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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 31 mai 2025

7ème dimanche de Pâques C - 01er juin 2025

 Pâques, l'expérience du désir d'être avec Dieu.







 

            C’est un curieux dimanche que ce septième dimanche de Pâques. Coincé entre les deux solennités de l’Ascension et de la Pentecôte, on pourrait le prendre pour un petit dimanche sans importance, et pourtant les lectures qui lui sont affectées nous rappellent que le mystère de Pâques, c’est aussi l’expérience du désir d’être avec Dieu.

             La première lecture nous relate la fin tragique d’Etienne, le diacre, premier martyr à cause de sa foi au Christ Sauveur. Luc souligne habilement l’identification d’Etienne avec Jésus dans sa mort : les mêmes paroles prononcées que Jésus sur la croix, une mort violente en haine de son attachement à la personne de Jésus. Ceux qui pensaient être débarrassés de Jésus après l’avoir cloué en croix, ne peuvent qu’être excités contre ce prédicateur qui accomplissait parmi le peuple des prodiges et des signes éclatants. Manquant peut-être d’imagination, ou parce que cela avait bien fonctionné avec Jésus, ils ressortent les mêmes vieilles accusations : Cet individu ne cesse de proférer des paroles contre le Lieu saint et contre la Loi. Nous l’avons entendu affirmer que ce Jésus, le Nazaréen, détruirait le Lieu saint et changerait les coutumes que Moïse nous a transmises. La justice est expéditive, les pierres se mettent à voler et Etienne s’effondre avant de s’endormir dans la mort après avoir invoqué le nom du Seigneur : Seigneur Jésus, reçois mon esprit. Le désir profond d’Etienne est ainsi manifeste : il veut vivre pour toujours avec Celui qu’il a annoncé et servi. Il va à sa rencontre, sans haine pour ses persécuteurs ; seul compte Jésus et la vie avec lui.

             L’extrait du Livre de l’Apocalypse nous donnait alors à entendre quelques-uns des versets qui concluent ce livre, et donc toute la Bible. Cette annonce du retour du Christ dans la gloire, au jour du jugement, s’achève sur ce cri : Amen ! Viens, Seigneur Jésus ! C’est l’espérance chrétienne qui est ainsi exprimée. Nous désirons ardemment ce retour qui fera toute chose nouvelle. Là où Etienne allait à la rencontre de son Sauveur dans sa mort, les témoins de l’Apocalypse appellent le Christ à revenir. Le mouvement peut sembler contraire, mais c’est la même réalité qui est exprimée : le désir de l’humanité de vivre avec Jésus. Que nous allions vers lui ou qu’il vienne vers nous, le résultat est le même : une communion entre l’humanité sauvée et le Christ Sauveur. La question qui se pose alors à chacun est bien celle-ci : désires-tu être avec Jésus ?

             Dans sa grande prière sacerdotale au soir de sa mort, Jésus adresse déjà à son Père ce même désir pour l’humanité : Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Autrement dit, cette communion de l’humanité avec Dieu est fondatrice de la foi. Nul ne peut croire quand la division règne ; nul ne peut croire et être agent de division. Croire, c’est fondamentalement prendre le parti de Dieu, vivre avec lui, en lui, pas seulement au-delà de cette vie, dans le paradis, mais dès ici et maintenant. Et Jésus d’insister : Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. Notre désir d’être avec Dieu, avec le Christ, Jésus le fait sien : Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire. Et voilà comment notre désir profond d’être avec Jésus devient notre destinée, quand le Christ légitime notre désir et le fait sien. Rien ne pourra désormais jamais nous séparer de lui. Ce que nous osions à peine imaginer, il le veut et il le demande à Dieu. Parce que Dieu aime son Fils par-dessus tout, il l’exausera. Il ne lui a jamais rien refusé ; il ne va pas commencer maintenant ; nous pouvons en avoir la certitude.

