincu une fois pour toutes sur la Croix, mais je dois me joindre à sa victoire en luttant avec le Christ contre les péchés qui peuvent envahir ma vie. Je rends droit le chemin, j’abaisse collines et montagnes, je comble les ravins, pour accueillir la grâce du Salut dans ma vie. Car le Christ ne forcera pas le passage dans ma vie. Le Salut, il me le propose, inconditionnellement ; mais il me revient de l’accepter, librement. 

            Notre Dieu est le Dieu qui nous conduit, qui nous propose un chemin ; mais nous seuls pouvons choisir de le suivre ou non. Nous seuls pouvons choisir d’accueillir sa gloire dans notre vie quand elle rayonnera sur le monde. Ecoutons l’appel d’Isaïe ; accueillons le baptême de conversion proposé par le Baptiste ; et l’Esprit Saint pourra agir en nous pour faire toute chose nouvelle. Quand le Christ paraîtra, nous pourrons aller à la rencontre de Celui qui ne cesse de venir pour nous conduire vers son Père. Amen.

dimanche 29 novembre 2020

1er dimanche de l'Avent B - 29 novembre 2020

 Notre Dieu est le Dieu de la rencontre.



             Avec ce premier dimanche de l’Avent, nous commençons une nouvelle année liturgique. Ne la considérons pas comme une année de plus à notre compteur de chrétien. Nous risquerions de passer à côté de l’essentiel ; nous risquerions de manquer la rencontre avec Celui qui vient ; nous risquerions de manquer la Bonne Nouvelle que l’évangéliste Marc vient nous partager. Il nous faut vivre cette nouvelle année avec un esprit libre, un regard neuf, une attention renouvelée à ce qui fait le contenu de notre foi. En ce premier dimanche de cette nouvelle année liturgique, il nous est rappelé que le Dieu que nous cherchons à connaître toujours mieux est le Dieu de la rencontre. 

            Avec le prophète Isaïe, nous avons beau savoir que Dieu, il est aux cieux, cela n’est pas suffisant pour l’appréhender. Au contraire, le prophète lui-même invoque Dieu, supplie Dieu de revenir visiter son peuple : Ah ! si tu déchirais les cieux, si tu descendais… Reviens à cause de tes serviteurs. Il est vrai qu’Isaïe exerce son ministère à un moment clé de l’histoire d’Israël. Le passage entendu date de l’époque du retour d’Exil. Israël avait été vaincu militairement et déporté à Babylone. Ce fut un temps difficile où l’exercice de la foi était interdit et dangereux. Mais les prophètes, qui ont accompagné l’Exil, ont invité à la patience et à la conversion. Dieu ne saurait détourner son regard indéfiniment. Viendra le moment du retour, le moment où Dieu enverra son Messie pour libérer son peuple, comme il l’avait fait jadis lorsque le peuple était esclave en Egypte. La supplication du prophète intervient dans ce contexte, à la fin de l’Exil. Et la certitude du prophète est grande : Voici que tu es descendu… Tu viens rencontrer celui qui pratique avec joie la justice. Si Dieu semble s’être éloigné de son peuple à cause de ses péchés, de ses nombreux péchés, il ne saurait rester éternellement loin de lui. Dieu ne se plaît que dans la rencontre avec l’homme ; il n’est pas comme les dieux étrangers. Son projet n’est pas de dominer les hommes, mais de faire Alliance avec eux. Si Dieu s’enfermait dans les cieux, s’il retirait sa proposition de rencontre et d’Alliance, il ne serait plus vraiment Dieu. Depuis les origines, Dieu a voulu avoir besoin de l’homme ; depuis le début de l’histoire sainte, Dieu a voulu faire de l’homme un partenaire de son œuvre. 

            Ce désir de rencontre marque la volonté de salut que Dieu porte pour l’homme. Le psalmiste complète admirablement la supplication du prophète Isaïe : Dieu, fais-nous revenir ; que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés ! … Réveille ta vaillance et viens nous sauver… visite cette vigne, protège-la. Quand l’homme croyant traverse l’épreuve, il a toujours cette certitude de ne pas la vivre seul, mais d’être accompagné, protégé, par ce Dieu qui est venu le rencontrer. C’était vrai du temps des prophètes, c’est vrai encore aujourd’hui. Oserai-je dire que cela est encore plus vrai depuis que Dieu a envoyé son Fils, Jésus, dans le monde pour sauver tous les hommes ? Paul l’affirme sans détour aux chrétiens de Corinthe : Je ne cesse de rendre grâce à Dieu pour la grâce qu’il vous a donnée dans le Christ Jésus… C’est lui qui vous fera tenir fermement jusqu’au bout… car Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à vivre en communion avec son Fils, Jésus Christ, notre Seigneur. Nous sommes au-delà de la rencontre ; Paul parle de communion, c'est-à-dire d’une union qui nous fait être-avec lui. Nous ne le rencontrons plus seulement, nous sommes avec lui, en lui, pour lui, grâce à Jésus. Les moyens d’être-avec, d’être en communion sont nombreux. Ces semaines que vous avez vécu sans l’Eucharistie, l’ont encore démontré. Parmi les manières de rencontrer Dieu, d’être en communion avec lui, il y a le service du frère, l’attention aux petits, la lecture et la méditation de la Parole de Dieu. Car Dieu est totalement présent, totalement livré dans le frère qui souffre, totalement donné dans la Parole reçue et méditée. Mais cela, pour beaucoup qui le vivent déjà, n’est pas suffisant ; d’où les demandes renouvelées pour pouvoir célébrer à nouveau l’Eucharistie, et pas seulement à pouvoir y assister devant son écran de télévision ou d’ordinateur. Là, dans le pain rompu et partagé, la rencontre entre Dieu et les hommes est à son sommet. Là, il nous livre sa vie, tout entière, pour notre salut. Là se trouve la source et la force de nos œuvres de miséricorde envers tous nos frères. Là, la Parole méditée seul chez soi trouve tout son sens. Avec le pain partagé, nous recevons la nourriture qui refait nos forces. Cela ne remet pas en cause ni la puissance de la Parole de Dieu, ni la nécessité du service. Au contraire, dans l’Eucharistie, tout cela est accompli. 

