Il
nous faut faire un effort de mémoire encore pour bien situer l’évangile entendu
et bien le comprendre surtout. Tout a commencé il y a quinze jours, avec la
multiplication des pains. Jésus prenait ainsi soin du peuple qui lui était
confié. Mais ce miracle déclenche une polémique entre Jésus et la foule. Elle a
commencé la semaine passée lorsque les hommes demandaient des signes à Jésus,
alors que Jésus demandait la foi aux hommes. La polémique se poursuit en ce
dimanche : l’incompréhension grandit entre Jésus et ceux qui l’ont suivi
jusqu’ici.
Pour
les hommes, cette polémique a pour origine Jésus lui-même. Pas seulement ce qu’il
dit, mais qui il est. La foule croit connaître Jésus parce qu’elle connaît son
origine, son père et sa mère. C’est un enfant de la région. Ce qu’il dit en
devient alors encore plus insupportable. Enfin, pour qui se prend-t-il ?
En s’approchant de l’homme dont ils connaissent la parenté, ils s’imaginent
connaître Jésus, celui que les hommes confesseront comme Christ après Pâques.
Comment pourraient-ils approcher le Christ alors qu’ils n’ont pas la foi ?
La foule d’avant Pâques peut-elle comprendre des paroles qui sont déjà celles
du Seigneur Ressuscité ? Ce n’est que dans la foi de Pâques que nous
pouvons découvrir la vérité et la profondeur des paroles de Jésus entendu ce
dimanche. Ce n’est que dans la foi de Pâques que nous pouvons reconnaître vraiment
Jésus comme le pain qui donne la vie.
Si
Jésus n’est qu’un homme parmi d’autres, sa prétention à être le pain de la vie
est inaudible. Mais si Jésus est bien celui que le Père envoie, alors il est
vraiment celui qui donne la vie aux hommes. C’est sa raison d’être au milieu de
nous. Dieu ne l’a pas envoyé juste pour voir comment c’était sur terre. Il n’est
pas venu faire une visite d’inspection. Il est venu dire aux hommes le chemin
vers Dieu ; il est venu apporter aux hommes le salut en offrant sa propre
vie. La multiplication des pains était un signe évident de sa proximité avec Dieu
son Père, le signe évident qu’il est venu prendre soin de nous, veiller sur
nous et nous donner la vie de Dieu. Le don du pain annonce le don de sa vie. Il
faut donc l’entendre quand il nous parle de son Père.
Si
nous acceptons que Jésus est le Fils unique de Dieu, comme nous le rappelait
cette semaine la fête de la Transfiguration et la voix du Père dans la nuée – Celui-ci est mon Fils bien-aimé :
écoutez-le ! – alors les paroles qu’il prononce aujourd’hui sont une
invitation à ne pas nous arrêter à sa personne, mais à voir le Père dans tout
ce que dit Jésus, dans tout ce que fait Jésus. Jésus n’est donc pas le héros
que la foule imagine ; il ne fait rien par lui-même, mais parce que un
autre, son Père, lui demande de le faire. On peut comprendre la déception de la
foule et son incapacité à suivre Jésus. Comment pourrait-elle le suivre d’ailleurs
sans le regard de la foi ? C’est juste impossible ! Personne ne peut venir à moi, si le Père qui
m’a envoyé ne l’attire. Pour être attiré vers le Christ, il faut donc déjà
croire en Dieu pour qu’il puisse s’adresser à nous et nous faire rencontrer le Christ !
Tout le discours de Jésus sur le Pain de vie repose sur le postulat de la foi. Il
faut que l’homme accepte que Dieu existe ; il faut que l’homme accepte que
Dieu n’ait qu’un but : la vie de l’homme. Il faut que l’homme ait le désir
de vivre avec Dieu, de vivre de Dieu, pour reconnaître Jésus comme celui qui
est la source de cette vie, par mandat du Père. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un
mange de ce pain, il vivra éternellement.
Nous
voici renvoyés à nous-mêmes : comment venons-nous au repas que le Seigneur
offre à son peuple chaque dimanche ? Reconnaissons-nous, dans le pain
partagé, Jésus qui se livre totalement à nous ? Croyons-nous que Dieu veut
nous sauver en Jésus, et que ce morceau de pain, dont les croyants disent qu’il
est Jésus présent en son corps, est l’aliment de notre salut ? Sommes-nous
de ceux qui récriminent contre Jésus, croyant le connaître selon sa généalogie
humaine, mais refusant de voir en lui le Fils unique de Dieu ? Sommes-nous
capables de cet acte de foi qui nous fait dire, devant le Pain consacré : mon Seigneur et mon Dieu ? Que l’Amen
de notre communion soit l’affirmation de notre foi et de notre désir d’être
sauvé par Jésus, le Pain vivant, descendu du ciel selon la volonté du Père.
Ainsi soit-il !
(Dessin publié dans l'Image de notre paroisse, n° 200, Août 2003, éd. Marguerite)
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