             Désirer plus que tout être avec Dieu, avec Jésus. Voilà un noble désir à cultiver. Il est le fruit de ce temps pascal qui nous a donné de méditer le cœur de notre foi. Nous ne sommes pas obligés d’attendre le jour de notre mort pour confier notre âme à Jésus. Dès maintenant, nous pouvons lui demander de nous garder en communion avec lui pour que notre vie terrestre soit un témoignage de la puissance de son amour pour tous les hommes. Avec l’Esprit et l’Eglise, nous pouvons dire à Jésus, le Christ : Viens ! Viens dans ma vie ! Viens dans ce monde qui semble si souvent vivre comme si tu n’existais pas ! Viens, le monde a tant besoin de toi ! Viens, j’ai besoin de toi ! Amen.

mercredi 28 mai 2025

Ascension de notre Seigneur - 29 mai 2025

 Pâques, l'expérience d'un avenir possible. 




(L'Ascension, Andréa della Robbia, Terre cuite, vers 1495)



 

            Quarante jours ! Quarante jours que nous vivons de la joie pascale et que nous comprenons mieux la force de cet événement radicalement nouveau ! Et nous voici au jour de l’Ascension qui nous fait célébrer le retour du Christ, victorieux de la mort, auprès de son Père. Un événement qui marque à la fois une continuité et une rupture.

             Du point de vue de la vie de Jésus, l’Ascension est la continuité normale du mystère de Pâques. En fait, on peut dire que c’est un seul et même mystère. Après sa mort et sa résurrection, la demeure de Jésus ne peut plus être terrestre ; sa divinité ayant été pleinement révélée dans sa victoire sur la mort, sa place est désormais à la droite de Dieu, cette droite à laquelle il avait renoncé en venant dans le monde. S’étant abaissé en devenant homme, il est élevé au-dessus de tout, retrouvant la place qui était la sienne depuis toujours. Le Fils de l’homme, pour reprendre un des titres que les évangélistes attribuent à Jésus, est le Fils de Dieu. Et c’est bien l’événement de Pâques qui nous révèle cela.

             La rupture opérée par l’Ascension nous concerne, nous. Avec le retour du Christ auprès de son Père, nous ne le verrons plus avec nos yeux de chair. Le Christ est soustrait à [nos] yeux, pour reprendre l’expression du livre des Actes des Apôtres. Il ne nous reste de Jésus que sa Parole, le témoignage des Apôtres, l’eucharistie célébrée en mémoire de lui, et bientôt la venue du Défenseur, de l’Esprit Saint, que Jésus a promis d’envoyer quand il serait de retour chez son Père. Nous devons donc apprendre à vivre cette absence physique de Jésus en aiguisant le regard de notre foi qui nous le rend présent dans sa Parole et dans le Pain et le Vin partagés. Jésus est là, au milieu de nous dès lors que deux ou trois sont réunis en son nom. Jésus est là, dans sa Parole proclamée, expliquée et vécue par la communauté croyante. Jésus est là, dans le pain consacré et rompu, signe de sa présence éternelle et réelle à nos côtés. Avec son départ d’au milieu de nous, il nous faut désormais reconnaître sa présence dans sa Parole, dans les sacrements et dans le frère qu’il met sur notre route. Nous ne sommes pas orphelins ; nous devons juste apprendre à regarder autrement, à regarder mieux, pour découvrir Jésus et son visage dans celles et ceux qui croisent notre route. Nous sommes tous, les uns pour les autres, des Christo-phores, des porteurs du Christ au cœur de ce monde.

            Cette continuité et cette rupture que nous fait vivre l’Ascension, nous la vivons au cœur même de notre existence lorsque nous faisons le choix de devenir disciples du Christ et que nous recevons le baptême. Continuité parce que notre vie ne change pas ; c’est la vie que nous avons reçue de nos parents qui s’ouvre à quelque chose de neuf, à la présence de Dieu dans cette unique et même vie. Nous ne recevons pas une nouvelle vie, mais notre vie devient vie nouvelle, plus grande, plus accomplie parce que désormais, par le baptême, Dieu y est présent, Dieu y est reconnu. Par le baptême, Dieu est chez lui en étant présent en nous. Nous continuons notre vie, mais avec Dieu et son Christ, présents en nous par l’Esprit. Mais notre baptême est aussi une rupture parce que, ayant choisis Dieu, nous avons renoncé au Mal, nous avons rompu avec l’esprit du monde. Nous vivons dans le monde sans être du monde, selon l’enseignement de Jésus dans l’évangile de Jean. Nous vivons dans le monde, tel qu’il est, à notre époque que nous n’avons pas choisie. Mais nous ne partageons pas l’esprit du monde quand celui-ci s’oppose à Dieu ; nous ne partageons pas l’esprit du monde quand celui-ci s’oppose à la Vie ; nous ne partageons pas l’esprit du monde quand celui-ci s’oppose à le Vérité ; nous ne partageons pas l’esprit du monde quand celui-ci réduit l’homme à une simple donnée économique, voire à une variable d’ajustement. L’homme, tout homme, a la grandeur même de Dieu puisque le Christ s’est livré, non pas seulement pour ses disciples, mais pour toute l’humanité qui désormais peut partager la grandeur de Dieu. En ce sens, Pâques est l’expérience d’un avenir possible. Au plus sombre de notre vie est révélée la grandeur de l’humanité créée à l’image et à la ressemblance de Dieu. Le Christ, en se livrant pour notre salut, nous ouvre à cet avenir désormais possible pour chacun d’une vie auprès du Père, là où le Christ entre aujourd’hui justement.