            Dans chaque paroisse de France, au cours de chaque eucharistie célébrée, il n’y aura chaque fois que trente personnes au maximum à pouvoir participer à cette rencontre avec le Dieu vivant et vrai, à avoir la joie de communier au Christ Sauveur. Mesurons la chance qui est nôtre ! Et portons dans la prière et devant Dieu, celles et ceux qui n’ont pas pu nous rejoindre. Prenons-les avec nous dans cette rencontre. Prenons aussi avec nous celles et ceux qui, de confinement en déconfinement et re-confinement, ont perdu la joie de la rencontre, le goût de la communion avec Dieu. Puisse Dieu leur rendre l’espérance du Salut et le goût de la rencontre avec leurs frères et avec Dieu. Que nos gestes barrières ne se transforment pas en barrières qui empêchent la rencontre avec nos frères et avec Dieu. Amen.


samedi 21 novembre 2020

34ème dimanche A - Christ, Roi de l'univers - 22 novembre 2020

 Ainsi, Dieu sera tout en tous.





(Sieger Köder, Illustration de l'évangile de ce dimanche)



        Avec cette solennité du Christ, Roi de l’univers, nous arrivons au dernier dimanche de l’année liturgique. Un dimanche qui récapitule notre foi, redit notre espérance et ravive notre charité. Il me semble bien que le dernier verset de la seconde lecture entendue en donne le sens profond quand il affirme : ainsi, Dieu sera tout en tous. Comment cela va-t-il se faire ? Par une heureuse articulation de l’œuvre du Père, de l’œuvre du Fils et de l’œuvre des hommes. 

            S’il y a une certitude qui doit nous habiter, c’est que le règne de Dieu ne se fait pas par décret, parce Dieu ne s’impose pas. Il aurait pu décider, Dieu, de s’imposer à ce monde qu’il a fait. Il pourrait y remettre bon ordre. Mais il préfère compter sur nous, il préfère se frayer un chemin vers nous et entrer en alliance avec nous. Le règne de Dieu n’est pas un règne brutal, mais un règne d’amour. L’œuvre de Dieu, c’est de veiller sur nous comme un berger veille sur les brebis de son troupeau. Le prophète Ezéchiel l’affirme avec force : Dieu veillera sur chacun. La brebis perdue, je la chercherai ; l’égarée, je ma ramènerai. Celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. Celle qui est grasse et vigoureuse, je la garderai, je la ferai paître selon le droit. Dieu donne à chacun ce qu’il lui faut, selon sa condition, pour que chacun se sente dans la main du Père. Chacun trouve auprès de lui ce qui lui est nécessaire. Ainsi est redite notre espérance : nous sommes faits pour vivre avec Dieu, et un jour nous vivrons pleinement en Lui. Pour réaliser son œuvre sans s’imposer, le Père a envoyé son Fils unique dans le monde qui s’était égaré loin de lui, pour lui proposer le chemin vers le Salut. 

            C’est là l’œuvre du Fils unique, Jésus Christ, que nous confessons comme Christ et Sauveur. Paul nous l’a redit dans la première lettre aux Corinthiens. Le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam, de même c’est dans le Christ que tous recevront la vie. Toute l’histoire de Jésus Christ, que nous avons méditée durant cette année avec l’évangéliste Matthieu, trouve son sens dans le sacrifice qu’il a fait de lui-même sur la croix pour nous obtenir notre vie, pour nous libérer de notre péché. Jésus n’est pas venu pour lui ; il est venu pour nous, pour nous sauver. Sa vie n’a pas de sens si elle ne conduit pas à notre Salut ; sa vie n’a pas de sens si elle n’achève l’œuvre commencée par le Père. Il récapitule notre foi, en prenant à son compte tout ce qui a été écrit par cette Alliance voulue par Dieu avec les hommes et il l’accomplit parfaitement en donnant sa vie pour nous. En Jésus, vrai homme et vrai Dieu, il n’y a plus l’ombre d’un espace entre Dieu et les hommes : Dieu et l’homme sont unis en Jésus. Le règne de Dieu, il l’établit par sa victoire sur la mort, devenant ainsi le Roi de l’univers qu’il remet sous le pouvoir du Père. En se livrant à la mort, il nous délivre d’elle et nous livre à la vie éternelle que Dieu veut pour nous. 

