Dieu, fais-nous
revenir !
Tel est le cri du psalmiste en ce premier dimanche de l’Avent. Il semble en
contradiction avec le cri du prophète Isaïe entendu en première lecture : Reviens, à cause de tes serviteurs. Et
pourtant, ne s’agit-il pas d’un seul et même cri ?
Le
prophète Isaïe, lorsqu’il lance vers Dieu son cri : Reviens, veut redonner du courage à son peuple. Tous les malheurs
se sont abattus sur ce peuple à la nuque raide à cause de son péché. Nous avons encore péché, et nous nous sommes
égarés. Tous, nous étions comme des gens impurs, et tous nos actes justes n’étaient
que linges souillés. En appelant Dieu à l’aide, le prophète veut faire
comprendre au peuple que tout n’est peut-être pas fini. Ce peuple qui n’a plus
voulu de Dieu, qui s’en est débarrassé en acceptant d’autres dieux, qui se
retrouve incapable d’assumer les conséquences de ses actes, ce peuple donc se
rend compte de qui est Dieu pour lui : c’est
toi notre père, nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes : nous
sommes tous l’ouvrage de ta main. Il a conscience que Dieu s’est éloigné parce qu’il
ne voulait plus de lui. N’aurions-nous pas fait pareil ? Reviens ! Ce cri du prophète est
donc légitime. Nous avons l’habitude de l’entendre en temps de l’Avent. Oui,
que Dieu revienne vers son peuple ; que Dieu habite à nouveau au milieu de
son peuple ; et tout ira pour le mieux.
Pourtant,
si vous avez bien écouté le texte d’Isaïe, vous aurez pu entendre le prophète
interroger Dieu en ces termes : Pourquoi,
Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? Et plus loin, il
affirme : Tous, nous étions
desséchés comme des feuilles, et nos fautes, comme le vent, nous emportaient. Si
Dieu s’est retiré, le peuple s’est aussi égaré loin de Dieu. Son péché l’a
éloigné de la loi de Dieu comme le vent emporte au loin les feuilles mortes
détachées de l’arbre. C’est donc à lui aussi de faire effort pour revenir vers Dieu.
D’où le cri du psalmiste : Fais-nous
revenir ! Celui qui pousse ce cri a bien conscience qu’il lui faudra
toute la puissance de Dieu pour qu’il puisse se convertir. Ce psaume 79, dont
nous chantons un extrait en ce dimanche, rappelle tout ce que Dieu a fait pour
son peuple : il en a pris soin comme on prend soin d’une vigne, il l’a
sorti d’Egypte, l’a planté en bonne terre où il a pu s’épanouir. Mais un jour, Dieu
a percé sa clôture. Désormais, tous les passants y grappillent en chemin ;
le sanglier des forêts la ravage, les bêtes des champs la broutent. Peut-on
dire mieux que cela qu’elle n’est plus rien, cette vigne de Dieu ? Le
psalmiste reprend le cri du prophète : Dieu
de l’univers, reviens, et le double d’un second cri, qui lui est semblable :
Dieu, fais-nous revenir. Si Dieu doit
à nouveau porter le souci de son peuple, il faut aussi que le peuple porte à
nouveau le souci de son Dieu. On pourrait dire : Dieu et l’homme, même
combat. Dieu aime son peuple ; il l’a maintes fois démontré dans le passé ;
et le peuple aime son Dieu, même si quelquefois l’homme se montre ingrat. Dieu et
l’homme, c’est une histoire d’amour sans cesse chahutée, sans cesse
recommencée. Pour qu’elle soit solide, chacun doit revenir vers l’autre :
le peuple doit revenir vers Dieu et Dieu doit revenir vers son peuple. Le cri
du psalmiste : Fais-nous revenir,
est touchant parce que l’homme y dit sa faiblesse, son incapacité à revenir
vers Dieu par ces propres forces si Dieu ne le fait pas revenir par sa
puissance. C’est un peu comme si nous disions à Dieu : aime-nous fort pour
que nous puissions t’aimer un peu. Que ta
main soutienne ton protégé, le fils de l’homme qui te doit sa force. Jamais plus
nous n’irons loin de toi : fais-nous vivre et invoquer ton nom ! Comment
dire mieux que l’homme tient tout de Dieu ?
Reviens, et
fais-nous revenir ! Ce cri en deux mouvements est notre cri en ce temps de
l’Avent. Au début d’une nouvelle année liturgique, il nous permet de redire notre
confiance en Dieu, notre désir de conversion, notre volonté de nous attacher à ce
Dieu qui nous aime et qui vient toujours rencontrer
celui qui pratique avec joie la justice, qui se souvient de lui en suivant ses chemins. Il n’est pas de
meilleur moyen de nous préparer à accueillir celui que Dieu envoie. Dieu, fais-nous revenir, que ton visage s’éclaire,
et nous serons sauvés ! Puisse notre demande devenir notre réalité. Amen.
(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)
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