             Il est particulièrement heureux que Marcel soit baptisé au cours de cette eucharistie en jour solennel. Il nous permet d’être témoins de cette continuité et de cette rupture qu’instaure l’Ascension de Jésus. Au cœur de notre rassemblement, il sera reconnu pour ce qu’il est depuis sa naissance : fils de Dieu. Et nous redirons ensemble, avec ses parents, parrain et marraine, que nous voulons vivre loin du mal et que nous voulons être pour lui et avec lui témoins qu’une vie libérée du mal est possible. Cette rupture est fondatrice de ce nouveau monde que le Christ inaugure dans sa mort et sa résurrection et que nous avons à rendre présent ici-bas déjà. Notre vie auprès du Père, c’est ici-bas que nous la commençons. Un monde libéré du mal et tourné vers Dieu, c’est ici-bas que nous le construisons. Entre rupture et continuité, notre avenir est possible, l’Ascension qui nous rassemble nous le confirme. Amen.

samedi 24 mai 2025

6ème dimanche de Pâques C - 25 mai 2025

 Pâques, l'expérience de la paix retrouvée.







 

            Il n’y a pas à en douter : les événements qui ont eu lieu autour de la Pâque juive qui a vu la mort de Jésus, ont profondément bouleversé les disciples, au point que la tranquillité d’esprit et la paix du cœur les ont quittés. Les témoignages ne manquent pas au sujet des disciples craintifs et désemparés au lendemain de la mort de leur Maître. Les premiers mots du Ressuscité apparaissant à ses disciples au soir de Pâques exprimaient le souhait profond du Christ pour les hommes : La paix soit avec vous.

         Lors de son dernier repas avec ses disciples, juste avant son procès, Jésus les avait préparés à ce chambardement. Dans son long discours, il avait déjà offert le don de la paix à ses amis qui auraient à affronter l’injustice et la violence des hommes. Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Une parole dont Jean se souviendra quand il écrira son Evangile des années plus tard, comprenant l’importance de ce don. Au moment où Jésus prononce ces mots, ils sont noyés au milieu d’autres mots ; mais ils feront pleinement sens après la résurrection de Jésus, quand l’angoisse et la peur de subir ce qu’a subi le Maître seront au plus fort. Pâques, c’est aussi l’expérience de la paix retrouvée dès lors que les disciples reconnaissent que la croix n’est pas la fin de l’histoire de Jésus. Cette paix que Jésus laisse à ses Apôtres, ce n’est pas juste l’absence de conflits, mais la certitude que nous ne sommes pas seuls quand survient l’épreuve. C’est la paix de ceux et celles qui savent que les événements du monde sont dans la main de Dieu. C’est cette noble assurance que rien, pas même la mort, ne peut nous séparer de Dieu. C’est une paix profonde qui s’installe dans notre cœur et qui nous garde dans l’espérance de jours meilleurs. Elle n’empêche pas les conflits, y compris au sein de la communauté des croyants ; elle permet de les dépasser et de trouver une issue à ceux-ci. Plus que jamais, il nous faut cultiver ce don que Dieu nous offre en Jésus, mort et ressuscité pour nous.