            De la conjugaison de l’œuvre du Père et du Fils, ne croyons pas que nous en soyons les jouets. Nous avons notre part à tenir, car nous devons consentir à ce Salut que Dieu nous offre. Si Dieu a choisi de ne pas s’imposer aux hommes ici-bas, il choisit aussi de ne pas lui imposer l’éternité avec Lui. L’homme consent au Salut en reconnaissant l’œuvre de Dieu. Le psalmiste le fait avec reconnaissance quand il chante : le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer. L’homme peut-il dire mieux que cela que Dieu veille sur lui ? Chaque ligne du psaume 22 est une reconnaissance de l’œuvre de Dieu en faveur de celui qui les proclame. L’homme consent aussi au Salut en accueillant dans sa vie la vie et le message du Christ qui s’est livré. Il reconnaît l’amour dont il bénéficie et le partage. La page d’Evangile proclamée ravive notre charité en avertissant que ce que nous faisons à l’un de ces plus petits [des frères du Christ, c’est à Lui] que nous l’avons fait… ou pas. Et ceci s’adresse à tout homme, qu’il ait connu le Christ ou non. L’amour devient ainsi le premier critère de l’acceptation de l’œuvre de Dieu en nous. L’amour devient ainsi le premier critère de notre acceptation auprès de Dieu. L’amour devient ainsi le premier critère de vérification de notre foi. Chrétiens, ayant connu l’immense amour du Christ pour nous, nous ne pouvons pas vivre sans amour sur cette terre. Si d’aventure ne le faisions, nous nous couperions de nous-mêmes de l’Amour éternel du Père pour nous, dès maintenant et pour toujours. L’Esprit Saint, présence de Dieu au cœur de notre vie, nous apprend à consentir ainsi à l’œuvre du Père et du Fils, et à tenir notre part dans l’œuvre de notre Salut. Parce que Dieu ne nous sauvera pas malgré nous ! 

            Nous pouvons comprendre mieux maintenant cette affirmation de Paul : Dieu sera tout en tous. Nous comprenons mieux aussi que la réalisation de ce projet d’amour ne se fera pas sans nous. Certes, il est vrai que le Salut vient du Christ, envoyé par le Père. Mais si je ne consens pas à être sauvé, aucune force divine ne pourra m’y contraindre. Reconnaissons la royauté du Christ sur l’univers ; acceptons sa royauté sur notre vie. Entrons dans son amour pour entrer dans le Royaume où Dieu nous attend. Nous serons alors tout en lui et il sera tout en nous. Pour toujours. Amen.

samedi 14 novembre 2020

33ème dimanche ordinaire A - 15 novembre 2020

 J'ai eu peur ?




(La parabole des talents, source internet)



        Plus nous approchons de la fin de l’année liturgique, plus nous lisons des textes de type apocalyptique, non pour nous faire peur, mais pour nous encourager, nous préparer à ce retour glorieux du Christ, au moment fixé et connu de Dieu seul. La deuxième lecture se situe bien, par quelques versets, dans ce genre littéraire. Et les derniers versets lus aujourd’hui nous invitent bien à la vigilance pour que ce jour ne nous surprenne pas comme un voleur. La parabole racontée par Jésus ne relève pas, me semble-t-il du genre apocalyptique ; pourtant, c’est dans cette histoire curieuse que nous trouvons ces moments que je voudrais méditer avec vous : J’ai eu peur. Quatre mots lourds de conséquence ; quatre mots qui peuvent gâcher une vie, qui peuvent gâcher une vie spirituelle. 

            J’ai eu peur. Il me faut bien reconnaître qu’il fut un temps – que j’espère terminé – où des prédicateurs s’évertuaient à prêcher la peur de Dieu et de son jugement. Dieu était terrible, éternellement insatisfait, incapable même d’être satisfait par l’homme et son agir. La morale avait pris le dessus sur la foi. Ce n’était plus : Crois, et tu seras sauvé ; mais plutôt, attention à toi, attention à ce que tu fais, attention au jugement de Dieu ! L’amour, qui est le maître-mot de l’Evangile de Jésus Christ avait disparu des radars. Il ne restait que le péché de l’homme, toujours plus sombre, toujours plus grand, au point que les hommes pouvaient légitimement douter du salut de Dieu. Car, voyez-vous, en matière de vie spirituelle, la peur est mauvaise conseillère. Elle engendre des scrupuleux, des anxieux, des hommes et des femmes incapables d’aimer vraiment et Dieu et la vie qu’il leur offre. Elle engendre surtout des hommes et des femmes qui vont finir par tout abandonner, des hommes et des femmes pour qui le salut ne sera plus une priorité, des hommes et des femmes pour qui Dieu ne sera pas un Dieu d’alliance mais de défiance. Ah, certes, quand l’homme a peur, il va à la messe du dimanche, il ne viendrait à l’idée de personne de l’interdire à qui que ce soit. Mais il ne croit pas vraiment, il n’aime pas vraiment Dieu. La peur empêche l’amour véritable. C’est vrai dans la vie spirituelle ; c’est vrai dans la vie quotidienne. Quiconque instaure la peur ne gagne pas l’amour, mais la méfiance.  L’homme méfiant devient momentanément docile, mais cela ne dure qu’un temps. La tyrannie de la peur est toujours renversée ; cela peut prendre du temps, mais c’est inéluctable. Ceux qui ont eu peur finissent par faire table rase de tout ce qui inspirait leur peur. C’est ainsi que les églises se sont vidées ; c’est ainsi qu’ont fini, et que finiront encore de nombreuses dictatures, qu’elles soient religieuses, idéologiques ou sanitaires. 

