Les hommes demandent
des signes, Jésus demande la foi !
Un
seul miracle particulièrement impressionnant, et déjà commencent les tensions
entre Jésus et la foule. Souvenez-vous : dimanche dernier, l’évangile nous
faisait contempler Jésus nourrissant environ
cinq mille hommes avec seulement cinq
pains et deux poissons. A la fin de la journée, Jésus s’est retiré seul, dans la montagne. Suit un épisode
que nous n’entendrons pas et qui nous montre Jésus et ses disciples traverser
la mer, direction Capharnaüm. C’est pour cela que, la foule [voyant] que Jésus n’était pas là, ni ses disciples, les gens
montèrent dans les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus.
On pourrait se réjouir de ce désir de la foule d’être avec Jésus, s’il
était le signe d’un réel attachement à sa personne, s’il traduisait une vraie
communion avec celui qu’elle cherche. Mais voilà, tout l’évangile de ce
dimanche nous montre la distance qui existe entre Jésus et la foule.
La
première distance concerne l’objet même du désir de la foule. La foule a mangé
à satiété, sans se fatiguer, puisque Jésus a donné largement. Pourquoi ne pas
continuer ainsi ? Jésus n’est pas dupe de cette fascination de la foule
pour sa personne : vous me cherchez
parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés. En ce
sens, ils ne diffèrent guère de leurs ancêtres qui ont suivi Moïse au désert.
Celui-ci les a tirés d’Egypte sur ordre de Dieu ; il leur a rendu leur
liberté, et voilà que déjà, ils ont oublié la puissance de Dieu. Pourquoi ?
Parce que les ventres sont vides, parce qu’ils ont faim. A la liberté
retrouvée, ils préfèrent soudain les marmites de viande d’Egypte, même si elles
étaient le signe de l’oppression et de l’esclavage. Comme la liberté semble
soudain une chose vaine et futile ! Mieux vaut un ventre bien plein et des
chaines, que la liberté et le ventre creux. Que ce soit au temps de Moïse ou au
temps de Jésus, l’homme veut un ventre bien plein, sans effort si possible. Qu’importe
le sacrifice à faire ! S’il faut retrouver les chaines d’Egypte pour avoir
à manger, soit ! S’il faut suivre Jésus pour manger sans se fatiguer, cherchons-le !
Ce qui compte, ce n’est pas Moïse, ce n’est pas Jésus ; ce qui compte, c’est
notre ventre bien tendu ! Ce qui compte, ce sont peut-être ces douze
corbeilles de restes dont personne ne sait ce qu’elles sont devenues.
La
deuxième distance qui existe entre Jésus et la foule, c’est justement l’incapacité
de cette dernière à comprendre Jésus. Ce que veut la foule, c’est un signe :
Quel signe vas-tu accomplir pour que nous
puissions le voir, et te croire ? Mais… elle vient d’en avoir un !
Ce repas gratuit, largement servi, n’est-il pas un signe suffisant pour que la
foule comprenne que Jésus est comme un nouveau Moïse par qui Dieu nourrit son
peuple ? Que faudra-t-il encore ? Quel signe pourrait convaincre l’humanité
que Jésus est bien celui qui peut tout, qui donne tout, qui se donne tout
entier pour la vie du monde ? Jésus a beau expliquer qu’il est le Pain de la vie, descendu du ciel, rien n’y
fait ; la foule semble ne pas comprendre. Elle veut des signes ; elle
veut voir, toujours et encore ; elle veut manger, toujours et encore !
Nous
arrivons là à la troisième distance qui existe entre Jésus et la foule : la
foule ne comprend pas que Jésus ne demande qu’une chose, et qu’une seule chose
est nécessaire. Cette chose, c’est la foi. Elle seule peut combler la faim
profonde des hommes ; elle seule peut faire discerner le pain vivant et
vrai ; elle seule permet de bien comprendre qui est Jésus et quelle est sa
mission. Moi, je suis le pain de la vie.
Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura
jamais soif. Il faut bien, comme la foule, venir à Jésus. Mais il faut
venir à lui, vide de nos exigences, vide de notre désir de voir des choses. Il faut
venir à Jésus comme on va vers une source vive et trouver en lui ce qui fait
vivre vraiment. Celui qui vient vers Jésus, plein de revendications que Jésus se
devra de contenter, n’est pas dans les bonnes dispositions. Jésus n’a pas à
prouver qui il est par des signes particuliers. Il ne cesse de nous dire qui il
est ; c’est à nous de le croire, sur parole. Il nous dit qu’il est le pain
de la vie ? Approchons-nous de lui et goûtons à sa Parole, croyons ce qu’il
nous dit, et notre faim sera rassasiée. Il vient nous donner le goût de la vie
avec Dieu, après avoir partagé pour nous le pain.
Ne
nous contentons donc pas de manger à sa table en attendant le prochain service ;
mais apprécions le moment présent. Il nous donne le Pain de sa Parole pour donner
sens à notre vie ; il nous partagera le Pain de son Corps, rompu pour que
nous goutions à la vie de Dieu. Il se donne tout à nous, en vrai Pain de la vie
éternelle, non pas pour que nous nous recroquevillions sur nos assiettes, mais
pour que nous allions à la rencontre de nos frères, pour leur partager ce pain
et les inviter à cette table où Dieu se donne tout à tous. Allons vers Jésus avec
le désir de croire en lui et nous comprendrons mieux que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de
la bouche de Dieu. Amen.
(Dessin de Jean-François KIEFFER, in Mille images d'Evangile, éd. Les Presses d'Ile de France).
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