 A ceux qui ne savent comment faire, est laissé l’exemple de la jeune communauté chrétienne lorsqu’elle est troublée par quelques-uns qui voudraient imposer la circoncision selon la coutume qui vient de Moïse. Ce n’est pas juste une querelle entre anciens et modernes, entre tenants de la Tradition et tenants d’une voie nouvelle. Ce qui est en cause, c’est l’existence même de la jeune communauté qui appartient au Christ, et la foi en la résurrection. Ce qui est questionné par ce trouble, c’est de savoir qui sauve : un acte (la circoncision) ou une personne (Jésus, le Fils de Dieu). Si c’est l’acte qui l’emporte, alors Jésus est mort pour rien et notre foi est vaine. Devant ce trouble majeur, qu’a fait la jeune communauté ? Elle s’est réunie, elle a écouté les uns et les autres, elle a cherché à comprendre mieux ce que Dieu lui a dit à travers les récents événements : Pierre invité chez Corneille, le centurion romain ; Paul et Barnabé et leur premier voyage missionnaire aux périphéries du monde juif. Les croyants ont prié, se sont mis à l’école de l’Esprit Saint et ils ont décidé avec lui : L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé… osent-ils écrire ! Et ils ont pris cette décision à l’unanimité.  Voici comment la jeune communauté troublée a retrouvé le don de la paix que le Christ lui a laissé. Non pas en excluant, non pas en jetant des anathèmes, mais en écoutant, en priant, en décidant ensemble. La paix qui vient de Dieu se construit ainsi. Toujours. Il n’y a ni vainqueur, ni vaincu, mais un grand gagnant : l’Esprit Saint que les disciples laissent agir, et une récompense : la paix retrouvée. Et ça, c’est l’œuvre du mystère de Pâques, puisque l’Esprit Saint et la paix sont les dons promis par Jésus lui-même au soir de sa mort : Le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. La paix à la manière du monde, c’est le triomphe du plus fort en gueule sur le plus faible ; la paix à la manière de Jésus, c’est un chemin cherché et accepté ensemble.

 Le huit mai dernier, au moment où le monde célébrait la fin de la seconde guerre mondiale, l’Esprit Saint donnait à l’Eglise un nouveau pasteur qui a repris, comme ses tous premiers mots au monde, le souhait du Ressuscité à ses disciples au soir de Pâques : La paix soit avec vous. Et il ajoutait : Ceci est le premier salut du Christ ressuscité, le bon berger qui a donné sa vie pour le troupeau de Dieu. Je voudrais moi aussi que ce salut de paix entre dans nos cœurs, qu'il parvienne à vos familles, à toutes les personnes, où qu'elles soient, à tous les peuples, à toute la terre. Que la paix soit avec vous. C'est la paix du Christ ressuscité, une paix désarmée, et une paix désarmante, humble et persévérante, elle vient de Dieu, Dieu qui nous aime tous, inconditionnellement. A la suite du Ressuscité, le pape Léon XIV fait de la paix la feuille de route de l’Eglise pour les années à venir. Prions pour que cette paix du Ressuscité envahisse le cœur des hommes et transforme notre monde. Amen.

 

5ème dimanche de Pâques C - 18 mai 2025

 Pâques, l'expérience d'un amour à accueillir et à vivre.




(Source : Aimez-vous ! | 1001 versets)

 

            Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. C’est peu dire que Jésus insiste, lourdement, lorsqu’il offre à ses disciples, au soir de sa mort, ce nouveau commandement, son unique commandement. Nous n’avons entendu que quelques versets de cette commande à aimer, mais ils suffisent à nous faire comprendre l’urgence de nous laisser aimer et l’obligation d’aimer à notre tour. Parce que depuis que Jésus a donné sa vie sur la croix, depuis que son Père l’a ressuscité, nous n’avons plus le choix : nous devons aimer. La fête de Pâques que nous célébrons durant cinquante jours, et dont nous faisons mémoire en chaque eucharistie, c’est l’expérience d’un amour à accueillir et à vivre.