            J’ai eu peur. S’il est une certitude qui m’habite, c’est bien que Dieu ne peut ni ne doit inspirer la peur. Comment pourrais-je, comme prédicateur, faire comprendre l’amour de Dieu pour tous les hommes, si j’en brosse un portrait effrayant ? Qui peut aimer ce qui inspire la peur ? Pour parler du salut aux hommes, Jésus emploie de nombreuses images : des noces auxquelles nous sommes invités, d’un repas, d’un berger qui prend soin de ses brebis… Pour parler de Dieu, il nous raconte aujourd’hui cette histoire d’un homme qui part en voyage, distribue ses biens à ses serviteurs, à chacun selon ses capacités. Nous comprenons par-là qu’il les connaît, qu’il sait ce dont ils sont capables ; il leur fait confiance ; il les aime aussi, sinon pourquoi leur confierait-il ses biens ? Les deux premiers de la parabole ont bien compris cela et ils vont rendre cet amour et cette confiance. Ils usent de leurs compétences pour faire fructifier le bien qu’ils ont reçu. Le troisième, saisi par la peur, va enterrer le bien confié.  Au retour du maître, il rend simplement ce qu’il a reçu, pensant être quitte. Il n’a rien fait de mal ; il n’a rien fait de bien ; il n’a tout simplement rien fait. Et c’est là son tort ! Il s’est laissé gagner par la peur qu’il avait de son maître au lieu de faire confiance, de se faire confiance à lui d’abord. Nous voyons bien que la peur ne libère pas ; la peur ne sauve pas ; la peur enferme ; la peur condamne. 

            J’ai eu peur. En matière spirituelle, comme en matière ordinaire d’ailleurs, la peur est mauvaise conseillère. Si elle peut empêcher d’agir mal, elle ne pousse pas à agir bien, contrairement à ce que l’on pense ; elle sclérose. Elle empêche de découvrir l’amour dont nous sommes aimés. Pour se sentir aimé de Dieu, il faut ne pas avoir peur de lui. Il faut se laisser approcher de lui. Il faut mettre en lui la confiance qu’il a placé en nous. En ces temps incertains que nous vivons, en ces temps où certains ont joué à nous faire peur, tournons nos cœurs vers le Dieu qui nous aime ; demandons-lui sa bénédiction ; il nous accordera son salut. Amen.

samedi 7 novembre 2020

32ème dimanche ordinaire A - 08 novembre 2020

Désir de Dieu.



(Hieronymus Francken II, Parabole des vierges sages et des vierges folles, vers 1616, Musée de l'Ermitage)




Le désir de Dieu : tel pourrait être le dénominateur commun aux différentes lectures de ce dimanche. Et comprenons bien : le désir que nous avons (ou pas) de Dieu. Parce que Dieu ne s’impose pas à nous, parce que Dieu sans cesse se propose à nous, il nous faut travailler notre désir de Dieu. Sinon la rencontre pourrait ne jamais se faire. 

C’est déjà le conseil de l’auteur du livre de la Sagesse. Nous comprenons, à la lecture du passage de ce dimanche, que la Sagesse est quelque chose de désirable, d’aimable. Des hommes la cherchent, l’aiment au point de la contempler sans relâche. Elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent. Et la Sagesse elle-même va et vient à la recherche de ceux qui sont dignes d’elle. Il y a un désir réciproque de rencontre ; il y a un désir réciproque de « vie commune ». Pour certains commentateurs, la Sagesse est la manière de figurer, dans l’Ancien Testament, ce que nous appelons aujourd’hui l’Esprit Saint, la présence de Dieu au cœur de notre vie. Si nous ne désirons pas vivre de l’Esprit Saint, il ne pourra pas agir en nous. Si nous ne désirons pas connaître Dieu, l’Esprit ne pourra pas nous le révéler tel qu’Il est, et tel qu’il veut vivre avec nous. L’Esprit Saint ne peut faire comprendre Dieu qu’à ceux qui le désirent et qui le cherchent. 