             L’amour que Jésus nous commande d’avoir, c’est d’abord un amour à accueillir. C’est un don, le don ultime de Jésus aux hommes lorsqu’il marche vers sa mort. Il nous dit ainsi que sa mort n’est pas sa défaite et donc la victoire de ses adversaires. Non, sa mort est une offrande libre pour notre vie, pour la vie de toute l’humanité, à travers le temps et l’Histoire. En levant les yeux vers la croix, discernons-nous bien cet amour immense de Dieu pour les hommes ? Et acceptons-nous que Dieu nous aime jusque-là, c'est-à-dire jusqu’à offrir son Fils pour que nous puissions vivre ? Quand quelqu’un dit qu’il ne croit pas, il dit en réalité qu’il ne veut pas être aimé de Dieu, il ne veut pas de cet amour qui va jusqu’à donner sa vie. Car si les hommes acceptaient cet amour de Dieu, ils croiraient ! Ne pas reconnaître l’existence de Dieu, c’est refuser la force d’un amour qui aime à en mourir. Ne pas reconnaître l’existence de Dieu, c’est faire de l’amour un simple sentiment humain, passager et vague, qui disparait quelquefois aussi vite, sinon plus vite, qu’il est apparu. Reconnaître l’existence de Dieu, c’est reconnaître que l’amour n’est pas un sentiment, mais un don à accueillir, un don qui nous précède toujours, un don qui ne s’efface jamais. L’homme qui croit en Dieu, reconnait qu’il est aimé de Dieu, malgré ses faiblesses, malgré son péché. Dieu ne peut pas s’empêcher d’aimer l’humanité. Et il n’y a pas de péché assez grand que l’humanité puisse faire qui empêcherait Dieu de l’aimer. C’est cela, aimer à en mourir !

             Cet amour qu’il nous faut accueillir, nous ne pouvons le garder pour nous. Ce n’est pas un don égoïste ; c’est un don à partager, largement. L’amour de Dieu pour nous ne diminue pas à force de le partager ; au contraire, il augmente. Plus nous donnons à d’autres l’amour que nous aurons accueilli, plus cet amour grandira. L’amour dont Dieu nous aime est inépuisable, inaltérable. Nous serons toujours aimés de Dieu, car Dieu est amour. C’est le grand enseignement de l’Apôtre Jean. Il signifie que parler de Dieu, c’est répandre l’amour. Agir au nom de Dieu, c’est répandre l’amour. Si donc quelqu’un prétend parler ou agir au nom de Dieu alors que ce qu’il dit ou fait ne pousse pas les hommes à aimer mieux, celui-là ne parle pas et n’agit pas au nom de Dieu. Le nom de Dieu ne peut pas servir à répandre la haine. Le nom de Dieu ne peut pas servir à répandre la division. Le nom de Dieu ne peut pas servir à répandre le mal. Le nom de Dieu ne peut pas servir à donner la mort. Le nom de Dieu, c’est Amour. Dieu est Amour ; Dieu = Amour. Tout ce qui n’est pas amour, n’est pas de Dieu. Point. Il faut que cela soit clair pour tous. L’amour est le critère ultime de la qualité de disciple : A ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. Et pas seulement pour les autres qui nous sont semblables, qui croient comme nous, vivent comme nous, mangent comme nous, votent comme nous… Il nous faut bien entendre les uns pour les autres, comme les uns pour [tous] les autres [que Dieu met sur la route des uns et des autres]. L’enseignement de Jésus à ses disciples, dès le début de son ministère, ne disait -il pas qu’il fallait aussi aimer nos ennemis ? Il y a une continuité et une logique évidente dans son enseignement.

             Et je me rends compte soudain qu’il devient difficile, voire risqué de terminer cette homélie. Je ne voudrais pas laisser croire qu’en arrêtant l’homélie, nous puissions arrêter pareillement d’aimer. Il n’est jamais possible d’arrêter d’aimer de cet amour dont Dieu nous aime, et si je vais, pour aujourd’hui, taire mon propos, je ne vais arrêter ni d’accueillir l’amour dont Dieu m’aime, ni de partager cet amour dont je me sais aimé. Aimons, puisque l’amour vient de Dieu et que notre prétention est d’être à lui. Aimer n’est donc pas un choix, c’est un devoir d’état. Amen.

samedi 10 mai 2025

4ème dimanche de Pâques C - 11 mai 2025

 Pâques, l'expérience de l'unité retrouvée.





 

            Christ est ressuscité, alléluia ! Ce cri est le moyen le plus sûr, le plus efficace de dire le mystère de Pâques. Celui qui était mort, désormais il est vivant. Et nous voyons, dimanche après dimanche, ce que Pâques signifie. Ce cri du premier jour de la semaine, nous devons en comprendre toutes les conséquences pour notre vie, ou alors le mystère de Pâques ne nous concerne pas et Jésus est mort pour rien. Pâques, c’est un cri, c’est une rencontre, c’est un amour qui s’ajuste à nous. Ce quatrième dimanche de Pâques vient nous dire que Pâques, c’est aussi l’expérience de l’unité retrouvée.

             Jésus l’affirme dans l’évangile de Jean : Le Père et moi, nous sommes UN. Il aura l’occasion, lors de son grand discours au soir de sa mort d’expliquer aux Apôtres la portée de cette affirmation. Pour faire simple, rien de ce que dit ou fait Jésus n’a son origine en-dehors de sa relation à son Père. Ecouter Jésus, c’est écouter Dieu. Voir Jésus, c’est voir Dieu. Vivre avec Jésus, c’est vivre avec Dieu. Il n’y a pas l’ombre d’un écart entre le Père et le Fils. Le Fils fait et dit ce que demande le Père ; le Père approuve ce que dit et fait le Fils. Ne cherchez pas à les séparer, vous n’y réussirez pas. Par sa résurrection, Jésus, en nous faisant entrer dans la vie divine, nous fait entrer aussi dans cette unité. Si nous sommes frères et sœurs de Jésus par la foi, nous sommes fils et filles de Dieu par la même foi. Notre art de vivre doit dire désormais quelque chose de cette unité que nous partageons avec le Père et le Fils. Il faut bien écouter Jésus quand il dit : Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent… Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père. Le pape Léon XIV qui vient de nous être donné le proclame à sa manière quand il dit dans son premier discours : Dieu nous aime tous, et le mal ne prévaudra pas, comprenons bien : le mal ne gagnera pas ! Il ne peut pas gagner parce que par sa mort et sa résurrection, le Christ nous a définitivement fait entrer dans cette unité qui existe en Dieu.

             Dans les Actes des Apôtres, nous voyons petit à petit comment cette unité, qui est en Dieu, s’étend à toute l’humanité au fur et à mesure que les Apôtres ouvrent leur prédication à tous ceux et celles qui veulent entendre leur parole et se laissent toucher par elle, quand bien même ils ne sont pas du peuple premier que Dieu s’est choisi. Pierre le rappelle dans son discours, et nous ferions bien de prendre ce discours pour nous. Parce que l’Eglise n’a pas remplacé la Synagogue et que le reproche que Pierre fait aux Juifs de son temps, il pourrait sans doute le refaire à nous aujourd’hui. Le commandement que le Seigneur nous a donné est le même : J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. Nous portons, avec nos pères dans la foi que sont les Juifs, la responsabilité de dire Dieu aux hommes. Notre baptême nous en donne mission. Vivre cette unité qui vient de Dieu, et accueillir dans cette unité, c’est le sens même de la mission de l’Eglise, et donc de la mission de chaque baptisé. Comme le disait en son temps le pape François, nous ne pouvons pas être les douaniers de la foi, nous devons être les hérauts de l’Evangile. Ce n’est pas quand une vie est enfin ajustée à Dieu, qu’il faut dorénavant lui parler de l’Evangile. Mais c’est parce que nous parlons et nous vivons de l’Evangile, que nos vies, et les vies de ceux qui nous voient et nous écoutent, peuvent s’ajuster à Dieu. Jésus peut affirmer qu’il est Un avec Dieu parce qu’il ne cesse de dire la Bonne Nouvelle du Salut. Dans les Actes des Apôtres, ceux qui entendent Pierre ne sont pas dans la joie parce qu’il leur dit qu’ils ont une vie parfaite, mais parce qu’ils entendent une parole : en entendant cela, les païens étaient dans la joie et rendaient gloire à la parole du Seigneur. C’est parce qu’ils entendent cette Bonne Nouvelle qu’ils deviennent croyants.