Le psalmiste se situe dans cette même veine lorsqu’il nous fait chanter et méditer le psaume 62 (63) : Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube : mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau. C’est un désir amoureux qui est ainsi exprimé. L’homme croyant n’a de cesse de contempler Dieu, nuit et jour. Ce n’est pas le désir d’un moment ; c’est quotidien ; c’est vital ; c’est le cœur de la vie croyante : Toute ma vie, je vais te bénir, lever les mains en invoquant ton nom. L’antienne marque bien ce désir vital quand elle nous fait chanter : Mon âme a soif de toi, Seigneur, mon Dieu ! L’homme peut se passer de manger pendant un moment plus ou moins long ; il ne peut se passer de boire. 

Paul nous rappelle alors, dans cet extrait de la première lettre aux Thessaloniciens que le désir de Dieu s’accompagne d’une espérance : celle de vivre avec Dieu non pas seulement ici-bas (ce qui est mon désir), mais aussi par-delà la mort terrestre (ce qui mon espérance). Cette espérance nous vient de la mort et de la résurrection de Jésus, premier-né d’entre les morts. C’est parce que nous croyons que Jésus est mort et ressuscité, que nous pouvons croire que Dieu, à cause de ce sacrifice de Jésus, nous emmènera avec lui. Notre foi garantit notre espérance en quelque sorte. Ce que je crois de mon vivant, conditionne mon salut. Il n’y a pas de doute en mon esprit que celui qui désire Dieu plus que tout en ce bas monde, trouvera Dieu définitivement, le verra face à face, pour toute éternité. Mon désir de Dieu ne doit pas, ne peut pas être seulement pour l’au-delà. 

C’est finalement la parabole que Jésus nous laisse en ce dimanche qui nous dit le mieux la nécessité de la permanence de notre désir de Dieu. Sans doute est-ce justement le désir d’être avec l’Epoux quand il viendra qui distingue les deux groupes de jeunes filles. Rien ne devait empêcher ce désir de se réaliser, pas même le retard de l’Epoux à son repas de noces. Bien que cela ne soit pas commun qu’un époux arrive en retard à ses propres noces, certaines jeunes filles avaient prévu l’éventualité : elles ont pris des réserves d’huile pour leur lampe. C’est la seule chose qui les distingue des autres. Quand il devient évident que l’Epoux sera en retard, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent. Le problème n’est donc pas là. Le problème surgit quand la venue de l’Epoux est soudain annoncée. Qui l’attendait encore ? Qui était encore prêt à aller avec lui ? Celles qui avaient prévu de l’huile en réserve, sont prêtes et leurs lampes ne sont pas prêtes à s’éteindre. Les autres doivent d’abord passer chez le marchand et trouvent portes closes à leur retour. Lorsque le désir s’émousse, l’homme peut rater le coche. Le salut tient à peu de chose finalement. Il faut le désir de Dieu de sauver l’homme ; ce désir de Dieu est réalisé en Jésus, mort et ressuscité. Il faut aussi le désir de l’homme d’être sauvé, non pas quand l’homme serait prêt, mais quand Dieu viendrait à sa rencontre. La parabole des jeunes filles insouciantes et des jeunes filles prévoyantes nous enseigne cela : il faut être prêt à tout moment. L’huile des lampes devenaient pour les sages l’huile de leur salut. Elles étaient en quelque sorte confirmées dans leur désir de participer aux noces éternelles. 

Ce temps de pandémie et de confinement nous laisse le temps de la réflexion et de la décision : désirons-nous Dieu réellement ? Désirons-nous vivre avec lui, toujours ? Avec l’auteur du livre de la Sagesse, cherchons-le. Avec le psalmiste, disons-lui notre soif de Lui. Avec Paul, creusons notre espérance de vivre avec lui. Et jamais ne nous manquera l’huile de notre salut. Amen. 



samedi 31 octobre 2020

Toussaint - 01er novembre 2020

 La fête de ceux qui ont réussi ?




(Source internet)



            A écouter le livre de l’Apocalypse, nous pourrions croire que la fête de la Toussaint est la fête de ceux qui ont réussi. Ils sont parvenus au but, ils sont cette foule immense que nul ne pouvait dénombrer, au point que les jours de notre calendrier ne suffisent pas pour laisser une place unique à chacun. Mais alors, la Toussaint nous concerne-t-elle ? Et en quoi ? 

            Certes, et les oraisons de la fête vont dans le même sens, le sens premier de la fête est bien de célébrer en une seule fois, la sainteté de tous les élus, qui déjà intercèdent pour nous. Au-delà de nos dévotions particulières pour tel saint ou telle sainte, voici un jour pour célébrer tous ceux qui déjà vivent en Dieu, tous ceux qui nous sont donnés comme autant de modèles pour affermir notre vie chrétienne. En les célébrant tous ensemble, et en reconnaissant qu’ils intercèdent pour nous, nous reconnaissons qu’il subsiste un lien entre eux et nous. Ils peuvent quelque chose pour nous puisqu’ils partagent la gloire de Dieu. Ils sont autant de chemins, autant de modèles pour vivre jour après jour notre propre sainteté. 