             Nous avons encore une belle image de ce mystère de Pâques comme expérience de l’unité retrouvée dans le livre de l’Apocalypse. Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, et le servent, jour et nuit, dans son sanctuaire. Celui qui siège sur le Trône établira sa demeure chez eux. Peut-on mieux dire l’unité que par cette image de Dieu qui habite chez nous ? C’est le mystère de Pâques, le mystère du sang répandu de l’Agneau, qui fait cela. Ce n’est pas en vain que l’Eglise affirme que le mystère de Pâques est au cœur de notre foi. De lui, tout découle : notre foi, notre art de vivre avec Dieu, notre art de vivre avec les autres en qui Dieu est présent. L’unité des croyants, et par-delà l’unité du genre humain, n’est donc ni une lubie, ni un luxe, ni un détail : elle est un marqueur du disciple authentique du Christ, qui a livré sa vie pour tous les hommes, afin qu’ils croient et se convertissent, c'est-à-dire qu’ils ajustent leur vie à l’œuvre de Dieu.

             L’eucharistie qui nous rassemble est sacrement d’unité parce qu’elle nous fait manger au même pain, boire à la même coupe. Communier, c’est aussi dire par un acte simple (partager le Corps du Christ) que nous voulons vivre l’unité. Que l’eucharistie de ce dimanche renouvelle ce désir d’unité et notre capacité à le vivre concrètement. Amen.


samedi 3 mai 2025

3ème dimanche de Pâques C - 4 mai 2025

Pâques, l'expérience d'un amour qui s'ajuste à moi.






Il a osé, il ne recule devant rien ! En publiant sur son propre réseau social, puis sur celui de la présidence américaine, cette photo où on le voit habillé comme un pape, cet homme prouve à tous ce que l’on supposait déjà : il ne respecte rien, ni personne ; tout ce qui compte, c’est qu’il puisse se mettre en avant et provoquer. Tout le contraire de ce qu’il aimerait incarner. Il l’avait dit la veille à un journaliste qui l’interrogeait : « J’aimerai être pape. Ce serait mon choix numéro un ». Sa mine sévère sur la photo le place à mille lieux de ce que les hommes sont appelés à découvrir de Dieu à travers celui qu’Il donnera comme pasteur à son Eglise. Il n’y a ni amour, ni tendresse, juste de l’arrogance et de la soif de pouvoir. Tout ce que nous ne devons ni imiter, ni désirer. Heureusement pour nous, c’est Dieu qui choisira le prochain pape. 

Il a osé, il ne recule désormais devant rien ! C’est ce que nous pouvons dire en voyant la certitude de Pierre lorsqu’il répond au grand prêtre : Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Il sait maintenant, par expérience, qu’il y a plus à attendre et à espérer de la part de Dieu que des hommes, fussent-ils ceux qui le servent et qui prétendent agir en son nom. Il est loin le temps où Pierre affirmait ne pas connaître celui qui alors passait en jugement avant d’être exécuté sur le bois de la croix. Il a fait l’expérience de l’amour et de la tendresse infinie de Dieu envers lui ; il affirme avec audace que le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus… c’est lui que Dieu, par sa main droite, a élevé, en faisant de lui le Prince et le Sauveur, pour accorder à Israël la conversion et le pardon des péchés. Avec les Apôtres, il est tout joyeux d’avoir été jugé digne de subir des humiliations pour le nom de Jésus. Il a accepté ce que disait Jésus : le disciple n’est pas au-dessus de son maître, et que le chemin que Jésus a emprunté pour nous sauver est chemin de vie pour les hommes qui croient en lui. Rien ne peut faire peur a celui qui se sait déjà sauvé et toujours aimé. 