            Nous aurions tort, en effet, de croire que la sainteté est pour plus tard, pour quand nous serons morts et enterrés. C’est certes une condition nécessaire pour être déclaré saint, mais ce n’est de loin pas la condition pour vivre en saint dès maintenant. Car la sainteté, Dieu l’offre à tous et à chacun de ceux qui choisissent le Christ. Dès maintenant, dit Jean dans sa première lettre, nous sommes enfants de Dieu. Si Dieu est saint, ce que je crois et affirme, alors les enfants de Dieu que nous sommes partageons avec lui cette sainteté. Nous sommes faits à son image et à sa ressemblance, au départ de notre vie croyante. Notre baptême a fait de nous des saints. Mais le péché qui rôde dans nos vies, obscurcit cette sainteté, l’empêche de briller vraiment. En méditant la vie des saints et des saintes reconnus par l’Eglise, nous pouvons trouver notre chemin vers la sainteté librement acceptée et vécue dans l’ordinaire de nos jours. 

            Car voyez-vous, nous sommes aussi de cette foule immense que nul ne peut dénombrer, car Dieu seul connaît la sainteté de chacun. Nous sommes de cette foule immense, même si ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous devons nous souvenir toujours que nous sommes appelés par Dieu ; nous ne devons jamais oublier que, dès maintenant, Dieu nous aime et nous veut avec lui, toujours, chaque jour. La sainteté n’est pas notre récompense ; la sainteté est notre être profond de baptisé. C’est la marque de fabrique de ceux que Dieu a appelés. Nous mesurons là la grandeur que Dieu a déposé en nous, qui n’est autre que sa propre vie. Plutôt que d’être la fête de ceux qui ont réussi, la Toussaint est la fête de celles et ceux qui choisissent de réussir avec Dieu, la fête de celles et ceux qui choisissent de vivre avec Dieu, dès maintenant et pour toujours. 

            En cette année marquée depuis trop longtemps par la pandémie qui bouleverse la vie du monde entier, une fois de plus, nous serons interdits de rassemblement, parce que jugés, avec d’autres, comme non nécessaires à la vie du monde, non nécessaires à la bonne marche de la société. Je regrette profondément cette conception utilitaire de l’homme à laquelle nos gouvernants nous réduisent. Je regrette profondément la perte du sens de la prière comme pierre à apporter à l’édifice qui lutte contre la pandémie. Je regrette profondément, qu’une fois de plus, l’Etat porte atteinte à ce qu’il y a de plus sacré en l’homme : son humanité et sa sainteté. Je veux bien entendre qu’il nous faut tous participer à la lutte contre la propagation de ce virus ; mais je ne peux accepter que l’homme en soit réduit à n’être qu’un esclave au service d’une idéologie, juste bon à travailler, à se taire et à s’enfermer. Ce que nous appelions autrefois le secours de la religion, s’il n’est plus reconnu, n’en est pas moins nécessaire pour autant. Parce que nous sommes déjà ce peuple saint, engageons-nous à prier pour que Dieu éclaire l’intelligence de ceux qui cherchent, donne un peu plus de bon sens à ceux qui nous gouvernent et à tous la force de résister à la colère qui monte chaque jour davantage devant ce qui semble quand même être une série de décisions catastrophiques pour tous les peuples. Nous vivons malheureusement dans un monde où l’on n’accepte plus que l’on meure de maladie, mais où le fait de devenir pauvre ne dérange personne. Qui a le souci du million de pauvres supplémentaires en France depuis le début de cette pandémie ? Les béatitudes que nous avons proclamées nous placent résolument à leur côté. 

            Avec nos amis les saints qui vivent déjà en Dieu, rangeons-nous du côté de Dieu et du côté des hommes, particulièrement ceux et celles qui souffrent le plus en ces temps difficiles. L’Evangile nous rappelle que l’amour que nous avons pour le premier se manifeste par l’amour que nous portons à tous nos frères et sœurs en humanité. Puisque nous ne pourrons plus unir nos voix désormais, unissons nos cœurs en une prière fervente pour le salut de tous les hommes. Nous manifesterons ainsi au monde la puissance de la sainteté que Dieu offre à tous. Amen.

samedi 24 octobre 2020

30ème dimanche ordinaire A - 25 octobre 2020

 Fratelli tutti et tutti quanti !



(Source internet : https://selmourconceptions.com/lamour-comme-source-de-vie-invisible-et-indivisible/)


        Le 03 octobre dernier, à Assise, le Pape François signait sa troisième encyclique, intitulée « Fratelli tutti », Tous frères ! A côté des explications de texte officielles, nous avons vu fleurir sur les réseaux sociaux tout un tas de commentaires plutôt acerbes, loin du contenu de l’encyclique. C’était comme si celui qui venait de nous inviter à la fraternité universelle s’attirait par le fait même l’inimitié de tous, en tous les cas de beaucoup. « Pape rouge qui ferait mieux de parler à son Eglise plutôt que de s’occuper de politique », pour ne prendre que les remarques les plus tendres ! Et ne croyons pas que les attaques ne venaient que des autres, de ceux qui ne croient pas comme nous, voire de ceux qui ne croient pas du tout. J’aurais aimé que ce soit le cas ; mais non, les attaques les plus virulentes venaient de son propre camp. L’idée d’une fraternité universelle a encore du mal à faire son chemin, même chez les chrétiens. 

            Pourtant, on aurait pu croire, après des siècles de méditations des textes bibliques proposés en première lecture et en évangile ce dimanche, on aurait pu croire donc que l’amour serait passé dans les mœurs, que la fraternité ne serait pas un problème. On aurait pu croire que, après des conflits mondiaux qui avaient déchiré la planète au siècle dernier, après l’horreur des camps de concentration (ceux du nazisme comme ceux du bolchévisme), on aurait pu croire donc que les hommes avaient fait le choix d’un « plus jamais ça » et que la fraternité s’imposait comme le chemin naturel pour rassembler les hommes, garantir la paix et assurer le bonheur de tous. Il semblerait que ce ne soit pas encore le cas. Il nous faut donc reprendre sans cesse la méditation de ces textes fondamentaux de notre foi que la liturgie de ce dimanche nous donne d’entendre encore. 

            Dans l’encyclique, le Pape François propose une méditation de la parabole du bon samaritain, dont il rappelle l’arrière-plan. Et pour ce faire, il cite, entre autres, l’extrait du livre de l’Exode que nous avons entendu aujourd’hui. En effet, la fraternité ou l’urgence de l’amour du prochain, est une réalité fortement ancrée dans les textes de la Bible. Le pape rappelle, je le cite : Dans les traditions juives, le commandement d’aimer et de prendre soin de l’autre semblait se limiter aux relations entre les membres d’une même nation. Le précepte ancien « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19, 18) était généralement censé se rapporter à des concitoyens. Cependant, surtout dans le judaïsme qui s’est développé hors de la terre d’Israël, les frontières se sont élargies. L’invitation à ne pas faire aux autres ce que tu ne veux pas qu’ils te fassent est apparue (cf. Tb 4,15). Le sage Hillel (1er siècle avant Jésus Christ) disait à ce sujet : « Voilà la loi et les prophètes ! Tout le reste n’est que commentaire ». Le désir d’imiter les attitudes divines a conduit à surmonter cette tendance à se limiter aux plus proches : « La pitié de l’homme est pour son prochain, mais la pitié du Seigneur est pour toute chair » (Si 18,13) (FT 59). Il y a donc là la raison première de la nécessité d’aimer : aimer le prochain, quel qu’il soit, c’est entrer dans l’imitation de l’amour de Dieu. Le croyant en Dieu ne peut pas aimer moins que son Dieu ; le croyant en Dieu se doit, par sa manière d’agir et d’aimer, enseigner comment Dieu agit et aime. Il ne peut donc faire moins bien que Dieu. Il doit tendre vers cette perfection de l’amour qui est en Dieu, qui est Dieu. Il nous faudrait relire ici l’enseignement d’un saint Jean qui nous dit que Dieu est amour, mais aussi que celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne saurait aimer Dieu qu’il ne voit pas ! (1Jn 4,20). 

            Ecoutons encore le Pape François (FT 88). A partir de l’intimité de chaque cœur, l’amour crée des liens et élargit l’existence s’il fait sortir la personne d’elle-même vers l’autre. Faits pour l’amour, nous avons en chacun d’entre nous « une loi d’extase : sortir de soi-même pour trouver en autrui un accroissement d’être ». Voilà pourquoi l’homme doit de toute manière mener à bien cette entreprise : sortir de lui-même. François explique ainsi pourquoi je ne peux pas m’enfermer dans un amour limité à une personne ou à un groupe restreint de personnes. L’amour ne vit et ne grandit qu’à mesure qu’il s’ouvre toujours plus, qu’il inclut toujours plus de monde. Sinon, il rapetisse, se recroqueville jusqu’à disparaître, jusqu’à n’être plus un amour authentique. Le plus grand danger de l’amour, c’est l’illusion de l’amour qui est présente dès que je limite celui-ci à une personne, à un groupe de personnes. Apprendre à aimer nous oblige à apprendre à aimer tout le monde ! Ou nous courons le risque de n’aimer jamais vraiment. 

            Un des aspects de notre condition chrétienne est de n’être que de passage sur cette terre. Venant de Dieu et allant vers Dieu, nous pouvons dire que nous ne sommes que des étrangers en terre étrangère. Notre patrie véritable, c’est le royaume où Dieu nous attend. Notre pèlerinage sur cette terre ne peut être qu’un pèlerinage d’amour si nous ne voulons pas perdre la boussole qui nous mènera vers le Père éternel. Mettons en œuvre le double commandement de l’amour en vivant une fraternité universelle plus que jamais nécessaire en ces temps troublés qui sont les nôtres. Par l’amour de Jésus, vers l’amour en Dieu, en passant par l’amour des autres. De tous les autres. Il n’y a pas d’autre chemin possible. C’est ce que le Christ a enseigné par sa vie ; c’est ce que nous devons enseigner par la nôtre. Amen.  

samedi 17 octobre 2020

29ème dimanche ordinaire A - 18 octobre 2020

 La vie d'un chrétien.