Il a osé, il ne recule devant rien, Jésus, lorsqu’il parle avec Pierre sur le bord de la mer de Tibériade. Après s’être fait reconnaître par ses disciples et avoir partagé avec eux un repas, il prend à part celui qui avait renié, et par trois fois l’interroge : Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? La première fois en demandant s’il l’aime vraiment, plus que ceux-ci, c'est-à-dire plus que les autres ! La deuxième fois en lui demandant s’il aime vraiment. La dernière fois s’il l’aime, tout simplement, sans rien ajouter de plus. La langue française rend très mal la profondeur de ce dialogue qui joue sur différents verbes grecs qui parlent d’amour. Le texte original nous montre l’audace de Jésus et ce qu’il fait pour nous. En effet, dans sa première question, Jésus demande à Pierre : m’aimes-tu d’amour agapè, autrement dit, de charité, de cet amour qui va jusqu’au don ultime, de cet amour dont Jésus a fait montre sur la croix. Et Pierre répond : je t’aime d’amour philia, c'est-à-dire : je t’aime d’amitié. Ce n’est pas la même chose. D’où sans doute la deuxième question : Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? toujours en parlant de l’amour agapè, histoire de vérifier que Pierre a bien compris la question. Et Pierre de répondre encore qu’il aime Jésus comme un ami. Et l’on entend Jésus qui ne se décourage pas et qui n’abandonne pas. La troisième fois, Jésus l’interroge : Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? en utilisant le verbe qui dit l’amour philia, l’amour d’amitié. Et Pierre, bien que peiné, lui répond : Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime, en utilisant toujours l’amour d’amitié. Comprenez-vous ce que Jésus a fait pour Pierre, et qu’il fait pour chacun de nous ? Il l’interroge d’abord en lui demandant la plus haute forme d’amour, parce que c’est ainsi qu’il aime Pierre, c’est ainsi qu’il nous aime. Et devant l’impossibilité répétée de Pierre, soit de comprendre la question, soit de répondre par le même amour, Jésus abaisse ses prétentions, Jésus se met à portée de Pierre : puisque ce dernier semble bloqué sur le registre de l’amour d’amitié, Jésus va là où est Pierre. Il ne lui reproche pas ce qu’il ne peut pas donner pour l’instant. Il prend ce que Pierre peut lui donner ; il prend l’amour que nous pouvons lui donner, et tant pis si cet amour n’est pas parfait. 

Il a osé, il ne recule devant rien pour nous dire son amour. Et si nous avons du mal à comprendre combien nous sommes aimés de Dieu, et si nous avons du mal à comprendre la croix comme signe de l’amour de Jésus pour nous, Jésus s’abaisse encore. Il nous dit l’idéal à atteindre à travers ses premières questions ; mais il nous offre, avec sa dernière interrogation, une porte de sortie à notre mesure pour que nous ne reculions jamais devant la nécessité d’aimer. En fait, il nous dit qu’il n’est pas nécessaire d’aimer tout de suite d’un amour absolu pour commencer à aimer Dieu, pour commencer à aimer les frères qu’il met sur notre route. Ce qui compte, c’est justement que nous commencions à aimer, même si ce n’est que d’amitié. L’amour s’exerce, l’amour grandit : quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture ; une manière peut-être de nous dire que nous apprendrons, avec l’âge, à faire confiance, à nous laisser faire, à aimer autrement. Alors aimons comme nous pouvons, en attendant d’aimer comme Dieu nous aime. C’est tout ce qui importe. Ne désespérons ni de nous, ni des autres, et surtout pas de Dieu. Il nous accompagne dans notre apprentissage de l’amour ; il nous a donné son Fils en exemple vivant de l’amour parfait. A l’écouter, à le suivre, nous finirons peut-être par savoir aimer comme il nous aime. Et si d’aventure nous n’y arrivions pas, il porterait quand même à notre crédit nos essais d’aimer, même s’ils sont petits, même s’ils peuvent nous paraître insignifiants. En se mettant à portée de Pierre, Jésus nous dit qu’il n’est jamais insignifiant d’aimer, que c’est toujours ce qu’il faut faire, même imparfaitement, même petitement. 

        C’est cela la beauté de Pâques ; c’est la beauté de l’amour divin qui s’ajuste à nos capacités pour que pas un ne se décourage, pour que pas un ne puisse dire : cela ne me sert à rien d’aimer puisque je n’arrive pas à aimer comme Dieu attend que j’aime. Aimer comme Dieu nous aime est le résultat d’un compagnonnage avec Jésus ; il y faut plus ou moins de temps, beaucoup de patience, beaucoup d’essais, beaucoup de pardon aussi. Commencer à aimer par contre est le résultat d’un choix, qui peut se faire ici et maintenant, pour chacun de nous. Et si à notre tour, nous osions et ne reculions devant rien pour aimer toujours, pour aimer chacun, même juste un tout petit peu ? Chiche, on essaie ? Amen.