Il y a des clins d’œil de Dieu que l’on ne peut ignorer. Nous célébrons aujourd’hui la clôture de la semaine missionnaire, semaine de prière pour celles et ceux qui, aux quatre coins du globe, sont appelés à répandre la Bonne Nouvelle afin que le monde croie ! Et c’est en ce dernier jour que nous commençons justement la lecture du plus ancien écrit chrétien, la lettre aux Thessaloniciens. L’apôtre y parle, dès sa salutation, de la manière dont doivent vivre les croyants au Christ. Quatre attitudes sont soulignées.

 En premier lieu, avoir une foi active. On peut être surpris de la juxtaposition du mot foi et de l’adjectif active. La foi aurait donc quelque chose à faire ? La foi nous mettrait donc en mouvement ? A ceux qui croyaient que la foi se réfléchissait d’abord (ou seulement), Paul rappelle qu’elle est un principe de vie. N’est-ce pas, la foi, ce n’est pas d’abord quelque formule obscure à répéter, c’est aussi et surtout un art de vivre. Personne ne peut avoir la foi s’il n’en vit pas. Une foi active, ce serait alors une foi qui se réfléchit, s’approfondit, pour un meilleur service de l’Eglise et des frères. Saint Matthieu nous le rappellera en la fête du Christ Roi : ce sont aussi nos actes qui nous jugeront lorsque le Fils de Dieu reviendra ! J’avais faim, soif, j’étais malade, en prison, … qu’as-tu fais pour moi ? Ce n’est qu’en accueillant sans cesse la Parole de Dieu au cœur de notre vie, que nous pouvons découvrir ce que Dieu attend de nous et essayer de le réaliser. Une foi active, ce n’est pas s’occuper à ne rien faire, mais bien se mettre à l’écoute de Dieu, et l’ayant écouté, se mettre au service des frères. 

Peut-être est-ce pour cela qu’en deuxième lieu, Paul rappelle qu’un croyant au Christ doit avoir une charité qui se donne de la peine. Un amour passionné des autres qui met l’autre en premier, en tout cas avant moi. Un amour attentif et créatif pour trouver sans cesse comment, avec d’autres, soulager la misère humaine. Un amour attentif à l’autre qui m’oblige au respect de chacun, même s’il n’est pas comme moi, même s’il ne croit pas comme moi. Notre foi se vérifie dans les actes que nous posons tout au long de notre vie. Si nous croyons au Christ Sauveur, nous ne pouvons pas vivre comme les autres qui n’y croient pas. Nous ne pouvons pas nous détourner des autres sous prétexte que nous avons nos propres problèmes ; nous ne pouvons pas exiger que nos prêtres travaillent d’abord chez nous avant d’aller vers ceux et celles qui sont loin. Nous ne pouvons pas exiger de vivre notre foi et notre vie de communauté sans nous soucier de la communauté qui est juste à côté, dans le prochain village. 

En troisième lieu, Paul parle de la dernière des vertus théologales : l’espérance qui doit tenir bon dans le Seigneur. Notre foi et notre charité sont orientées par notre espérance. Même si nous n’en avons pas toujours conscience : nous ne croyons pas en vain et nous n’agissons pas en vain. Nous sommes orientés vers la fin des temps, vers le retour glorieux du Christ, vainqueur du mal et de la mort. Nous ne pouvons pas oublier l’espérance, sous peine de transformer notre foi en vague théorie humaniste et notre charité en activisme stérile. L’espérance nous rappelle en qui nous croyons et pourquoi nous vivons en conformité avec cette foi : parce que le Christ a offert sa vie pour que le monde soit meilleur, et que nous voulons aider, à notre manière, à établir son règne au milieu de nous. Paul est heureux de constater qu’il en est ainsi pour la jeune communauté de Thessalonique et il en rend grâce à Dieu. 

La dernière attitude du croyant que Paul souligne est la suivante : Vous avez été choisis par Dieu. Une affirmation en guise de rappel. Ne l’oubliez pas ! Votre foi, qui entraîne votre agir et fonde votre espérance, est d’abord un don de Dieu que vous avez accueilli, un appel auquel vous avez répondu ! Il n’y a pas à s’enorgueillir d’être croyant : cela nous est offert par Dieu ! Il n’y a pas à s’enorgueillir du bien que nous faisons : cela nous est offert par Dieu ! Il n’y a pas à s’enorgueillir d’avoir une espérance alors que tant d’autres désespèrent : cela nous est offert par Dieu ! « C’est cet appel de Dieu, ce don gracieux qui a permis aux Thessaloniciens d’accueillir la Parole comme parole de Dieu, dans toute sa plénitude. C’est elle qui, à présent, se déploie en eux et les dynamise ». 

Baptisés, nous sommes appelés par Dieu à vivre selon sa Parole. Ouvrons nos cœurs à son appel et vivons selon ce que nous aurons entendu et discerné : nous parviendrons ainsi au Royaume où Dieu nous attend. Amen.